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To Be or not to Be Represented : Qu’attend l’université pour être ?

To Be or not to Be Represented : Qu’attend l’université pour être ?

Tribune. La démocratie athénienne est née de l’engagement des citoyens en politique pour assurer l’unité de la cité.
Pour être, il faut d’abord le vouloir. Ensuite, il s’agira de faire reconnaître cet être, c’est-à-dire le faire représenter de telle sorte que les autres le reconnaissent comme tel. Or qu’est-ce qu’une représentation ?

Philosophie : Pour Lalande (1), la représentation reposerait bien sur une capacité à tenir lieu de quelque chose, à voir dans une image autre chose que son aspect physique, mais sans qu’elle soit pour autant réductible à un symbole conventionnel.

Droit : c’est l’effet soit d’une convention, soit de la Loi, elle règle l’effet par lequel une personne, dite le représenté ou encore le mandant, engage une personne dite, le mandataire ou représentant, lequel reçoit de ce mandant la mission de traiter avec un ou plusieurs tiers comme s’il avait directement traité avec ce ou ces tiers.

Politique : Pour M. Saward (2) , au sens propre, un groupe ne saurait exister avant qu’il soit représenté. La représentation est donc ainsi le fondement de toutes les formes de démocratie.

Psychologie : Pour S. Moscovici (3), la notion de représentation renvoie à un concept princeps en psychologie sociale, et, de manière générale, en sciences sociales, en ce sens qu’elle constitue un élément charnière entre le sujet et son groupe, ainsi qu’entre le groupe et son environnement.

Psychanalyse : Chez Freud, la notion de représentation articule inconscient et conscient, avec la distinction entre la représentation de chose, et représentation de mot. La représentation de chose, est par nature chaotique, hétérogène, composée d’éléments visuels, acoustiques, tactiles, kinesthésiques, et « autres », entrant en interrelation. Cependant, la prégnance visuelle est la plus forte. La représentation de mot, quant à elle, est d’ordre conscient (ou préconscient) ; elle cristallise les significations (Béatrice Turpin (4)).

Linguistique et sémiotique : Dans la tradition européenne, Saussure (5) définit la représentation comme une relation entre deux entités appelées signifiant et un signifié, toutes deux étant de nature psychique. Par exemple, pour un francophone, le fait d’entendre le mot « arbre » (St), fait se produire l’image d’un arbre dans le cerveau (Sé). Pour un anglophone, ça sera le mot « tree », et pour arabophone, ça sera le mot « شجرة ».

Dans la tradition américaine, Peirce (6) définit la représentation comme une relation entre un sujet et un objet pour un interprète, engageant de ce fait trois entités au lieu de deux. C’est-à-dire qu’une représentation est une activité cognitive qui consiste à lier un phénomène observé à son objet par le biais d’une connaissance préalable, où la culture ou bien la tradition de celui qui observe est totalement prise en considération pour l’interprétation de l’objet observé. Par exemple, la représentation que se faisaient les algériens de leur pays qu’ils souhaitaient quitter en masse avant le 22 Février n’est plus la même que celle qu’ils s’en font aujourd’hui.

En dehors de cette représentation cognitive opérée par le biais d’une abstraction, une représentation peut revêtir plusieurs formes : artistique – culturelle – médiatique – sociale – politique, etc.

La représentation artistique

Elle consiste à recourir à son corps (chant, chorégraphie, mime, et), ou à un matériau naturel ou pas, pour travailler sur un support externe (peau d’animaux, roche, tissu, papier, et maintenant des interfaces graphiques), ou à faire appel à un ensemble de matériaux ou d’instruments (appareil photo, décoration d’intérieur, scénarisation), travaillés ensemble pour obtenir un effet accru (théâtre, cinéma, etc.)

La représentation culturelle

Elle consiste à se servir de moyens linguistiques (parole ou écriture), artistiques ou autres, afin de produire des artefacts qui portent le savoir-faire, le point de vue, ou la vision du monde d’un groupe ou d’une communauté donné. La communauté se sert de ces artefacts pour se faire reconnaître comme telle, et réclamer son droit à l’existence au même titre que les autres communautés. C’est donc pour la communauté une question de survie pour prétendre exister aussi dans le vivre-ensemble commun.

La représentation sociale

D. Jodelet (7) considère les représentations sociales, en tant que systèmes d’interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, orientent et organisent les conduites et les communications sociales. Ce sont des phénomènes cognitifs engageant l’appartenance sociale des individus par l’intériorisation de pratiques et d’expériences, de modèles de conduites et de pensée. C’est ainsi qu’un individu, ou un groupe interprète tel phénomène de telle façon. Par exemple, les manifestations populaires en Algérie, étaient interprétées comme la menace d’un chaos pour certains membres du gouvernement non habitués à faire confiance à leur peuple , alors qu’elles signifient la marche vers la libération de l’Algérie pour les autres !

La représentation politique

C’est celle qui a le vent en poupe en ce moment. On dit souvent que c’est la représentation qui crée le peuple, puisqu’elle le fait être en reconnaissant sa souveraineté. D’après J. Ghestin, « il y a représentation dès lors qu’une personne accomplit un acte juridique au nom et pour le compte d’une autre personne dans des conditions telles que les effets actifs et passifs de cet acte se produisent directement dans le patrimoine de cette dernière ».

