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Sur les lieux de l’effondrement mortel d’un immeuble : « Toute la Casbah est dans cet état »

Sur les lieux de l’effondrement mortel d’un immeuble : « Toute la Casbah est dans cet état »

Les planchers d’un immeuble de quatre étages situé dans la basse Casbah, à proximité de la célèbre mosquée Ketchaoua, se sont effondrés tôt dans la matinée de ce lundi 22 avril, causant la mort de cinq personnes, dont deux enfants.

L’accident a eu lieu entre 5 et 6 heures du matin, alors qu’il pleuvait sur Alger, selon les riverains. Très rapidement, les éléments de la Protection civile et de la police sont déployés sur les lieux, pour sécuriser l’immeuble et ses alentours et tenter de retrouver d’éventuels survivants.

Les pompiers, déployés en très grand nombre, installent, avec l’aide de la police un périmètre de sécurité pour éloigner curieux et voisins prostrés qui sont restés, tout au long de la journée, près de l’immeuble.

[Hassane Saadoun- TSA]

Une tâche difficile pour les pompiers

La porte métallique de l’immeuble était fermée à clé de l’intérieur. Les pompiers ont dû la découper à la disqueuse espérant accéder aux étages en remontant les escaliers. Peine perdue. La porte découpée n’a laissé voir que des gravats en grande quantité obstruer les escaliers. La fenêtre du premier étage et le balcon du deuxième allaient être les seules issues possibles pour les pompiers pour accéder aux habitants ensevelis sous les décombres.

L’intérieur de l’immeuble était divisé en deux, les deux étages supérieurs complètement vidés, laissant voir, à partir du balcon, jusqu’à la cage d’escaliers alors que les deux étages du bas étaient complètement obstrués par les débris de béton, de briques, de poutrelles métalliques, de madriers en bois, de meubles et d’équipements domestiques.

À ce moment-là, personne n’était sûr du nombre de victimes coincées à l’intérieur. « Ils sont au moins dix », assure une dame âgée, immédiatement contredite par d’autres voisins. « Tous les membres d’une des familles n’ont pas dormi ici », assure un autre riverain.

Deux victimes sont retrouvées mortes dès le début de la journée. Il s’agit d’un homme et de son fils de trois ans, selon les voisins qui ont été nombreux à signaler que la mère a échappé à la mort car elle n’avait pas passé la nuit avec sa famille. Les proches, amis et collègues des habitants de l’immeuble arrivant peu à peu sur les lieux du drame, leurs témoignages sont recoupés et le décompte est vite fait. Cinq personnes se trouvaient dans l’immeuble lorsqu’il s’est effondré. Il restait donc à encore trouver trois corps.

[Hassane Saadoun- TSA]

Un immeuble vétuste

La recherche des trois autres victimes, un couple et leur fille en bas âge prendra toute la journée. Le déblaiement du premier étage dans lequel s’est accumulé le plus gros des débris se fera d’abord à la main. L’exiguïté de l’immeuble, large d’à peine quelques mètres et coincé entre deux autres immeubles condamnés pour travaux, n’a pas laissé suffisamment de place à l’utilisation d’outils, de pioches ou d’équipements mécaniques.

La fenêtre dont le cadre en bois et quelques carreaux étaient toujours intactes, malgré l’accident, est vite cassée par les pompiers pour faciliter leur accès à l’étage. Un réfrigérateur, des ustensiles et rangements de cuisine sont visibles de la rue.

Les gravats dégagés lors du déblaiement étaient mêlés à une très fine poussière marron, volatile et suffocante. « Tout est pourri, regardez, le plafond était tout effrité, du sable ! Que du sable ! », s’écrie un voisin.

« Toute la Casbah est dans cet état ! Et s’il y avait un grave tremblement de terre ? », lance un autre. Après avoir travaillé plusieurs heures à mains nues, les pompiers finissent par avoir assez d’espace pour utiliser une disqueuse. Des poutrelles métalliques soutenant les toits sont rapidement découpés et jetées par-dessus le balcon. Elles sont toutes rouillées, rongées par le temps.

« Dégage ! Dégage ! » : le wali et le maire chassés

Tout en montrant un soutien total aux pompiers qu’ils ont encouragés tout au long de la journée, les voisins et proches des victimes ont montré une réelle colère mêlée à une profonde tristesse. « Ils paieront ! Nous ne leur pardonnerons pas ! », s’écrie une mère de famille visiblement sous le choc alors qu’un jeune habitant du quartier ne cessait de répéter « c’est toujours zwawla (les pauvres) qui meurent dans des trous ! ».

La colère des habitants de la basse Casbah s’est déchaînée contre le wali Abdelkader Zoukh et sa délégation. Arrivés dans la matinée sur les lieux du drame, ils ont vite été hués, sifflés, pris à partie puis chassés par les citoyens en colère. Plus tard, c’est au tour du maire de la commune de la Casbah de subir la colère de ses administrés. « Dégage ! Dégage ! », lui ont hurlé les citoyens présents sur place lorsqu’il est venu s’enquérir de la situation.

Vers 16 heures, alors que le premier étage était toujours obstrué de décombres, les pompiers hissent un brancard vers le deuxième étage. Quelques minutes plus tard, le même brancard est redescendu avec un corps recouvert de blanc. « Allahou Akbar », scande l’assistance à l’unisson alors que le brancard était descendu par deux cordes jusqu’en bas de la rue.

« C’est la mère et la fille,», murmurent des riverains agglutinés derrière les barrières de sécurité. Le corps est évacué par ambulance et le brancard est de nouveau hissé sur le balcon du deuxième étage. Une demi-heure plus tard, un autre corps est redescendu, de la même façon que le premier, accompagné des « Allahou Akbar » des habitants du quartier.

Les pompiers n’ont rien pu faire. « Lorsqu’on a su que les habitants du quatrième étage sont décédés, on n’a plus eu aucun espoir de retrouver vivants les membres de la famille du deuxième puisqu’ils ont reçu sur la tête la totalité des deux étages supérieurs », confie un habitant du quartier.

Les trois derniers corps évacués, les pompiers quittent les lieux laissant la place à la police scientifique. Les conclusions de l’enquête déjà en cours sont faciles à prédire. La vétusté de l’immeuble, le manque d’entretien, l’humidité qui ronge le quartier, aggravée par les chutes de pluie de la nuit sont probablement derrière l’effondrement du bâtiment classé comme étant « à risque », selon la wilaya d’Alger.

Une conclusion qui risque de ne pas satisfaire ni convaincre les habitants de la Casbah et de Bab El Oued. « Regardez, ils ont repeint les immeubles de l’extérieur, les murs sont bien blancs pour faire comme si, mais l’intérieur des maisons est pourri et c’est le cas pour tous les immeubles du quartier », a dénoncé un commerçant de la basse Casbah.

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