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Abdelmadjid Menasra : « J’appelle à une Conférence nationale souveraine »

Abdelmadjid Menasra : « J’appelle à une Conférence nationale souveraine »

Abdelmadjid Menasra, membre candidat à la présidence du MSP

Abdelmadjid Menasra, qui a récemment annoncé sa candidature à la présidence du MSP, appelle dans cet entretien le pouvoir à « ouvrir un dialogue politique rassembleur et responsable qui sera organisé à travers une Conférence nationale souveraine ».

Vous avez annoncé votre candidature à la présidence du MSP. En plus des sollicitations et des appels à vous présenter que vous avez évoqués dans votre déclaration de candidature, qu’est ce qui a motivé votre décision de briguer la présidence du MSP ?

 

Aujourd’hui, nous sommes devant un nouvel événement démocratique produit par le mouvement pour la société de la paix (MSP). Tout militant qui espère le développement de ce parti pour ouvrir de nouveaux horizons doit contribuer à son succès, qu’il soit porteur de propositions, électeur ou candidat.

Je suis membre fondateur du MSP, l’un des contributeurs à son enracinement et producteur de ses politiques et de leur mise en œuvre. Depuis la création de ce parti, j’ai déjà assumé beaucoup de responsabilités en son sein dont la fonction de président en 2017. Tous ces éléments me mettent devant une plus grande responsabilité dans la prochaine étape.

L’intention de me porter candidat à la présidence du MSP répond aux sollicitations qui me sont parvenues de la part des militants et des dirigeants du parti. Ils m’ont exprimé une grande considération.

Les sollicitations émanent notamment de la nouvelle génération. Conformément au principe de transparence, j’ai choisi d’annoncer ma volonté de présenter publiquement ma candidature sur Facebook et Twitter.

 Vous avez parlé de renouveau dans votre message aux membres du MSP. Est-ce que cela signifie que le MSP a vieilli et que ses structures ne se renouvellent pas comme vous le souhaitiez ?  Quel est votre projet pour le MSP ? Quel bilan faites-vous des deux mandats du président sortant Abderrazak Makri qui s’est positionné clairement dans une opposition modérée au pouvoir ?

Je ne souhaite pas beaucoup parler du congrès qui relève plutôt d’une affaire interne au parti. Je me contente ici d’évoquer ce qui intéresse l’opinion publique.

Le travail au sein des organisations politiques est cumulatif. Depuis sa création, le MSP a acquis une grande expérience dans le travail institutionnel et compte à son actif de nombreuses réalisations.

Nous avons également fait face à des crises et nous avons eu des insuffisances. Toute organisation politique doit sans cesse se développer et être attachée à ses acquis.

Elle doit réparer ce qui est réparable et renouveler ce qui doit l’être, sinon, dans le cas contraire, elle risque de sombrer dans l’agonie.

Le renouveau que nous voulons est attaché aux racines et aux principes du MSP pour qu’il ne soit pas un saut vers l’inconnu ou une déviation du programme.

« Le renouveau et l’enracinement » est le slogan qui convient à la prochaine étape, car il incite à la pensée, à la production de nouvelles idées et de nouveaux mécanismes érigés sur des bases solides, qui servent et renforcent notre mouvement.

Le renouveau va protéger nos acquis, notre liberté, la cohérence de notre discours, la place et l’image de notre parti dans la société et au sein de l’État.

Allez-vous changer cette orientation du MSP ? La doctrine du MSP a été longtemps l’entrisme, c’est-à-dire, militer pour le changement à l’intérieur du système. Est-ce qu’elle est toujours d’actualité ?

Il n’y a pas de divergences au sein du MSP en ce qui concerne la ligne stratégique. Nous avons débattu de ce sujet dans les moindres détails lors des réunions préparatoires du prochain congrès.

Selon les textes constitutifs de notre mouvement, il y a une unanimité sur le fait que le MSP a été créé sur la base de la stratégie de la participation dans la vie politique et dans les compétitions électorales locales et nationales, tout en s’éloignant de la politique de la confrontation et du refus de la politique d’exclusion et d’éradication.

