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Entretien avec le Pr Kamel Senhadji : « Je suis optimiste »

Entretien avec le Pr Kamel Senhadji : « Je suis optimiste »

Le professeur Kamel Senhadji est le directeur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire. Dans cet entretien, il parle de la situation épidémiologique liée au Covid-19 en Algérie, l’acquisition par l’Algérie d’un vaccin contre la Covid-19…

Quel bilan faites-vous de la situation sanitaire en Algérie ?

Pr Kamel Senhadji : On voit bien lorsque les mesures sanitaires sont claires et rentrent dans les habitudes avec beaucoup de pédagogie que cela est payant, on le paie en positif dans le bon sens puisque ça protège les citoyens. Quand on respecte ces mesures de protocole sanitaire il n’y a aucun secret là-dessus. Et puis l’inverse peut être obtenu, l’effet néfaste, c’est quand on ne respecte pas suite à certaines levées telle que la rentrée, etc.

Normalement les mesures sanitaires doivent être respectées, il n’y a aucune raison que ça puisse être négatif par rapport à l’augmentation des contaminations, mais au contraire il faudrait qu’on aille dans le sens de quand on essaie d’ouvrir, de lever le confinement, pour que la vie normale puisse reprendre petit à petit et qu’en même temps avec cette levée on poursuive le respect des mesures préventives, c’est encore payant et c’est encore mieux puisque c’est avec ça qu’on va vivre dans le temps les prochains mois. Hélas, toute cette pandémie n’est pas encore partie.

Je suis sûr que quand la vaccination sera là que la baisse sera significative, tout en étant prudent et en respectant ces mesures sanitaires pendant plusieurs semaines ou quelques mois, ceci va s’accompagner par une baisse significative de cette pandémie. On préfère qu’elle parte définitivement, sinon on l’aura au minimum comme une endémie style grippe où il faut faire attention.

Au sujet des vaccins, l’Algérie a beaucoup tardé. Où en sommes-nous dans les négociations pour l’acquisition de ce vaccin ?

La task force qui s’occupe de cette opération est en plein travail pour conjuguer le côté médical, scientifique, choix, etc. Ce qui est primordial, c’est l’efficacité et la sécurité de ce vaccin. Cet aspect est en cours d’analyse. Dans cette analyse de ce vaccin se dégagera le cadre des vaccins qu’il faudrait prendre.

On espère que ce soit le plus adapté aux conditions d’utilisation en Algérie. On préfèrerait que ce soit un vaccin de type BCG où c’est un peu plus facile à manipuler qu’un vaccin qui nécessite des conditions techniques beaucoup plus compliquées qui ne seraient pas adaptées à notre situation.

Quoi qu’il en soit, cette task force est en train de travailler sur ces deux composantes « scientifiques et médicales » et « logistiques » pour pouvoir déployer des moyens adaptés à ce type de vaccin qui sera choisi selon les critères indiqués. C’est l’efficacité et la sécurité qui priment.

À votre avis, quand est-ce qu’on aura le vaccin ?

Je ne peux vraiment pas dire. On préfère que ce soit le plus tôt possible. Il faudrait que ce soit dans les plus brefs délais mais ce sera en fonction de la validation du type de vaccin qu’on va choisir parce que tous ne sont pas encore validés.

Ce sera aussi en fonction de la production de ce vaccin parce que tout le monde en veut et les laboratoires qui fabriquent ce vaccin sont en train d’aller dans ce sens. Pour satisfaire tout le monde et en même temps, il y aura différents vaccins. Mais en tout cas je ne peux pas le dire pour l’échéance mais j’espère que ce sera au cours de ce semestre prochain.

La Tunisie a opté pour un vaccin Pfizer et le DG de l’Institut Pasteur tunisien parle de l’acquisition de deux millions de doses. Quelle est votre réaction ?

Chaque pays a une stratégie souveraine concernant les vaccins. La Tunisie a pris ses responsabilités d’acquérir ce vaccin et tant mieux pour les Tunisiens, mais disons que chaque pays fonctionne en fonction de ses possibilités parce que ce n’est pas le même nombre.

La Tunisie a une population d’une dizaine de millions d’habitants alors que l’Algérie a quatre fois plus. La logistique et le niveau d’acquisition n’est pas du tout le même. L’Algérie adaptera l’acquisition de son vaccin d’une façon rationnelle, mesurée. Puis il n’y a aucune raison, les autorités du pays sont prêtes à mettre tous les moyens pour acquérir le vaccin le plus adapté.

Êtes-vous optimiste par rapport à l’avenir ?

Dans toute l’histoire des épidémies, la population mondiale a pu s’en sortir. Même dans les pires pandémies du Moyen-Âge telle que la peste noire qui a fait des ravages. Il n’y avait pas les mêmes moyens de lutte. Il n’y avait pas de vaccination. Il y avait l’immunisation de la population naturellement et après un certain moment on voit les choses se rétablir, c’est sûr qu’on le paie en termes de nombre de victimes. Les choses ont changé maintenant. La vaccination a permis dans l’histoire des maladies infectieuses de réduire la mortalité de 50 % durant le siècle dernier.

Je suis donc optimiste car il y a une partie de la population qui s’immunise naturellement et que l’autre partie de la population a besoin d’être protégée, elle le sera avec la disponibilité de ce vaccin et puis il y a maintenant différentes sources de technologies qui permettent d’avoir des vaccins de plus en plus performants qui peuvent être obtenus rapidement.

Cette pandémie sera un exemple pour les pandémies éventuelles prochaines parce qu’on a des exemples de technologies qui permettent d’avoir des moyens de lutte contre ces infections. Tous ces procédés qui font actuellement peut-être douter les gens par rapport à ces vaccins innovants basés sur l’ARN, sur les vecteurs, etc. Ce ne sont pas des vaccins classiques mais la situation urgente a poussé la recherche scientifique pour trouver les moyens adaptés qui seront appliqués pour parer aux prochaines épidémies.

Je ne peux donc qu’être optimiste en tant qu’homme de science. La recherche est un des moyens les plus prometteurs à partir duquel la lumière va jaillir.

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