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À Alger, aux restos Rahma, les files d’attente se forment dès 13h

À Alger, aux restos Rahma, les files d’attente se forment dès 13h

Comme chaque année, ils sont plusieurs restaurants du cœur à servir des repas chauds aux nécessiteux durant le ramadan en Algérie. Seule différence ce Ramadan 2021 : le nombre des démunis qui fréquentent ces lieux a carrément explosé.

La crise sanitaire provoquée par la Covid-19 a impacté le pouvoir d’achat de bon nombre de citoyens qui ont perdu leur emploi. Sans revenus, des familles entières ont recours à cette forme d’aide. Devant les restos de la Rahma d’Alger, des files d’attente commencent à se former à partir de 13 heures.

Chorba pour tous

Devant le restaurant Pasteur (Avenue Pasteur) dans le centre-ville de la capitale, il est à peine 13 heures et déjà trois personnes sont dans la queue. Pourtant, les boîtes-repas ne seront servies qu’aux alentours de 16 heures.

« Mieux vaut être parmi les premiers, pour être sûr d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent », nous confie Mohamed, 68 ans.

Arrivé le premier, il feuillette son journal pour passer le temps. « Je suis retraité et je n’arrive plus à joindre les deux bouts » explique- t- il.

À côté de lui, se tient un homme. Nacer accepte de nous parler de sa situation : « J’ai 54 ans et je suis victime d’un licenciement abusif. Je viens chaque jour chercher un repas, hormis le vendredi. Ma famille habite loin et moi je vis seul à Alger. Ici le repas est correct : une chorba, un plat de résistance, une salade, un yaourt, trois dattes et une bouteille d’eau. Le tout est servi dans des boites à emporter. Pendant le ramadan, je sais que j’aurais quelque chose à manger le soir. C’est durant les autres mois de l’année où c’est difficile. La générosité des Algériens est moins perceptible hors contexte du ramadan ».

Au fur et à mesure que le temps s’égrène, une foule impressionnante se forme. Elle s’allonge jusque dans le tournant de l’avenue Pasteur. À la queue leu leu, des citoyens de tous âges prennent place en rang d’oignon. Leur patience sera récompensée au bout de trois heures d’attente. Ils repartiront avec un repas chaud.

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Les classes moyennes en difficulté

Frikat. Rue Didouche Mourad. En temps normal, c’est une pizzeria. Pour ce ramadan, Frikat s’est transformée en restaurant du cœur.

Une immense pancarte signale des numéros de téléphone pour attirer l’attention d’éventuels donateurs. Et ça marche ! Chaque jour, des dons d’argent ou de denrées alimentaires sont déposés à cette adresse.

Dès 17 h 30, une chaîne humaine commence à se former devant la porte de cette pizzeria. Il y a des hommes, des femmes et même des enfants.

« Les Algériens sont très solidaires, nous dit Abderezak Leulmi (46 ans), propriétaire de ce fastfood. Au premier jour du ramadan, les donateurs se sont manifestés. Certains nous remettent des enveloppes d’argent, d’autres nous font des emplettes ou nous offrent des victuailles. Un artisan boulanger nous livre une corbeille de pain chaque jour. C’est merveilleux ! »

À l’heure de l’Iftar, cette enseigne accueille une cinquantaine de personnes. Des tables sont dressées au rez-de-chaussée et sur la mezzanine. Par ailleurs, plus de 60 repas à emporter sont offerts.

« Le bouche-à-oreille fonctionne bien. Chaque jour, nous découvrons de nouvelles têtes, ajoute-t-il. Ce qui est effrayant cette année, ajoute le gérant, c’est de constater que des familles entières de la classe moyenne, se retrouvent dans le désarroi total ».

Les restos de la Rahma sont l’unique alternative pour de nombreux père de familles avec femme et enfants, qui n’ont pas de revenus.

« Ils sont très gênés d’attendre dans la rue. Afin de préserver leur anonymat et ne pas heurter leur dignité, nous les installons vers 17 heures à l’intérieur. Outre les personnes démunies, il y a des personnes séjournant à l’hôtel et qui n’ont pas où manger à l’heure de la rupture du jeûne. Une cuisinière bénévole prépare les repas chaque jour, et deux amis me prêtent main forte dans cette aventure humaine », explique le gérant du fastfood.

Rue Ahmed Zabana (Ex-rue- Hoche), un local, siège de l’ONEC (Organisation Nationale des enfants de Chouhada) est transformé en cuisine. Des femmes qui font partie d’une association y préparent des repas à distribuer aux nécessiteux tout au long de ce mois sacré.

Malika Saïdani est à la tête de cette association. « Cette année, nous avons eu moins de dons de la part de particuliers probablement à cause de la Covid -19, nous révèle-t-elle. Nous préparons une centaine de repas à emporter chaque jour et un peu moins le vendredi. Toute personne qui se présente à notre siège repart avec un ‘f’tour’. Il y a de nombreux  SDF qui dorment à la belle étoile et aussi les travailleurs des chantiers avoisinants. Ils récupèrent leur boite à emporter vers 15 h 30. Aujourd’hui, c’est chorba, salade variée et couscous aux raisins secs, au menu ».

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Deux vagues, en respect des mesures sanitaires

Rue Reda Houhou (Ex Clauzel), c’est une tradition : cette gargote se transforme chaque ramadan en restaurant de la Rahma. L’adresse est connue par les nécessiteux qui viennent s’y attabler. Une centaine de personnes environ.

« Afin de respecter le protocole sanitaire, nous les accueillons souvent en deux groupes », nous dit Lynda, que nous retrouvons derrière les fourneaux. « En outre, nous servons 150 repas à emporter » ajoute-t-elle.

Elle aussi dresse le même constat : « Ce n’est pas la première fois que je travaille en tant que bénévole mais ce ramadan est très particulier. La liste des nécessiteux a nettement augmenté. La pauvreté s’est insinuée dans toutes les couches de la société et la pandémie n’est pas étrangère à ce phénomène ».

Lynda commence sa journée vers 8 heures. Aidée par plusieurs bénévoles, elle prépare le menu du jour. Les boites en papiers jetables, sont déjà prêtes à contenir  les 150 repas à emporter : Chorba, bourek, tadjin ezzitoun, mesfouf aux raisins secs, dattes.

Les sacs alimentaires se remplissent. Dans la salle, les tables sont dressées. Dès 17 h 30, les premiers arrivants pointent le bout du nez. Des migrants subsahariens, des familles, des SDF…

Tous viennent profiter d’un repas chaud et d’un petit moment de convivialité rendu possible grâce à la générosité des Algériens et au grand cœur des bénévoles.

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