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Entretien avec Sofiane Djilali : « Le Hirak ne s’arrêtera pas le 12 décembre »

Entretien avec Sofiane Djilali : « Le Hirak ne s’arrêtera pas le 12 décembre »

Vous avez appelé à l’annulation du scrutin présidentiel, pensez-vous que cette option est encore possible ?

Sofiane Djilali président de Jil Jadid : il semble clair que le pouvoir s’est engagé de façon déterminée à aller au bout de sa décision de tenir les élections. Mais ces élections vont très probablement compliquer la situation et non pas résoudre le problème…

Pourquoi ?

Au mieux de ce qu’on peut imaginer, c’est que les problèmes que nous vivons touchent tous les secteurs y compris l’État en tant que tel dans son mode de fonctionnement. Tout ça sera reporté après les élections. Telles que conçues, les présidentielles (du 12 décembre) ne mettent pas le pays sur les rails de la confiance et de la résolution des problèmes. Au pire, elles peuvent entrainer des crispations et des dérapages avant l’élection, ce que nous ne souhaitons évidemment pas.

Aujourd’hui on compte près de 80 candidats déclarés aux élections dont Abdelmadjid Tebboune et Ali Benflis. Comment voyez-vous ces deux candidatures ?

Je ne sais pas si la liste définitive des candidats se limitera à ceux-là ou s’il y aura d’autres qui sont tout aussi potentiellement éligibles. Et quand je dis éligibles, vous comprenez bien qu’il ne s’agit pas seulement de l’élection par les urnes. Parlons franchement : aujourd’hui, l’institution militaire contrôle le pouvoir en totalité. Ce que je comprends, c’est que l’intention de l’institution militaire est d’opérer des changements mais sous contrôle. C’est-à-dire qu’elle ne semble pas prête à ouvrir totalement le champ politique, mais en même temps elle a introduit une dynamique de changement qu’elle ne pourra plus éviter. Le régime de Bouteflika étant effondré, la majorité de ses animateurs sont en prison, par conséquent nous sommes en face d’un changement obligé.

Comment, selon vous, ce changement va-t-il s’opérer ?

Je pense que du point de vue de l’institution militaire, celle-ci veut se donner des moyens de sécurité : c’est-à-dire mettre en place une présidence qui soit compatible avec elle et ce serait cette présidence-là qui éventuellement pourrait engager la transition. Si le scrutin réussit le 12 décembre, on aura un président qui aura été le produit de cette décision politique de l’institution militaire et qui devrait être, à mon sens, le premier pas pour démarrer un vrai dialogue et une véritable ouverture à venir. Le mieux qu’on puisse imaginer c’est qu’un président adoubé par l’institution militaire sera là avec une possibilité d’ouvrir une période de transition sérieuse. Dans le cas contraire, nous irons vers un désordre et un chaos.

Maintenant que le train des élections est en marche, le Hirak dispose-t-il encore d’une marge de manœuvre ?

Oui, il y a une grande marge de manœuvre à condition de ne pas cantonner cela dans le moment présent. D’ici l’élection on peut avoir deux grands scénarios. Un premier scénario serait qu’il y ait une élection forcée avec une maîtrise du terrain, et l’imposition d’un président. Or, le prochain président aura une très faible légitimité. Le deuxième scénario est que le Hirak sera tellement puissant qu’il emportera tout sur son passage y compris l’élection, et là on sera dans une toute autre configuration. Dans le cas où on arrive à un président élu dans les circonstances actuelles, celui-ci sera mis en demeure de faire évoluer la situation. Le Hirak ne s’arrêtera pas le 12 décembre. C’est une vague extrêmement puissante, de plus il n’y a pas de décideur (pour le Hirak), mais il y a une volonté populaire extrêmement puissante. Le Hirak continuera, après l’élection du président, dans sa demande pour un État de droit et pour la démocratie, etc. Il ne faut donc pas inscrire le Hirak comme ayant une durée de vie au 12 décembre. Si cette élection a lieu, les choses auront de toute façon tellement changé que le prochain président devra considérer l’avenir avec le Hirak et pas contre lui.

On assiste à des vagues d’arrestations parmi les animateurs du Hirak mais aussi de figures politiques connues. À quoi cela répond-il ?

Il y a une double dimension : humaine et politique. La dimension humaine a fait que tout le monde a réagi en donnant son soutien aux détenus depuis le début. Il faut leur exprimer totalement son soutien, et il faut qu’ils retrouvent leur liberté. La dimension politique c’est l’explication du comportement du pouvoir. Il a une échéance devant lui, il veut y arriver coûte que voûte et je pense qu’il fera taire toute voix qui se mettrait en travers de la route de cette élection.

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