search-form-close
Blé : une campagne de semis mal engagée en Algérie

Blé : une campagne de semis mal engagée en Algérie

Que ce soit à Tiaret ou à Batna, les semis de blé prennent du retard un peu partout en Algérie. En cause, le manque de semences fournies aux agriculteurs. Nombre d’entre-eux se plaignent de n’avoir rien reçu. À cela s’ajoute un retard des pluies. En Algérie, la campagne de semis est mal engagée.

La situation est d’autant plus grave que cette campagne céréalière vient après celle de 2023 marquée par une sécheresse catastrophique. Dans certaines régions d’Algérie, les agriculteurs n’ont récolté ni paille ni grain.

La situation est telle que pour que les agriculteurs puissent relancer un cycle de culture, des dispositions ont été prises par les pouvoirs publics afin d’indemniser les exploitants concernés. Une aide sous forme de dotation gratuite en engrais et semences. À cela s’ajoute la possibilité de reporter de 3 ans le remboursement de leurs prêts.

Aussi, pour beaucoup d’agriculteurs, la campagne céréalière qui démarre est un moyen d’espérer un retour à une situation normale.

Semences : inquiétude des agriculteurs en Algérie

À Tiaret ces derniers jours, une trentaine d’agriculteurs attendent quotidiennement devant les locaux de la Coopérative de Céréales et de Légumes Secs (CCLS) pour être livrés en semences. Plusieurs ont confié à Ennahar TV leur déception face à une attente jugée interminable.

L’un d’entre-eux déclare : « Cela fait deux jours qu’on attend, on se présente chaque jour et à chaque fois ils nous disent de revenir le lendemain ».

Dans son bleu de travail, un autre agriculteur s’étonne que bien que « le Chef de l’État ait demandé que soient disponibles engrais et semences, cela fait un mois que les gens viennent et repartent les mains vides avec la promesse de revenir demain ou après-demain ». Malgré des opérations de préparation des semences démarrées dès l’été, les installations des CCLS tournent actuellement à plein régime et ne suffisent pas à répondre à la demande.

Un autre agriculteur s’alarme : « C’est la saison des semis. Ils nous font perdre du temps et aujourd’hui ils nous disent que ceux qui n’ont pas pris de semences l’année passée n’y ont pas droit ».

Coiffé d’un turban d’un blanc immaculé, un autre agriculteur témoigne : « On est prêt à semer, mais il faut qu’ils nous délivrent les semences. Le mois de décembre va arriver, il ne nous reste plus de temps ».

Pour sa part Bahih Miloud, le représentant local de l’Union nationale des paysans algériens (UNPA) multiplie les contacts entre les différents services agricoles et les agriculteurs.

Il brandit un document et indique : « D’après la circulaire 77 O3 du mois d’octobre 2023, le directeur de la CCLS indique devoir servir d’abord les fermes pilotes ».

Il s’étonne : « Nous aussi, comme eux, on a tous des titres de concession ». Il reprend la lecture de la circulaire en question : « Puis viennent les agriculteurs multiplicateurs de semences et ensuite les clients solvables ». Il s’étrangle d’indignation : « Que le directeur nous définisse la notion de solvabilité ». Inquiet, il ajoute : « Le prix des semences certifiées dépasse les 10.000 DA le quintal voire 20.000 DA. Quand est ce que les agriculteurs vont-ils pouvoir disposer de semences ? ».

Même son de cloche à Batna où Merzoug, un agriculteur confie à Ennahar TV : « Il n’y a ni semences ni pluies. Nous n’avons pas encore labouré. On attend la pluie et l’aide de l’État pour les semences ». Comme à Tiaret, il s’alarme : « C’est le moment des semis ». Quant à Azzouz, un agriculteur à l’âge respectable, il confie : « On est découragé ».

Usinage des semences, une opération sophistiquée

Si la sécheresse qui a frappé l’Algérie l’année dernière a réduit à néant les moyens des agriculteurs les plus impactés, la promesse d’une gratuité des semences aura pu constituer un effet d’aubaine pour certains d’entre-eux et contribuer à la tension observée actuellement.

