La région des Aurès est devenue en quelques années un bassin de production des pommes en Algérie. Le wali de Batna prévoit une récolte de 1,6 million de quintaux de ce fruit cette année.
Si la région des Aurès a pu s’imposer comme principal producteur de pommes en Algérie, elle doit cette position à trois facteurs : le climat froid en hiver qui est indispensable à la floraison des pommes au printemps, la décision des autorités d’interdire l’importation de ce fruit en 2016, mais aussi à la technique employée : celle des vergers en super-intensif. Une technique qui permet une production au bout de deux années et un rapide retour sur investissement.
Dans son verger, âgé de deux ans, le jeune Bilal procède à sa première récolte. Casquette posée à l’envers sur la tête, il cueille méthodiquement les pommes qu’il dépose dans des cageots alignés au sol.
De façon étonnante, les jeunes arbres sont plantés très proches les uns des autres, on en compte 3 sur 2 mètres de long. Quant aux pommes, elles sont principalement situées à proximité du tronc.
Le jour de la récolte, il reçoit la visite de Yacine, le responsable de la coopérative de Bouhmama (Khenchela). Celui-ci est particulièrement engagé dans le développement des plantations de pommiers à forte densité.
Dans cette vidéo postée sur les réseaux sociaux, il demande à l’agriculteur : « Bilal, combien récoltes-tu de pommes par arbre? » Le jeune agriculteur s’arrête un instant : « Avec ce que je récolte deux arbres, je remplis un cageot » répond-il et, joignant le geste à la parole, il dépose délicatement plusieurs pommes dans un cageot.
« Deux arbres, je rempli un cageot de pommes »
Yacine, procède à un rapide calcul : 1.500 cageots à l’hectare, cela donne un minimum de 200 quintaux de pommes si on en compte seulement un millier.
Au-dessus des jeunes arbres, un voile donne l’impression d’être dans une immense serre. Il s’agit en fait d’un immense filet anti-grêle. Il suffit de quelques grêlons sur les pommes prêtes à être récoltés pour que la récolte soit perdue.
Des producteurs en ont encore fait l’amère expérience au mois d’août dernier. Aussi, les filets anti-grêle sont devenus un investissement indispensable. Ils sont tendus par des câbles fixés à des mâts en acier.
A cela, s’ajoutent d’autres dépenses : les pieux en béton aux extrémités de chaque ligne d’arbres, le système d’irrigation par goutte à goutte et bien sûr au départ l’achat de 3.000 jeunes arbres pour chaque hectare.
Yacine fait remarquer que cette récolte est obtenue après deux années contre 5 à 6 années dans le cas des conduites traditionnelles.
L’explication est à rechercher dans cette nouvelle technique du super-intensif. Sur un hectare, ce sont aujourd’hui 3.000 pommiers qui sont plantés contre seulement 1.200 en intensif ou 400 avec la technique ancienne. Si planter plus de pommiers à l’hectare augmente la production, cela augmente d’autant les besoins en irrigation.
Un agriculteur raconte avoir dû arracher 100 pommiers nouvellement plantés par manque d’eau.
Fervent partisan de la plantation en super-intensif, Yacine explique : « On reproche à cette technique d’exiger un gros investissement de départ, mais le retour sur investissement commence déjà deux ans après la plantation ».
Les avantages du super intensif dans la culture de la pomme
Il n’hésite pas à faire part de sa rencontre avec un agriculteur qui a planté il y a deux ans un verger en mode traditionnel et qui désespère de ne pas obtenir de pommes alors que la visite d’un verger en hyper-intensif du même âge que le sien lui a montré qu’il était déjà en production. Une visite qui l’a amené à penser reconvertir son verger.
Yacine indique qu’il ne s’agit pas seulement de planter les arbres pour espérer réussir. Il souhaite faire de la coopérative qui compte 120 membres, un « lieu d’échanges entre producteurs afin de favoriser les échanges, d’apprendre des erreurs des autres et de suivre l’itinéraire technique lié à ce mode de production ».
En bon communiquant, le représentant de la coopérative multiplie les conseils à travers des vidéos sur les réseaux sociaux. Il se félicite de bénéficier de la coopération avec un partenaire polonais qui n’hésite pas à venir avec ses techniciens pour initier les adhérents de la coopérative à la taille si particulière des pommiers menés en super-intensif.
En cette période de récolte, le wali de Batna s’est déplacé dans les zones de production. A cette occasion, lors d’un point de presse, un producteur a tenu à remercier les pouvoirs publics pour l’aide apportée à la filière.
Faisant remarquer que ce sont plus de 20 variétés de pommes qui sont cultivées dans la région, il a souhaité qu’une fête consacrée à ce type de production soit organisée chaque année.
Soulignant le développement des plantations en super-intensif qui dans certains cas permettent un début de récolte dès la première année, l’agriculteur s’est félicité du développement local de chambres froides, indiquant qu’aujourd’hui : « l’agriculteur a ajouté une autre activité à la production, celle du stockage ».
Quant à Yacine, il a un espoir : fédérer les producteurs autour de la vente groupée de leur production afin de résister aux intermédiaires.
Les wilayas de Khenchela et Batna sont devenues en quelques années des fronts pionniers qui ont permis la production de pommes et la création de nombreux emplois. Il reste dorénavant à assurer une maîtrise des prix et une durabilité de cette production de pommes, notamment concernant l’exploitation des ressources locales en eau.