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« Alger est une ville qui a une fabuleuse histoire »

« Alger est une ville qui a une fabuleuse histoire »

À partir de ce vendredi 27 avril, la chaîne de télévision France 24 arabe diffusera une série d’émissions, « Les secrets d’Alger », pendant quatre semaines. Le premier épisode sera présenté à 11h15 (heure algérienne) ce vendredi. Il sera rediffusé durant la semaine. La rediffusion durera jusqu’à la fin juin 2018. La journaliste Tatiana El Khoury a préparé l’émission et la présente aussi. Interview.

France 24 diffuse, à partir de ce week-end, sur son canal arabophone « Asrar Al Djazair » (Les secrets d’Alger). Parlez-nous du contenu de cette émission ?

J’ai déjà une émission qui s’appelle « Les secrets de Paris ». Il s’agit de faire connaître l’histoire de la capitale française et de la France, en général, à travers des thématiques peu connues. Et chaque année, nous visitons d’autres villes et d’autres pays. Nous avons déjà consacré des émissions au Caire et au Sultanat d’Oman.

Quand on parle d’Histoire, c’est dans son sens large. Il ne s’agit pas uniquement de l’Histoire politique mais de l’Histoire des sociétés. Les thématiques sont donc diverses et variées. Nous voulons toucher la mémoire populaire et des histoires moins connues, civilisationnelles et culturelles. Nous avons eu de bons échos après nos émissions au Caire et au Sultanat d’Oman. Les gens étaient intéressés par cette vision de leur ville ou de leur pays. Cette fois-ci, nous avons donc décidé de faire Alger.

Justement, pourquoi le choix d’Alger ?

Alger est une ville qui a une fabuleuse histoire. À mon sens, on n’en parle pas assez. Nous avons toujours cette aura de mystère autour d’Alger. Et je trouve injuste que l’on réserve à Alger un traitement historique qui ne dépasse pas la colonisation française et qu’on résume l’Histoire d’Alger et de l’Algérie aux 132 ans de colonisation. Il fallait donc rectifier cette vision.

Malheureusement, même dans le monde arabe, on ne connait l’Histoire de l’Algérie qu’à travers l’épisode colonial. Or, l’histoire de l’Algérie est millénaire. C’est une Histoire si riche, si enracinée dans plusieurs civilisations. Il faut donc parler de ces autres époques, des romains, des numides, des ottomans… C’est une histoire multifacette, multiculturelle… Il est donc dommage de parler que de la période coloniale française. Il faut parler de tout. L’Histoire, on l’assume avec tous ses épisodes, sans occulter les étapes. L’Histoire, la grande, peut devenir de petites histoires qu’on peut se raconter entre copains. Et quand elle est racontée comme une petite histoire, elle passe auprès des gens plus facilement.

L’Algérie, c’est un cumul de plusieurs séquences historiques…

C’est vrai. Nous avons donc essayé de traiter dans l’émission de différentes thématiques à travers plusieurs époques. Nous ne traitons pas une partie de l’Histoire.

Quel est le contenu du premier épisode des « Secrets d’Alger » ?

Il est consacré aux histoires insolites. Par exemple, nous nous intéressons à l’héritage numide romain à travers « le tombeau de la Chrétienne » (Mausolée royal de Maurétanie de Tipaza). On raconte pourquoi ce monument porte cette appellation. Nous nous sommes rendus à la grotte de Cervantès (située à El Hamma à Alger où s’est réfugié l’écrivain espagnol vers 1577). Cela va sûrement intéresser les hispanophones puisque Miguel de Cervantès est considéré comme le père du roman moderne. Il est resté cinq ans à Alger (entre 1575 et 1580) où il a eu l’idée d’écrire le plus grands des romans, « Don Quichotte de la Mancha ». Nous avons eu la chance de visiter cette grotte, un bel endroit qui mérite d’être mis en valeur. Nous avons consacré un sujet également à Baba Merzoug, un canon légendaire aux dimensions peu communes (7 mètres de long, 12 tonnes de poids), baptisé par les Français « La consulaire ». Alger était connue comme la cité aux mille canons. Elle n’a jamais été prise par la mer puisque bien protégée et défendue par ces canons. Et le plus célèbre de ces canons est Baba Merzoug, récupéré par les Français dès leur arrivée en Algérie. C’était le plus grand trophée de guerre en fait.

