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Célébré à Cannes, Jean Luc Godard tourne le dos à la « Saison France-Israël »

Célébré à Cannes, Jean Luc Godard tourne le dos à la « Saison France-Israël »

Jean Luc Godard, 88 ans, l’un des fondateurs de la Nouvelle Vague du cinéma français, a décidé de boycotter la « Saison France-Israël », dont le début est prévu en juin prochain.

Il a signé une pétition, avec des dizaines d’autres auteurs et artistes français pour dénoncer un événement organisé, conjointement par l’Institut français et le bureau du Premier ministre israélien, pour célébrer le « 70e anniversaire de la fondation de l’État d’Israël ».

« Pour nous, musiciennes, écrivains, cinéastes, metteures en scène, comédiens, techniciennes, plasticiennes, photographes, dessinateurs, danseurs et danseuses, cette initiative, sous couvert de promouvoir le dialogue et l’échange, est en réalité l’un des moyens mis en œuvre par le gouvernement israélien pour redorer le blason de l’État d’Israël, passablement terni par sa politique chaque jour plus dure à l’encontre des Palestiniens et son statut de start-up nation du sécuritaire », est-il écrit dans la Pétition, publiée le 4 mai 2018 sur les réseaux sociaux.

« Comme l’a dit Reuven Rivlin, président de l’État d’Israël, « les institutions culturelles forment une vitrine dans laquelle Israël présente d’elle-même une image démocratique, libérale et critique ». Par solidarité avec les Palestiniens, nous refusons de figurer dans cette vitrine, nous ne participerons pas à « la Saison France-Israël » et nous appelons à ne pas y participer sous quelque forme que ce soit », est-il ajouté dans le document.

Parmi les signataires figurent les écrivains Pierre Alferi, Arno Bertina, Julien Blaine, Laurent Cauwet, Alain Damasio, Gérard Mordillat, Samuel Steiner et Enzo Cormann, les metteurs en scène Guy Alloucherie, Christian Benedetti, Robert Cantarella, Adelibe Rosenstein, Eva Doumbia, François Tanguy et Irène Bounaud, les plasticiens Alain Bublex, Stéphane Bérard et Nicolas Milhé, les cinéastes Simone Bitton, Sylvain George, Elisabeth Perceval, Nicolas Klotz, Alain Guiraudie et Eyal Sivan et les comédiens Nicolas Bouchaud, Laurence Chable, Patrick Condé, Martine Vaudeville, Jean-Pierre Moulin, Amandine Pudlo et Valérie Dréville.

La presse israélienne évoque « le marxisme avoué » de Godard

La pétition, évoquée notamment par les médias israéliens, est signée aussi par les photographes Valérie Belin, Stéphane Couturier, Luc Delahaye et Valérie Jouve ainsi que par le chanteur d’origine algérienne Kadour Hadadi (ou HK), le compositeur et producteur Imhotep, Pascal Perez de son vrai nom, l’un des fondateurs du groupe musical de Rap contestataire IAM, le musicien Fantazio et la chanteuse Dominique Grange.

Les médias israéliens ont critiqué la démarche des signataires en s’attaquant surtout à Jean Luc Godard en rappelant ses positions de « marxiste avoué ».

« Godard a déjà été accusé d’antisémitisme en France. Il avait alors nié ces allégations, déclarant que son père était antisémite mais que lui était simplement antisioniste. Godard a travaillé en 1970 sur un film intitulé « Jusqu’à la victoire », dépeignant la « lutte palestinienne pour l’indépendance », partiellement financé par la Ligue arabe.

Le projet n’a jamais abouti. Il présentait des images alternées de l’ancienne Premier ministre israélienne Golda Meir et d’Adolf Hitler. Dans une biographie de Godard publiée en 2008, Richard Brody écrivait que « l’obsession de Godard pour l’histoire vivante […] a apporté un ensemble troublant d’idées fixes, notamment concernant les Juifs et les États-Unis » », a écrit The Time of Israel.

À Cannes, Godard dénonce « le totalitarisme de l’image filmée »

Au 71e Festival de Cannes, qui se déroule jusqu’au 19 mai, Jean Luc Godard est en sélection officielle avec un film expérimental « The picture book » ( « Le livre d’image ») mais sans être présent à la Croisette.

Le cinéaste franco-suisse ne se déplace plus à Cannes depuis 2001. Son rapport avec le festival est conflictuel.  « Il y a trente ou quarante ans, je souhaitais avoir la Palme d’Or (plus haute distinction à Cannes). Cela m’aurait fait plaisir, mais du mal aussi. Je suis content d’éviter ce mal aujourd’hui », a-t-il confié, en mai 2014, à la RTS, Radio Télévision Suisse.

Sélectionné huit fois à Cannes en compétition officielle, à partir de 1980, Jean Luc Godard n’a jamais obtenu de Palme d’Or. En 2014, il a décroché le grand prix du jury pour son long métrage « Adieu au langage ».

Ce samedi 12 mai, il s’est adressé aux journalistes en Facetime (à travers un téléphone portable) pour répondre aux questions à propos de son quarante huitième longs métrages, « The picture book » qui revient partiellement sur la situation compliquée dans le monde arabe actuellement.

« Le film a été sauvé par une petite association suisse. Et s’il est à Cannes, c’est surtout dans un but publicitaire pour que cette petite association puisse trouver ce que j’appelle des noisettes », a-t-il déclaré le ton ironique lors de la conférence de presse virtuelle.

 Pour lui, l’époque que nous vivons est étonnante. « Il faut s’y faire, mais on peut aussi faire autrement. Aujourd’hui, la plupart des acteurs contribuent au totalitarisme de l’image filmée contre l’image pensée. Un film est fait pour montrer ce qui se fait, c’est le cas de la plupart des films qui sont à Cannes cette année, mais très peu de films sont faits pour montrer ce qui ne se fait pas. Et, j’espère que mon film aidera à montrer ou à penser à ce qui ne se fait pas. Pour cela, il faut penser avec les mains, pas seulement avec la tête », a-t-il conseillé.

« J’ai de la peine à vivre ma vie »

L’image pensée est justement la trame de son nouveau long métrage construit à partir d’extraits d’archives, de bouts de films, de sons entremêlés, de textes qui se chevauchent, d’une voix, presque incompréhensible, du réalisateur lui-même racontant le monde d’aujourd’hui dans son chaos et ses drames avec référence au passé.

La technique du collage est convoquée pour un film intellectuel et profondément artistique qui, selon la critique française, a « retourné la tête » du festival de Cannes.

Acerbe, le quotidien français Le Figaro (Droite) n’a pas apprécié le film : « Cinquante ans après, Papy Godard continue à saboter le Festival de Cannes ».

En 1968, les cinéastes Jean Luc Godard, Claude Berri, François Truffaut et Carlos Saura ont manifesté à Cannes pour demander l’interruption du Festival en raison des manifestations à Paris.

Sur le plan esthétique pur, Jean Luc Godard garde, sa préférence pour le montage en reléguant le tournage en arrière-plan et en ignorant les critiques qui prétendent que ses derniers films sont « inaccessibles ».

« Aujourd’hui, les trois quart des gens ont, depuis longtemps, le courage de vivre leur vie, mais n’ont, souvent, plus le courage de l’imaginer. Moi, j’ai de la peine à vivre ma vie, mais j’ai le courage de l’imaginer, et ça permet de continuer, et de prendre ce train-là, le train de l’Histoire », a appuyé le cinéaste franco-suisse, un brin philosophe.

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