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Conférence du 6 juillet, dialogue, contacts avec l’armée : Entretien avec Abdelaziz Rahabi

Conférence du 6 juillet, dialogue, contacts avec l’armée : Entretien avec Abdelaziz Rahabi

Vous êtes le coordinateur de la conférence nationale de dialogue organisée par l’opposition et prévue pour le 6 juillet. Où en sont les préparatifs ?

La préparation de la conférence a commencé depuis plus d’un mois. Nous avons contacté les partis de l’opposition sans distinction et nous avons ouvert les portes à la société civile, aux organisations estudiantines, aux syndicats et aux hommes d’affaires non impliqués dans des affaires de corruption.

Notre unique objectif est de contribuer à notre manière à trouver une issue à la crise. Comment ? Nous souhaitons arriver à une synthèse entre la solution politique et la solution institutionnelle, donc constitutionnelle.

Nous proposons le retour au processus électoral après un vaste accord entre l’opposition et la société civile et toutes les parties qui portent les véritables revendications du hirak. Nous pensons que ces dernières sont, à la base, des programmes.

Ces programmes, nous les adoptons car ils sont politiques par excellence et réclament un changement démocratique, le contrôle de l’argent public, les libertés individuelles et collectives et une véritable représentation dans les assemblées élues, loin de toute fraude.

Pensez-vous que le hirak accueillera favorablement la conférence nationale ?

Je pense que ces idées et l’initiative ont été favorablement accueillies par les citoyens car ils savent que l’heure du dialogue est arrivée. Nous sommes sortis dans les rues par millions et nous avons engrangé beaucoup d’acquis. Bien sûr, pas tout ce que nous avons demandé. Il est certain que le peuple algérien ne reculera pas car il y a une Algérie d’avant le 22 février et une autre d’après cette date.

Il est de la responsabilité de la classe politique, des syndicats et des élites de concrétiser les revendications du peuple dans un projet politique pour sortir de la crise.

Une chose est importante dans cette conjoncture précise, c’est comment asseoir entre le peuple et le pouvoir la confiance sans laquelle rien ne pourra se faire. Cela passera par la prise de mesures concrètes et l’envoi de signaux forts qui exprimeront une réelle intention du pouvoir d’accompagner le changement démocratique.

Qui participera à la conférence ? Verra-t-on la présence de représentants du hirak ?

Le hirak est représenté par plus de 40 millions d’Algériens, on ne peut donc choisir ses représentants. Quant à la liste des présents, il y aura dix partis politiques, cinq confédérations syndicales en plus de 80 associations de la société civile qui ont fait part de leur intention de participer. Nous nous attendons à ce que ce nombre augmente ce samedi, date de la tenue de la conférence qui sera un espace d’initiatives.

Nous avons déjà reçu 27 plateformes de sortie de crise. Ce sont des contributions de personnalités, de syndicats, de la société civile et de partis politiques. Nous les avons étudiées et intégrées dans le document final qui sera une plateforme pour le dialogue.

Nous aspirons à élargir le dialogue au RCD et au FFS qui ont lancé l’initiative des forces de l’alternative démocratique. Nous sommes en contact permanent avec eux pour les amener à participer à la conférence. Nous voulons qu’ils viennent avec l’initiative qu’ils ont lancée dernièrement. J’ai d’ailleurs assisté à leur réunion du 26 juin.

Nous sommes dans une étape nouvelle dans laquelle il faut jeter les ponts entre toutes les initiatives, arriver à une plateforme globale et consensuelle afin de sortir de la crise et définir la manière d’obtenir des garanties pour organiser une élection présidentielle dans des conditions et un climat adéquats pour permettre une forte participation du peuple algérien.

On parle de la possibilité de la présence de certaines personnalités comme Liamine Zeroual et Mouloud Hamrouche. Vous confirmez ?

En tant que coordinateur de la conférence du dialogue national, je ne souhaite pas me focaliser sur les noms mais sur un projet politique.

L’instance que je dirige n’est pas habilitée à envoyer des invitations à des personnalités indépendantes car elle s’intéresse aux initiatives et reçoit des plateformes. Néanmoins, les partis participants peuvent inviter toute personnalité dont ils jugent la présence opportune.

Certains avancent que le pouvoir ne veut pas d’un véritable changement démocratique et qu’il continue à manœuvrer. Quel est votre avis ?