L’usinage est actuellement majoritairement du ressort des CCLS. Celles-ci possèdent un matériel moderne de tri et de traitement. Des opérations indispensables afin de débarrasser les graines de blé des semences de mauvaises herbes et de les traiter contre les maladies. La qualité des semences produite est scrupuleusement contrôlée dans les laboratoires du Centre national de contrôle et de certification (CNCC) qui à l’issue d’analyses variées attribue le label « semences certifiées » aux lots analysés.

Au cours du traitement, un colorant rouge est ajouté aux semences ainsi que la mention « impropres à la consommation » inscrite sur les sacs afin d’éviter toute confusion d’emploi.

Les capacités installées permettent l’usinage de 3 millions de quintaux de semences et devraient passer à 4 millions selon Nourredine Amrani, responsable du département appui à la production au niveau de l’Office national interprofessionnel des céréales (OAIC) qui s’exprimait l’année passée sur les ondes de la Radio algérienne.

En absence de volumes suffisants de grains provenant des exploitations multiplicatrices de semences, les CCLS ont la possibilité de produire des « semences ordinaires ». Dans ce cas, il s’agit cependant de lots de blé initialement destinés à la consommation.

Ces lots sont triés et traités aux fongicides, mais ils sont constitués du mélange de plusieurs variétés. Impossible dans ce cas-là pour l’agriculteur d’être assuré de disposer des célèbres variétés Vitron ou Boussalem réputées pour leur haut rendement.

Même si on note une évolution, peu d’entreprises privées sont positionnées sur ce secteur d’activité pourtant stratégique.

De leur côté les agriculteurs utilisent souvent une partie de leur récolte pour produire leurs propres semences. Mais ces « semences de ferme » peuvent être de piètre qualité si les indispensables opérations de tri et de traitements fongicides ne sont pas réalisées.

Sans compter avec le risque de mélange de variétés. Certaines exploitations disposent cependant de tarares permettant ce tri. La solution pourrait passer par l’importation d’unités mobiles d’usinage de semences dans le cadre de l’emploi des jeunes à travers l’Anade (ex-Ansej).

Aux côtés des CCLS, ce matériel moderne pourrait permettre de moderniser la production de semences de ferme et de réduire les tensions récurrentes sur la disponibilité en semences certifiées.

Gaspillage de semences

Au niveau des exploitations, il existe souvent une mauvaise utilisation des semences certifiées qui se traduit par un véritable gaspillage. Les causes sont diverses : mauvaise connaissance du réglage des semoirs et semis à la volée avec enfouissement irrégulier avec un outil à disques tel le cover-crop.

Enfin, pour compenser les retards de semis une des solutions choisies par les agriculteurs est d’augmenter les doses.

La dose moyenne d’un quintal de semences à l’hectare peut passer alors à deux quintaux. Face à cette situation, les stations régionales de l’Institut techniques des grandes cultures (ITGC) multiplient les formations sur le réglage des semoirs.

Reste la question du retard des pluies qui, comme l’année passée, est la cause de semis trop tardifs. La solution pourrait passer par des semis en sec comme dans les plaines américaines et australiennes.

Mais par tradition, les agriculteurs préfèrent attendre l’arrivée des pluies pour semer. L’emploi de charrues est certes rendu difficile dans les sols secs. Aussi, la solution pourrait passer par des alternatives à la charrue, mais elles restent encore très peu promues par les services agricoles.

Pour augmenter la production locale de blé, le challenge des services agricoles est d’arriver à augmenter les rendements mais également d’emblaver le maximum de surface.

Force est de constater que les retards actuels par rapport aux dates optimales de semis réduisent le potentiel de rendement d’en moyenne 0,25 quintaux par jour. Par ailleurs, la tension observée sur la disponibilité des semences diminue d’autant les chances d’arriver à semer les 3 millions d’hectares de terre à blé que compte le pays.

  • Les derniers articles

close