Michel Bisac, président de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française, explique la nouvelle vision des entreprises françaises vis-à-vis de l’Algérie. Il parle aussi du regain d’intérêt des entreprises françaises pour le marché algérien, l’impact du discours anti-Algérie de la part d’une partie de la classe politique en France…
Les entreprises françaises mènent une offensive dans de nombreux domaines en Algérie. Elles ne proposent plus uniquement de vendre leurs produits, mais elles mettent en avant leur savoir-faire dans l’industrie pétrolière, l’élevage et les céréales. Est-ce que c’est une nouvelle approche pour reconquérir le marché algérien ?
Je ne dirai pas une offensive, mais plutôt un travail continu et je peux dire un intérêt soutenu des entreprises françaises pour l’Algérie.
Il est bon de rappeler que plus de 400 entreprises françaises sont implantées en Algérie, qu’elles ont investi depuis plusieurs années et qu’elles emploient plusieurs milliers de collaborateurs algériens.
Il faut aussi noter que les entreprises françaises sont présentes dans divers secteurs de l’économie algérienne.
Que ce soit dans le secteur bancaire, la santé, la pharmacie, l’agroalimentaire, les services, l’énergie, le transport, la construction automobile, l’hôtellerie, les équipements électriques, et dans bien d’autres secteurs.
Les atouts de l’Algérie sont nombreux. Que ce soit les équilibres économiques, la disponibilité des infrastructures, la qualité de la main d’œuvre, la disponibilité d’une énergie à faible coût, la proximité géographique ou bien l’Indice de développement humain, tous ces facteurs poussent les entreprises, qui ne sont pas implantées dans le pays, à s’y intéresser, à venir mesurer les opportunités et pour beaucoup d’entre elles à « sauter le pas » et à travailler avec leurs homologues algériennes.
Toutes ces entreprises qui viennent en Algérie et celles qui y opèrent déjà, mesurent combien le modèle économique du pays est en train de changer. La dynamique d’industrialisation du pays, au sens de la création de valeurs, est bien en marche.
À la Chambre, nous mesurons chaque jour cette dynamique notamment auprès de nos adhérents dans les différentes régions du pays, qui initient de nouveaux projets, qui nous demandent de les accompagner dans la recherche de partenaires, d’équipements ou de savoir-faire.
Bien entendu le parcours n’est pas idyllique et les embûches sont nombreuses – les pouvoirs publics sont d’ailleurs les premiers à le reconnaître – mais mesurons le travail qui a été réalisé, ces dernières années, en matière de facilitation et d’allègement du poids de l’administration dans l’acte d’investir.
Mesurons également l’engagement des autorités à mettre en confiance les opérateurs économiques, les investisseurs et plus généralement à assainir l’environnement des affaires.
La publication du code des investissements – et de ses textes d’application -, la Loi monétaire et plus récemment la Loi fixant les conditions d’octroi du foncier destiné à la réalisation des projets d’investissement sont un maillon essentiel dans cette nouvelle dynamique.
Pour finir sur ce sujet, vous me permettrai de remplacer le mot reconquérir par collaborer qui me semble plus approprié à l’engagement des entreprises françaises dans ce pays, consciente des aléas du parcours et convaincues que le train est bien sur les rails.
Votre chambre de commerce a participé à de nombreuses rencontres entre les chefs d’entreprises français et algériens. Pourriez-vous résumer en quelques points, ce qui ressort de ces contacts ?
Depuis le début de cette année nous avons accompagné plus de 200 entreprises françaises, dans nos différentes rencontres organisées en Algérie et rencontré autant d’entreprises en France, dans les CCI de France, auprès de nos partenaires Clusters et autres organisations professionnelles.
À chaque fois nous présentons à nos interlocuteurs des opportunités concrètes de collaborations, de partenariats et/ou de sous-traitance avec des entreprises algériennes.
Nous venons d’ailleurs d’organiser les 24 et 25 octobre dernier à Oran la deuxième édition des rencontres algéro-françaises de l’industrie pétrolière et gazière (aval). 40 entreprises françaises étaient présentes et ont pu rencontrer leurs homologues algériennes (privés et publics) sur deux jours de rendez-vous B to B.
Plus d’une douzaine de projets de partenariats ont été exprimés et proposés par les entreprises françaises. Nous avons aussi organisé, cette année, des rencontres sur l’industrie pharmaceutique, l’agriculture, l’agro-industrie et la mesure industrielle.
Ce qui ressort de ces rencontres c’est clairement la multitude d’opportunités exprimées par les entreprises algériennes qui sont dans cette dynamique de production (voir d’exportation) et qui sont à la recherche de partenaires, de savoir-faire et de collaboration utile dans l’accès aux marchés internationaux.
Ce qui ressort également c’est le changement de perception des entreprises françaises que nous accompagnons dans ces rencontres et qui abordent souvent le marché algérien pour la première fois.
Elles comprennent très vite, au travers de leurs échanges (avec les entreprises algériennes) la dynamique de développement du pays, elles mesurent l’intérêt d’une collaboration industrielle nord/sud et prennent vite rendez-vous pour revenir … !
Ces rencontres sont nécessaires, utiles et contribuent sans nul doute à promouvoir la dynamique que j’évoque dans votre première question.
Comment cette offensive des entreprises françaises est-elle accueillie en Algérie dans un contexte où les relations politiques connaissent des hauts et des bas ?
Un chef d’entreprise, qu’il soit Algérien ou Français, reste motivé par l’intérêt qu’il peut avoir à construire – pour son entreprise – une relation partenariale profitable pour des deux parties.
L’essentiel est que les intérêts soient équilibrés, que l’action des uns et des autres soit bâtie sur une base saine, sur un libre choix et encore une fois sur un intérêt partagé.
Je suis persuadé que les entreprises françaises ont adopté ces principes en Algérie. Je suis confiant sur l’accueil qu’il leur est réservé. Je suis également convaincu qu’un intérêt partagé entre entreprises françaises et algériennes constitue un élément stabilisateur quand « la mer est agitée ».
Les entreprises françaises sont-elles impactées par les discours anti-Algérie d’une partie de la classe politique en France ?
Nous ne faisons pas de politique à la chambre, nous sommes sur le terrain économique. Ce qui importe avant tout aux entreprises, c’est la construction d’un business plan, la mesure du risque investissement et l’analyse de l’environnement réglementaire.
Les nombreuses entreprises que nous rencontrons tous les jours à Chambre nous disent qu’elles aspirent à travailler, investir et s’engager le plus sereinement possible.
Ramenons le débat sur des bases objectives, projetons-nous sur la construction d’intérêts partagés, sur les défis stratégiques -qui concernent nos entreprises – c’est cela qui doit porter notre attention.
Malgré la promulgation d’un code de l’investissement en 2022, il n’y a pas d’annonces de nouveaux projets d’investissements français en Algérie. Pourquoi ?
Les projets d’investissements mettent du temps à parvenir à maturité. Cela est vrai en tous lieux et en toute période mais, de ce point de vue, gardons en tête que le contexte des dernières années a été contraint, et n’a guère favorisé l’avancée de projets, qu’elle qu’en soit leur provenance.
Je peux vous dire que les projets existent dans l’agro-alimentaire, la pharmacie, les transports, l’énergie et l’industrie.
Nous disons aux entreprises françaises c’est le moment, venez investir en Algérie, venez construire des partenariats d’avenir. L’Algérie change, soyons aussi acteur de ce changement.