Nous sommes convaincus qu’au sein du pouvoir, il y a des gens qui sont contre les réformes politiques et la normalisation de la situation du pays. Il est certain que les résidus du système sont toujours là et qu’ils continuent à résister car ils ont des intérêts. Mais nous encourageons tout ce qui va dans le sens du dialogue auquel nous avons appelé en premier.

Vous vous attendez donc à une participation plus forte que celle de la conférence de Mazafran qui avait adopté une plateforme pour le changement démocratique mais ignorée par le pouvoir…

Les circonstances ne sont pas les mêmes. Nous sommes devant une réalité nouvelle plus dangereuse que celle de 2014 et 2016.

Êtes-vous en contact avec le tenant du pouvoir réel qui est l’institution militaire ?

Il n’y a aucun contact direct ou indirect. En tant que coordinateur de la conférence du dialogue, je n’ai eu de contact avec personne.

Les discours du chef d’état-major suscitent beaucoup de réactions et de polémiques. Quelle lecture en faites-vous ?

Ses discours sont nombreux et je ne peux pas les commenter tous. Nous sommes néanmoins convaincus dans l’opposition que l’issue réside dans la synthèse entre les solutions politique et constitutionnelle. C’est la meilleure voie pour asseoir un accord politique global. Cette voie nous amène à chercher à réunir les conditions adéquates pour organiser les élections présidentielles dans un délai acceptable.

La solution politique n’est pas suffisante, la solution constitutionnelle non plus. La classe politique et les élites doivent trouver une issue qui allie les deux d’une manière consensuelle et responsable.

Le peuple algérien qui est sorti dans la rue par millions sait très bien qui a provoqué la crise que vit le pays et si la crise perdure, il pourra considérer que la classe politique et les élites ont échoué à trouver une solution. Si nous ne sommes pas responsables de la crise, nous avons la responsabilité de trouver des solutions. C’est ce que nous sommes en train de faire, ni plus ni moins.

Qu’allez-vous proposer concrètement ?

Dans notre conception, l’organisation de la présidentielle dans des délais raisonnables avec un accord politique global est tributaire de la mise en place d’un climat favorable.

Nous appelons de ce fait le pouvoir à prendre des mesures allant dans le sens de l’apaisement, à ne pas entraver l’action politique, à ouvrir les médias publics notamment la télévision et à cesser de harceler les manifestants. Le pouvoir doit participer à asseoir la confiance.

Nous proposons aussi une instance totalement indépendante du pouvoir, des partis et des juges désignés par le pouvoir, pour organiser, surveiller et annoncer les résultats des élections. La conférence du 6 juillet sortira avec une déclaration politique et une conception détaillée de l’instance, sur sa présidence, sa composante, ses prérogatives, son fonctionnement, sa représentation au niveau des wilayas et son autonomie matérielle et administrative. L’organisation des élections est tributaire d’une réelle volonté de tenir le scrutin présidentiel. Il ne restera alors qu’à arrêter une date.

Ahmed Gaïd Salah a aussi parlé du futur président, disant qu’il combattra la corruption…

A mon avis, si le futur président est élu démocratiquement et dispose de la légitimité populaire, il aura la force de combattre la corruption. Mais cela est impossible dans le cadre du système actuel car le passage vers un système démocratique est la seule garantie.

Dans ce cas, nous aurons un juge indépendant qui applique la loi en son âme et conscience, nous serons devant la séparation des pouvoirs et la transparence dans le contrôle de l’argent public. Mais la corruption prendra de l’ampleur si nous gardons le même système. On ne peut pas combattre la corruption avec le même système qui l’a créée.

L’un des « B » dont la rue réclame le départ, Mouad Bouchareb, vient de démissionner de la présidence de l’APN. Est-ce un signal positif ?

Ce que je peux dire, c’est que toute représentativité illégitime est rejetée. Le peuple algérien veut aujourd’hui un véritable système légitime et démocratique. Depuis le début du hirak, il a exprimé une revendication qualitative et politique par excellence, soit le changement de la nature du régime.

Le peuple sait très bien que la construction d’une nouvelle Algérie impose la mise en place d’un nouveau système dans lequel le seul garant sera la loi et non les personnes ou la classe politique.

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