La représentation est le mécanisme qui permet au peuple de désigner les personnes chargées d’exercer des fonctions dont les éléments sont définis par la constitution, pour un temps déterminé, sous le contrôle indirect des représentés et une possible sanction par la mise en cause de la responsabilité. Cette façon d’exercer sa souveraineté, le peuple l’applique par le biais des élections. Il élit des personnes pour le représenter auprès des instances de gestion de la collectivité, comme les assemblées populaires de commune APC et de wilaya APW, ou encore en se faisant représenter au niveau de l’assemblée populaire Nationale (APN), qui est l’instance de délibération où se conçoivent tous les textes législatifs qui donnent de la légitimité aux différentes lois devant régir le fonctionnement ordinaire d’un pays.

Alors, pourquoi ce titre ? C ‘est parce que la représentation est en même temps, l’expression d’une volonté individuelle d’exister et de faire reconnaître son existence par autrui, mais également, puisque les différentes assemblées sont constituées de plusieurs parties, elle permet également de mettre en pratique le vivre-ensemble de façon pacifique (la force de l’argument, opposé à la force physique ou militaire brute). La représentation, lorsqu’elle est véritablement démocratique permet ainsi l’expression de rapports de force existant dans la société, sans avoir à recourir à la violence.

La révolution tranquille des algériens a complètement transformé les représentations que les jeunes algériens se faisaient de leur pays d’où ils se sentaient exclus au point de se jeter à la mer. Ils ont vécu en marge de leur pays, mais désormais, ils exigent de participer à la gestion de leur pays dont ils peuvent changer le destin en forçant les clientèles du régime à dégager, et bientôt en imposant une représentation plus démocratique, qui tienne vraiment compte de leurs aspirations. Ils le disent clairement : « on vient de récupérer notre peuple, on va bientôt récupérer notre pays ».

C’est-à-dire, qu’on vient tout juste d’imposer notre existence en tant que peuple algérien dans toute sa diversité (par des marches pacifiques), et maintenant, nous allons récupérer nos symboles nationaux (les différentes assemblées élues), en nous y faisant effectivement représenter librement par des compatriotes que nous aurons élus de façon démocratique. Réinventer notre nouvel imaginaire collectif, ensemble, par le biais d’une nouvelle constitution qui soit une véritable émanation de l’aspiration des algériens, dont seul le peuple sera le garant et le protecteur est la prochaine étape. Mais comment faire ?

Concernant l’université, elle doit donner le ton, en commençant à s’organiser de la manière la plus démocratique possible, afin de servir de modèle, et d’éviter ainsi que les différentes composantes ne sombrent dans des luttes inutiles et d’arrière-garde, ou que des individus auto-proclamés porte-parole n’en fasse un fonds de commerce.

Mode représentation/Modus Operandi

Procéder à une AG élective, où seront représentées toutes les composantes de l’université. C‘est à dire, les étudiants, les enseignants, les travailleurs. Ces AG doivent se dérouler dans chaque département où seront élus par leurs pairs les représentants des étudiants, des enseignants et des travailleurs en nombre exactement identique pour chaque entités. Par exemple, 5 étudiants, 5 enseignants, 5 ATS. Ces représentants de chaque département vont se réunir pour constituer le Conseil de la faculté qui aura pour première tâche d’élire son bureau qui sera composé de 7 ou 9 membres. Une fois élu, le bureau se réunira pour élire son président. L’ensemble des bureaux de Faculté va constituer le Conseil de l’Université.

Le conseil de l’Université va à son tour élire un bureau de 7 ou 9 membres qui aura à élire son président qui le représentera au niveau des autres universités. Ça sera ce bureau qui pourra seul parler de façon légitime au nom du collectif de l’université.

Il est évident que Toutes les élections se dérouleront à bulletins secrets. Les représentants de chaque université pourront se réunir pour formuler les propositions de leurs universités respectives et parler de ce fait d’une même voix, celle de l’université algérienne.

Ce mode opératoire a servi à constituer la structure du premier syndicat autonome de l’histoire de l’Algérie indépendante : celui du Syndicat Autonome des travailleurs de l’Education et de la Formation qui a réussi à « dégager »les structures de l’UGTA de tous les établissements de l’éducation de la wilaya de Tizi-ouzou en un très court laps de temps, avant de les dégager d’autres établissements hors wilaya plus tard.


(1) Lalande, A. Grand dictionnaire de la philosophie / sous la dir. de Michel Blay, Larousse / VUEF 2003.

(2) Saward, M. The Representative Claim, OUP, 2010.

(3) Moscovisci, S. La psychanalyse, son image et son public, Ed Puf, 1961.

(4) Turpin, B. La représentation dans la langue. Linguistique et psychanalyse, In Press, 2001, coll. « Explorations psychanalytiques ».

(5) Saussure F. De. Cours de linguistique générale, ENAG, 1994.

(6) Peirce, CS. Selected Writings, ed. by Philip P. Wiener Dover, 1980.

(7) Jodelet D. Les représentations sociales, PUF, 2003.


*Professeur Fodil Med Sadek, Docteur en sciences du langage, Enseignant à l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-ouzou. Membre fondateur, et premier coordinateur du SATEF de 1989 à 1991.

Important : Les tribunes publiées sur TSA ont pour but de permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la position de la rédaction de notre média.

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