La question de la participation dans la composition du gouvernement, qui suscite à chaque fois tant de débats, est un détail de la politique générale du MSP.

Cette question relève d’un volet politique et électoral qui est soumis à l’appréciation collective au sein du Conseil consultatif (Majlis Echoura) du parti qui est le seul organe habilité à prendre une décision en la matière.

Le Conseil consultatif du MSP a la liberté d’approuver ou de refuser la participation au gouvernement conformément aux objectifs du parti, ses intérêts et ceux du pays.

Il est ainsi clair que la prise de décision ne relève absolument pas des prérogatives du président du MSP, mais de celles de son Conseil consultatif. C’est une décision collective et non individuelle. C’est une décision qui doit être soumise à l’étude, à l’appréciation et aux consultations.

 

En Algérie, la situation politique est marquée par la quasi-absence des partis politiques sur la scène. Les partis d’opposition ne sortent presque plus sur le terrain alors que ceux qui soutiennent le gouvernement sont devenus muets. Que se passe-t-il ? Est-ce qu’on assiste à la disparition des partis politiques en Algérie ?

 

Je partage votre diagnostic sur la scène politique qui est devenue, en effet, inquiétante. Cependant, je ne suis pas d’accord avec l’opinion qui prédit que nous allons vers l’extinction des partis politiques en Algérie.

En réalité, c’est un état de frustration produite par la phase post-Hirak populaire qui a rehaussé très haut les ambitions. En ce qui concerne le rôle des partis et la place du militantisme, la scène politique souffre encore malheureusement de régression.

Les initiatives politiques qui réunissent et coordonnent les rôles ont également régressé. Ce que nous vivons actuellement peut-être momentané.

Cela me rassure car le militantisme politique ne date pas d’hier en Algérie. Il a de profondes racines à travers l’histoire. Le changement de la pensée dans les stratégies du travail partisan peut permettre à l’activité politique de reprendre sa force.

Au début, ceci exige de redoubler d’efforts en matière d’éthique politique. Les partis doivent corriger leur position car ils ne doivent pas demeurer uniquement élitistes et incapables de mobiliser les masses populaires.

Ils doivent adopter un maximum de principes démocratiques au sein de leurs structures et dans leur gestion. Comme certains militent pour arriver à une transition démocratique au sein de l’État, ils doivent appliquer ces principes dans leurs propres structures internes.

Les partis doivent sortir également de leur vision étroitement partisane pour aller vers des ambitions plus larges pour une meilleure coordination des initiatives avec d’autres partis avec qui ils partagent les idéaux et les objectifs.

Le travail doit également être orienté vers la reprise de la confiance avec le peuple sur le plan politique et électoral pour aboutir à une réconciliation du citoyen avec les urnes.

Le rôle des partis dans la production des élites politiques de l’État a également régressé. La nouvelle loi exige un rajeunissement au sein des instances élues. Il est alors temps de s’y mettre.

Les technocrates peuvent certes avoir la compétence administrative et technique nécessaire, mais dans leur majorité, ils n’ont ni la compétence politique ni encore moins la capacité de diriger.

La scène politique a plus que jamais besoin d’un renouvellement, d’une modernisation et d’une redéfinition du rôle des partis politiques. Quand le travail politique sera rehaussé à un tel niveau, les partis pourront alors travailler pour que la population soit convaincue qu’ils constituent une véritable alternative. Il n’y a pas de véritable démocratie ni d’État fort sans l’existence de partis forts et efficaces.

Quel est votre appréciation de la situation politique, économique et sociale du pays ? Êtes-vous satisfait ou inquiet ? Des personnalités politiques, des avocats, des journalistes, des activistes dénoncent régulièrement la dégradation de la situation des libertés en Algérie. Des journalistes et de nombreux activistes du hirak ont été incarcérés. Quel est votre constat ?

