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Affaires étrangères : devoir d’inventaire et exigence de redevabilité

Affaires étrangères : devoir d’inventaire et exigence de redevabilité

CONTRIBUTION*. Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a hérité d’une situation marquée par une démobilisation inaccoutumée de l’appareil diplomatique, notamment au niveau de l’administration centrale.

Cette situation grave impose un devoir d’inventaire pour, non seulement situer les responsabilités mais surtout pour tirer les enseignements nécessaires afin de corriger, au plus vite, les dysfonctionnements qui handicapent le redéploiement rapide et efficace de notre diplomatie auquel s’emploie sans relâche le nouveau ministre des Affaires étrangères sous la haute autorité et les orientations du Président de la République.

Lire aussi : Ramtane Lamamra : retour d’un poids lourd de la diplomatie algérienne

Un examen rétrospectif et objectif de la situation fait remonter ce début de délitement au 1er avril 2019 (coïncidence drolatique mais ô combien funeste pour le ministère), date de la désignation de Sabri Boukadoum au poste de ministre des Affaires étrangères.

Celui que ses collègues nomment, avec une amertume non dissimulée, le « MEC » (Monsieur Erreur de Casting), n’aura guère tardé à imprimer sa marque de fabrique faite de procrastination, de dilettantisme et de désintérêt pour le département ministériel stratégique dont il a la lourde charge.

 « Comme il a dit lui »

Ce dernier rescapé du gouvernement concocté dans l’urgence tactique par le tandem Saïd Bouteflika et Bedoui, a donné une triste image de la diplomatie algérienne, comme l’illustrent les cortèges de railleries qui accompagnaient régulièrement ses sorties médiatiques burlesques, hésitantes, approximatives et parfois indignes comme le fait de demander à la MAE espagnole de s’exprimer au nom de l’Algérie souveraine et de son gouvernement, ou le fait de répondre aux journalistes tunisiens qui l’interrogeaient par un étonnant et lapidaire « comme il a dit lui » en se référant aux propos de son collègue tunisien.

Les youtubeurs algériens s’en sont donnés à cœur joie pour ressortir et agrémenter avec humour la fameuse réplique éponyme et clownesque d’un Cheb Khaled tétanisé par son interviewer.

Par-delà ces aspects tragi-comiques (mais déshonorants pour la grande Algérie), le plus grave cependant, réside dans les nominations contestables aussi bien à l’administration centrale qu’au niveau des postes extérieurs.

Le dernier mouvement diplomatique a eu pour effet de fragiliser davantage l’appareil diplomatique en désignant, par exemple au poste d’ambassadeur dans d’importantes capitales des diplomates peu expérimentés.

Comme le fait par exemple, de désigner auprès d’un partenaire stratégique de premier plan, un diplomate dont c’est le premier poste en qualité d’ambassadeur ou de désigner un « Consulaire », très proche du ministre, au poste d’ambassadeur dans un pays important du Golfe ou encore de permuter un ambassadeur junior et timoré dans une grande capitale arabe réputée pour l’importance de ses enjeux multilatéraux et pour ses interactions complexes et viriles.

Un autre exemple édifiant du favoritisme pratiqué, sans nuance, par l’ancien ministre concerne la nomination d’un fonctionnaire retraitable qui a travaillé au sein des structures de gestion du personnel et qui se retrouve dans un grand poste, alignant ainsi trois capitales européennes et non des moindres ; ou encore la nomination d’un Ambassadeur dans un pays arabe important alors qu’il avait été radié des effectifs du ministère des Affaires étrangères pour avoir honteusement déserté son poste en Irak !

Par ailleurs, l’épouse de l’ancien ministre qui a exercé la fonction de Consule Générale à New York, et qui figurait sur la liste des agents rappelés à l’administration centrale, a été maintenue plusieurs mois en poste, et ce, en violation de toutes les dispositions règlementaires et statutaires.

Un autre exemple, tout aussi édifiant et symptomatique (ils sont légion) de l’absence irresponsable de sérieux de la part de l’ancien ministre des Affaires étrangères concerne la suppression du poste stratégique de vice-secrétaire général de la Ligue arabe, occupé pendant de longues années par notre compatriote, feu Benhalli.

Malgré les sollicitations réitératives, le Ministre, enfermé dans sa bulle au 4e étage, n’a pas jugé utile de réagir ou d’exprimer l’opposition de l’Algérie au coup de force du SG Abul Gheit qui a décidé, unilatéralement et arbitrairement, de supprimer ce poste de l’organigramme afin de mener à sa guise (et au bénéfice des intérêts de son pays) le leadership exclusif de la Ligue arabe.

Le Ministre s’était borné à désigner l’ancien ministre Rabehi à un poste subalterne parmi la quinzaine de postes équivalents, qui servent de voie de garage pour fonctionnaires en fin de parcours professionnel.

Ces choix malheureux dans la désignation de responsables concernent aussi de nombreux postes à l’administration centrale où le critère de la compétence semble avoir été relégué à l’arrière-plan.

De jeunes cadres brillants sont restés sur le carreau car le curseur a été dévoyé sur la grille détestable et condamnable du copinage et du déterminant géographique le plus étroit.

Vide sidéral et éclipse totale

Par ailleurs, les très faibles taux de participation de notre Communauté Nationale à l’étranger lors des échéances électorales, n’ont eu aucun effet sur lui et ne semblaient pas le perturber, comme si le réseau des services consulaires à l’étranger ne relevait pas de sa responsabilité.

Résultat des courses, aujourd’hui le ministère fonctionne avec 2 ou 3 directeurs généraux intérimaires, ce qui illustre parfaitement l’étendue des carences criantes de la gestion prévisionnelle des carrières au cours de l’intervalle fortement dommageable de l’ancien ministre.

Sur le plan des relations internationales, le redéploiement quasi instantané de la diplomatie algérienne (qui donne de l’urticaire au voisin marocain qui s’était prélassé durant la période de léthargie) avec l’arrivée salutaire de M. Ramtane Lamamra et la reconnexion de notre pays avec les principales capitales africaines et arabes sur des dossiers cruciaux et des échéances importantes à réactiver (Sommet arabe, réunion des pays du voisinage de la Libye, Mali, Sahel, etc.) démontrent et illustrent, en creux et à l’envi, le vide sidéral et l’éclipse totale qui caractérisaient la gestion précédente de notre département ministériel.

Il est évident que ce ne sont pas quelques sorties atypiques (comme l’inauguration folklorique du salon de l’artisanat au siège du ministère) qui feront diversion car l’essentiel est ailleurs.

Sur l’aspect redevabilité, il revient bien entendu, en dernier ressort, à l’autorité investie du pouvoir de nomination de veiller à ce que pareilles situations qui ont valu un préjudice incommensurable au pays, ne puissent être occultées et/ou valoir, comme par le passé du temps de l’ancienne Algérie, amnésie injuste et promotion imméritée. Il y va de la consécration de la règle d’airain à la bonne gouvernance et du triomphe des valeurs portant refondation de la nouvelle République.

*Un Groupe de fonctionnaires du MAE


**IMPORTANT : Les tribunes publiées sur TSA ont pour but de permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la position de la rédaction de notre média.

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