Et, l’Algérie revendique aujourd’hui la restitution de Baba Merzoug qui se trouve actuellement à Brest (il est en position verticale surmonté d’un coq conquérant).

Il y a des négociations en cours en espérant que ce genre d’émission pourrait faire bouger les choses. Les deux pays revendiquent le canon comme faisant partie de leur patrimoine. J’espère que cette histoire va être réglée comme le dossier des crânes des résistants algériens (en cours de traitement).

Qu’en est-il de la deuxième émission ?

Au total, nous aurons douze sujets différents, répartis sur quatre émissions. Nous avons essayé de couvrir la richesse de la culture algérienne sur toutes les époques jusqu’à l’après Révolution (de 1954).

Pour la deuxième émission, nous allons aborder le destin fabuleux de trois femmes algériennes. Il y a d’abord Djamila Bouhired pour la révolution. Ensuite, Nna Chérifa, dans le domaine social et culturel. Nna Chérifa a brisé un véritable tabou en allant chanter à une époque où il était honteux de le faire en public. Elle a été chassée de son village par sa propre famille parce qu’elle avait osé chanter. Sans le vouloir peut-être, elle a été une véritable militante des droits de la femme. En osant chanter, elle a ouvert la voie à d’autres femmes et a fait avancer les mentalités.

La troisième femme est Zaphira, la dernière princesse d’Alger avant l’arrivée des Ottomans (à partir de 1515). Jusqu’au bout, elle est restée fidèle à son mari (le roi Selim Ettoumi) alors que le gouverneur ottoman Baba Arroudj essayait de la séduire pour qu’elle accepte de l’épouser. Zaphira ne voulait pas déroger à ses valeurs et trahir le souvenir de son mari. Elle avait des doutes sur l’assassinat de son époux par Baba Arroudj. Elle a tenu tête jusqu’au bout…

Djamila Bouhired a-t-elle accepté de vous parler ?

Aujourd’hui, elle est très fatiguée, n’est pas en état de donner des interviews. Nous respectons son choix. Nous avons pu parler à ses proches pour raconter son parcours et vérifier certaines informations.

Quels sont les principaux sujets des autres émissions ?

Nous allons aborder les légendes populaires qui sont ancrées dans une véritable histoire. Par exemple, nous avons été à Sidi Abderrhamane Al Thaâlibi (saint patron d’Alger) pour évoquer la légende Sidi Ouali Dada. On raconte qu’il aurait sauvé Alger lors que Charles Quint voulaient conquérir le pays grâce à son bâton magique. Il aurait déclenché une énorme tempête (grâce, semble-t-il, à un coup de bâton dans les flots). La tempête a réellement eu lieu et la flotte de Charles Quint a été emportée par les vagues. Nous racontons également la légende de Khdaouedj El Amia en visitant la maison qui porte son nom, Dar Mustapha Bacha et le Bastion 23 avec l’idée de mettre en valeur toute cette architecture algéro-turque. Nous nous sommes intéressés aussi au Palais de Rais Hamidou qui serait hanté. Un endroit qui a connu beaucoup de péripéties. Nous avons consacré également un sujet aux palais d’Alger et toutes les histoires qu’ils ont connues comme l’incident de l’éventail (un chasse-mouche, selon d’autres versions historiques) au Palais Dey Hussein. C’était le prétexte pour coloniser l’Algérie utilisé par le roi Charles X pour détourner l’attention sur ses problèmes internes et la crise politique avec l’Angleterre.

Comment s’est déroulé le tournage des émissions à Alger ?

Nous avons tourné pendant deux semaines et demie. Même s’il fallait surmonter certaines petites lourdeurs administratives pour avoir les autorisations, tout le monde a été très coopératif avec nous. Les gens sont fabuleux. Il y a une vraie générosité que nous avons rencontrée au niveau officiel et populaire. Les gens nous ont aidés après qu’ils aient bien compris le sujet de l’émission. J’ai préparé cette émission pour ne pas se contenter de la charmante speakerine qui sourit à la caméra. Nous racontons des histoires dans une belle forme. Les histoires sont entrecoupées de petits clips où l’on montre la beauté de l’endroit et du pays en l’accompagnant de la musique locale. C’est une manière de s’imprégner de toutes les dimensions culturelles, la musique, les belles images et les histoires forment un tout, en fait. Il faut présenter quelque chose de consistant mais dans un bel emballage pour que les gens aient envie de regarder.

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