Institué par la Loi de finances complémentaire 2018, qui a été publiée au Journal Officiel le 15 juillet dernier, le droit additionnel provisoire de sauvegarde (DAPS) demeure toujours au stade de projet.
Le nouveau dispositif d’encadrement des importations est censé remplacer les mesures prises depuis 2016 par les autorités pour mettre de l’ordre dans le commerce extérieur et avoir une meilleure maîtrise des importations qui, au rythme où elles étaient –et sont toujours d’ailleurs-, menaçaient d’épuisement le matelas de réserves de change que s’était constitué le pays durant les fastes années du pétrole cher.
Une large gamme de produits avaient fait l’objet d’une restriction en soumettant leur importation à un système de quotas et de licences.
Ces mesures n’étaient pas seulement sans effet sur la facture globale des importations qui est restée à des niveaux élevés, mais avaient aussi induit des pénuries et une flambée des prix des produits concernés, ainsi que des tensions et des pressions autour de la délivrance des licences.
La Loi de finances 2018 a apporté du nouveau en levant le système des licences, tout en élargissant la liste des marchandises soumises à la Taxe intérieure de consommation (TIC) au taux de 30% et en relevant les droits de douane pour certains produits alimentaires. Il a aussi été décidé la suspension de l’importation de 851 produits dans un premier temps, avant d’actualiser cette liste en mai dernier pour l’élargir à 877 articles.
Puis vient le DAPS, destiné à libérer complètement les importations, mis à part celles des véhicules. La LFC 2018 prévoit donc l’imposition de fortes taxes douanières sur les marchandises que le tissu économique national peut produire. Telles qu’annoncées par les autorités, ces taxes devraient osciller entre 30 et 200% de la valeur du produit, au prorata de la capacité des entreprises algériennes à le produire.
A priori, les choses ne devait pas être trop compliquées. Lorsque le gouvernement avait décidé d’opter pour la forte taxation comme nouvel outil de maîtrise des importations, le cadre était balisé par la liste des produits soumis à la restriction. L’objectif recherché à travers les anciens dispositifs et le DAPS étant le même, il s’agissait donc de reconduire la même liste et les services du ministère du Commerce n’avaient qu’à arrêter le barème des taxes. Une tâche qui pouvait bien être effectuée dans l’intervalle entre l’élaboration de la Loi de finances complémentaire et sa promulgation. Le DAPS aurait donc pu entrer en vigueur au même moment que la LFC 2018. Mais cinq mois après, il n’en est toujours rien. Un retard qu’aucune contrainte objective ne peut expliquer.
Le décret exécutif définissant les modalités de fixation de la liste des produits et du barème des taxes n’a été promulgué et publié au Journal Officiel que le 25 septembre dernier. C’est ce texte qui prévoit la composition du comité interministériel en charge de l’élaboration de la liste des marchandises soumises au droit additionnel provisoire de sauvegarde et des taux correspondants. Il définit aussi la procédure à suivre. Le travail a donc commencé au plus tôt le 25 septembre. Aujourd’hui encore, on parle de l’imminence de l’entrée en vigueur du nouveau dispositif, sans fixer d’échéance. Le dernier responsable à s’être exprimé sur la question, c’est le ministre du Commerce. Voilà ce qu’a dit Saïd Djellab dimanche 2 décembre : « La liste est finalisée, nous sommes juste en train de consolider la liste de ces marchandises pour la publier ». Bien sûr, il n’a avancé aucune date.
En un mot comme en mille, l’élaboration de la fameuse liste a traîné en longueur. Encore la main invisible de puissants lobbies d’importateurs ? On n’en sait rien, mais seules de fortes pressions pourraient expliquer ce retard que, au risque de se répéter, rien d’objectif ne justifie.
Les tergiversations du gouvernement ont profité aux mêmes parties, soit les opportunistes et ceux qui ont le bras long. De nombreuses filières, notamment celles concernées par l’ancien système des licences, baignent dans une étrange situation de ni blocage ni libération. La banane qui, pendant de longs mois était accessible et servait de régulateur pour les prix de l’ensemble des autres fruits, a de nouveaux pris des ailes à cause d’une incroyable trouvaille gouvernementale qui a reconduit le système des quotas en instituant un certificat phytosanitaire délivré par le ministère de l’Agriculture dans des conditions dénoncées par de nombreux importateurs. Pour les mêmes raisons, l’importation des viandes demeure monopolisée par une poignée d’opérateurs.
Pour les produits interdits à l’importation, ils continuent à être acheminés de l’étranger par le système du cabas et sans doute, au vu des quantités disponibles sur les étals, par ce procédé vieux comme le monde : la fausse déclaration douanière. Le gouvernement est appelé à libérer au plus vite cette liste de produits soumis au DAPS, et à renforcer les contrôles aux frontières, et dans les magasins où des produits interdits d’importation sont vendus en toute impunité.
Pour la libération effective des importations, cela semble être un grand mot. On a vu comment la bureaucratie a pu facilement contourner la levée du monopole sur l’importation de la banane et des viandes. Les lobbies ont toujours plus d’un tour dans leur sac.