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Bureaux de poste : la crise de liquidités, une fatalité ?

Bureaux de poste : la crise de liquidités, une fatalité ?

Il n’a pas fallu plus de 24 heures pour que soit de nouveau démentie la promesse de la disponibilité des liquidités dans les bureaux d’Algérie poste, faite par le ministre du secteur.

Brahim Boumzar a rassuré mardi tous les retraités, à la veille du rendez-vous mensuel de versement de leurs pensions, que l’argent sera disponible dans tous les bureaux de poste à travers tout le territoire national, mettant en avant les nouvelles dispositions prises.

Il s’agit de l’élargissement du nombre de jours consacrés au versement des pensions (neuf jours, qui devraient passer à 15 prochainement), en sus de la possibilité pour les plus âgés de retirer leur argent par procuration.

Mais il semble que le problème est bien plus complexe pour qu’il soit réglé sur de simples décisions administratives. Ce mercredi 18 novembre, premier jour de versement suivant le nouveau calendrier établi, les longues files d’attentes et les bousculades ont fait leur réapparition, devant les bureaux de poste.

Les images partagées sur les réseaux sociaux ou relayées par les chaînes de télévision ont choqué l’opinion. Des hommes et des femmes âgées se tassent dangereusement devant les portails des bureaux de poste. Il s’agit de la catégorie de la population la plus vulnérable au virus de Covid-19, et sachant la recrudescence de la pandémie ces dernières semaines, les scènes ont de quoi inquiéter.

L’Algérie a officiellement franchi la barre psychologique des 1000 nouveaux cas quotidiens et le chiffre serait loin de refléter la réalité de la propagation du virus.

Selon le professeur Djidjik, exerçant au CHU de Beni Mesous, il y aurait entre 10 000 et 15 000 nouvelles contaminations chaque jour dans la seule région d’Alger.

Cela, au moment où les infrastructures hospitalières de plusieurs régions du pays sont saturées. Ces rassemblements mensuels devant les bureaux de poste constituent un facteur de propagation du virus qui annihile les effets des nombreuses mesures de prévention et de distanciation sociale décrétées.

Les scènes constatées ce mercredi rappellent celles qui avaient indigné le pays au début de l’épidémie au printemps dernier. Les files d’attente et les bousculades n’ont en fait jamais cessé depuis et si on n’en a pas trop parlé ces derniers mois, c’est à cause de la décrue de la pandémie pendant la fin de l’été et pendant le début de l’automne. Les autorités n’ont pas pu régler le problème et ce n’est pas faute d’avoir essayé.

En attendant la numérisation…

Algérie poste gère environ 23 millions de comptes postaux, dont plus de trois millions sont détenus par des retraités et autres bénéficiaires de pensions (moudjahidine et ayant-droits…).

Les bureaux de poste connaissaient des pénuries sporadiques de liquidités, mais les choses se sont aggravées avec le début de la pandémie. Devant le spectre du confinement général, beaucoup de retraités, et même des salariés, procèdent par précaution au retrait de leur argent pour pouvoir en disposer à tout moment.

Le ralentissement de l’activité dans de nombreux secteurs a aussi induit la baisse des sommes déposées dans les bureaux de postes par les petits artisans ou commerçants.

Ce n’est là, néanmoins, qu’une partie du problème. Quand bien même les liquidités auraient été injectées en quantités suffisantes, les files d’attente et les rassemblements devant les bureaux de poste sont inévitables à chaque rendez-vous mensuel de versement des pensions.

Pour la simple raison qu’il s’agit là de l’unique moyen pour plusieurs millions de familles de disposer de leur argent dans une conjoncture où des dépenses imprévues peuvent surgir (réserve de provisions, frais de test ou d’hospitalisation…).

Parmi les 23 millions de clients d’Algérie Poste, 5 millions détiendraient la carte de retrait automatique. La dernière décision en date, annoncée ce mercredi, consiste à relever le plafond des retraits par carte à 50 000 Da. Elle pourrait aussi s’apparenter à un coup d’épée dans l’eau, sachant que la plupart des pensions de retraite n’atteignant pas ce montant.

Aussi, non seulement les distributeurs sont constamment « vides », mais aussi beaucoup de détenteurs de la carte ne s’en servent pas, par manque de confiance ou non maitrise de la procédure d’utilisation.

Le commerce et les paiements électroniques aussi ne sont qu’à leurs balbutiements en Algérie au moment où l’utilisation du cash dans l’économie mondiale devient de plus en plus une exception, même dans certains pays en développement.

L’Algérie paye les frais d’une réforme importante qu’elle a ratée, celle du système financier et bancaire. Ce qui n’a pas pu être entrepris pendant près de deux décennies de stabilité sociale, de pétrole cher et d’opulence financière, ne peut se faire en quelques mois, de surcroît en pleines turbulences induites par la crise sanitaire.

Les autorités peuvent tout au plus parer au plus urgent, en élargissant au maximum le nombre de jours de versement des pensions et peut-être aussi en organisant au mieux le flux des retraités. En espérant que les leçons de cette pandémie soient retenues. La vraie solution viendra quand sera menée la vraie réforme.

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