 

Malgré que nous enregistrons des améliorations de quelques indicateurs économiques et un reflux de la crise économique, vu l’amélioration des recettes financières du pays tirées de l’exportation des hydrocarbures, cela ne s’est malheureusement pas concrètement traduit sur la vie quotidienne du citoyen et sur la satisfaction de ce dernier vis-à-vis de la politique.

Le citoyen est l’élément le plus important, car il est source de légitimité. Le citoyen fait aussi face à la régression des libertés et du débat politique dans le pays.

Ceci s’est accompagné par un recul sans précédent du rôle des partis depuis la naissance du multipartisme. Le pouvoir qui ne souhaite pas la bienvenue aux avis divergents, ne cherche pas également de soutiens politiques.

La régression de la pratique des médias et de la participation à la vie politique nous inquiète évidemment. À chaque fois que nous échouons dans la réalisation d’un progrès démocratique, et des libertés, les horizons se bouchent, ce qui approfondit la crise de confiance avec le peuple. Ainsi, la société, le pouvoir et l’État se retrouvent tous perdants.

J’appelle à l’ouverture d’un dialogue politique rassembleur et responsable qui sera organisé à travers une Conférence nationale souveraine (dont les décisions doivent être obligatoires) qui permettra d’évoquer les revendications du Hirak populaire qui représente d’une façon consciente, patriotique et avec une responsabilité historique tout le peuple algérien sans aucune exclusion.

Avec le consensus des forces politiques et sociales, tous les dossiers (politiques, sociaux et ceux relevant des affaires extérieures) seront étalés pour aboutir à un consensus autour d’une nouvelle Constitution, une amnistie politique, une transition démocratique, une justice sociale, un programme économique, une réforme judiciaire et une sécurité régionale.

L’État sera le premier bénéficiaire de cette Conférence. La diversité des opinions générera forcément des résultats qualitatifs. C’est ma conviction que j’ai défendue depuis des années pour l’intérêt de l’Algérie.

Autrement, ce sera un bricolage, une répétition des mêmes erreurs du passé, la perte des acquis, un ratage d’occasion et une menace sur l’avenir du pays.

En 2012, vous aviez lancé le Front du changement après avoir quitté le MSP. En 2017, le Front du changement a été intégré au MSP et vous aviez effectué votre retour au sein de votre parti. Vous avez été ministre de Bouteflika. Si on demande de juger le bilan de Bouteflika, vous diriez quoi ?

Durant les deux précédentes décennies, nous avons réalisé quelques acquis. Mais, nous avons en revanche raté beaucoup d’occasions cruciales susceptibles de permettre à l’Algérie de faire l’avancée tant souhaitée à cause des mauvaises mesures prises et du manque de lucidité tant sur le plan des réformes politiques qu’économiques.

Pendant ce temps, la corruption s’est propagée, ce qui a généré une frustration au sein de la population qui a fini par sortir dans la rue à travers un Hirak politique conscient, civilisé et pacifique contre le cinquième mandat.

Il est clair que la première leçon à tirer de tout ce que nous avons vécu est le fait que la crise algérienne est avant tout d’ordre politique. Le peuple en est conscient.

La reprise de la conscience du peuple vis-à-vis de la politique et des institutions de l’État appelle au règlement d’abord de la crise de pouvoir.

Deuxièmement, malgré l’augmentation des volumes des budgets et la diversification des programmes, sans une vision lucide et sans une bonne gestion, les ressources financières du pays ne généreront pas à elles seules le développement.

Troisièmement, l’État ne sera jamais protégé par une quelconque force étrangère, mais bel et bien par le peuple. C’est le peuple qui garantit la sécurité face aux menaces et aux chantages qui viennent de l’extérieur.

Quatrièmement, l’association de la classe politique dans la prise des responsabilités pour aboutir à un consensus national autour des dossiers cruciaux et les questions nationales sensibles nous permettra de surpasser les difficultés et de résoudre des crises qui demeurent en dépit de la succession des présidents et des gouvernements.

