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À Marseille, deux familles algériennes se livrent une guerre sans merci

À Marseille, deux familles algériennes se livrent une guerre sans merci

Vendredi 2 février, quartier est de Marseille. La lumière bleue des gyrophares de la police découpe la nuit. Peu avant minuit, un homme d’une trentaine d’années a été achevé de deux balles dans la tête alors qu’il se trouvait au volant de sa voiture.

« L’homme a des antécédents judiciaires et l’enquête s’oriente vers un règlement de comptes », a déclaré au journal La Provence Xavier Tarabeux, le procureur de Marseille.

Il s’agit du quatrième homicide par balles dans la cité phocéenne depuis le début de l’année. La victime est le dixième ressortissant algérien tué dans la cité phocéenne depuis fin 2017, selon les informations relayées par Echorouk. Avant cet assassinat, la dernière victime algérienne en date avait été abattue de plusieurs balles dans la tête avant d’être brûlée, le 24 janvier dernier.

Hier, samedi 3 février, une journée après la mort du trentenaire, le secteur a visiblement de nouveau été le théâtre de règlements de comptes puisque deux corps ont été retrouvés dans une voiture incendiée à une trentaine de kilomètres de Marseille.

L’an dernier, 13 règlements de comptes mortels ont été recensés dans les Bouches-du-Rhône, le plus souvent sur fond de trafic de drogue dans les cités sensibles de la ville, rapporte l’agence d’informations Reuters.

Cette année-là, le chapelet de morts s’ouvrait le 7 février avec l’assassinat de Mehdi Remadnia, un « gros bonnet » de la drogue foudroyé par 50 balles de Kalachnikov au pied d’un immeuble situé dans une commune limitrophe de Marseille.

Une guerre des clans entre deux familles algériennes

Remadnia. Le nom est connu à Marseille. Le nombre relativement important de victimes algériennes s’expliquerait dans la bataille sans merci que se livrent cette famille avec celle des Tir, toutes deux originaires de Kenchela et maillons forts du trafic de drogue marseillais. Un article de l’Express rappelait que la famille Tir, « des Berbères débarqués d’Algérie après 1945 », a enterré cinq des siens depuis 2011 et subit deux tentatives d’assassinats.

« C’est quantitativement le plus gros conflit à Marseille actuellement », avait assuré au journal local La Provence Éric Arella, le chef de la police judiciaire dans la cité phocéenne. Les Tir – soutenus par la famille Berrebouh, des Algériens aussi – et les Remadnia sont pourtant des connaissances de longue date. Leurs morts reposent dans le même cimetière, à Menzel, entre Kenchela, la terre des Tir, et Kais, celle des Remadnia.

Le journal français précise même qu’ils ont une aïeule commune. « Nous avons grandi ensemble, partagé les mêmes cours d’école et les mêmes cages d’escalier, mangé chez les parents des uns et des autres, confie un Remadnia au journal. Mais, quand la drogue et l’argent ont inondé les quartiers, les parentèles se sont divisées ».

Toujours selon le quotidien français, la guerre entre les deux clans aurait débuté avec la séquestration d’un homme du clan Tir et de sa femme à la suite d’un différend entre dealers. Enceinte, la femme aurait perdu le bébé après avoir été frappée. Les Tir allaient se venger et la haine entre les deux familles est devenue aussi viscérale que celle des Capulet et des Montaigu. « Nous ne nous faisons pas d’illusions : ça va continuer à flinguer », indiquait un enquêteur.

Parti pour durer, donc. À Marseille, l’emprise du trafic de drogue est telle que les autorités françaises parlent de « narco-banditisme », un terme qui est utilisé pour évoquer la mafia napolitaine ou celle qui sévit dans certains coins d’Amérique latine.

« À la Castellane, la cité de Zidane, devenue « supermarché de la drogue », un seul plan stup peut générer 60.000 euros de chiffres d’affaires par jour, 23 millions d’euros par an. Le marché est tellement juteux que le milieu dit « traditionnel », ou « corso marseillais », commence à nouer des alliances avec les trafiquants des cités », indiquait dans une interview à L’Obs Marie-France Etchegoin, auteur d’un livre intitulé « Marseille, le roman-vrai ».

Si l’économie de la drogue aspire la jeunesse désœuvrée des quartiers, le sujet se déplace également sur le terrain politique, comme l’assure la journaliste : « On a laissé se développer le trafic parce qu’il assurait une forme de paix sociale dans des quartiers sinistrés. Et puis, on s’est appuyé sur des « leaders », liés à des dealers, pour des campagnes électorales, pour distribuer des subventions. Le clientélisme n’est pas regardant quand il peut rapporter des voix ».

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