Que faut-il tirer comme enseignements du règne et de la chute de Bouteflika ? Le président Tebboune a été élu en décembre 2019 pour un mandat de cinq ans. Après trois ans, est ce qu’il a réussi à redresser la situation et à rétablir la confiance ?

Nous sommes aujourd’hui en présence d’un nouveau président, d’une nouvelle Constitution et d’un nouvel état d’esprit.

Après plus d’un demi mandat, je vois qu’il a une bonne intention pour réaliser le changement. Il a pris quelques mesures à l’image de la création d’une allocation chômage, l’augmentation des salaires, la diminution de la fraude lors des élections, lancé quelques réformes économiques, et met en œuvre une politique diplomatique.

Il a eu un courage politique dans le dossier palestinien en le transférant d’un plan sécuritaire à un niveau présidentiel. Son attitude est aussi à relever vis-à-vis des partis en engageant avec ces derniers un dialogue direct.

En revanche, nous avons perdu quelques acquis et raté des occasions pour étendre les espaces de libertés dans les domaines médiatique, politique et culturel.

Ce qui reste au président de la République dans le restant de son présent mandat, est un test qui sera révélateur de sa capacité à réaliser davantage de réformes, à commencer par les dossiers en cours d’examen ou ceux qui seront soumis au Parlement à l’image de la réforme de la loi sur l’information et celle relative aux collectivités locales et sur les partis.

Nous souhaitons que ces réformes en cours consacrent davantage de libertés et qu’elles ne renforcent pas le monopole du pouvoir exécutif au détriment des instances élues, et qu’elles ouvrent des horizons sur l’activité partisane et de réaliser la transition économique souhaitée.

Les futures réformes doivent également permettre à l’Algérie de jouer un plus grand rôle sur le plan régional surtout en ce qui concerne notre sécurité régionale.

Cela concerne notamment les dossiers liés à la Libye, la Tunisie, le Sahel et le bassin méditerranéen. Le sujet le plus crucial est la capacité du président de la République à avoir un plus grand soutien politique et populaire.

Au plan international, l’Algérie et le Maroc n’entretiennent plus de relations diplomatiques. Les tensions ne cessent de s’aggraver, surtout avec l’arrivée d’Israël à nos frontières. Que faut-il faire pour éviter le pire ?

C’est un défi auquel nous faisons face aujourd’hui. Il peut être une menace durable sur notre stabilité et notre unité nationale car la normalisation du Maroc avec Israël, est dirigée avant tout contre l’Algérie, ce qui le différencie des autres « accords de normalisation »,  reliant quelques pays arabes et l’entité sioniste.

Ce que nous allons prendre comme mesures aujourd’hui définira notre stratégie et notre capacité de gérer cette menace efficacement dans le présent et dans le futur.

Le renforcement du front intérieur et la mise en place de fondations de l’unité nationale, la fortification de la confiance entre l’État et la société, la consécration des libertés fondamentales, la baisse de la dépendance économique de l’étranger, et le fait d’éviter de tomber dans le piège de la haine et la détestation entre les peuples de la région sont autant de clés politiques.

Il ne s’agit pas d’un problème sécuritaire proprement dit. La crise est multidirectionnelle. C’est une problématique durable et non pas conjoncturelle qui nécessite le renforcement de l’État-nation.

Pour conclure, je dirais que la situation difficile actuelle a besoin d’efforts concertés et un rassemblement des forces patriotiques pour faire face aux menaces.

Ceci passe par le renforcement du dialogue national et une capacité d’accepter la diversité des opinions et de fortifier les constantes de la personnalité algérienne dans la solidarité et le courage pour construire une Algérie forte qui est le dénominateur commun qui nous rassemble.

Il est vrai que nous ne savons pas comment nous allons subir le changement à l’avenir. Ce qui est sûr en revanche c’est que nous devons sortir de cette phase avec une plus grande solidité.

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