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Extradition de Nezzar : une procédure très compliquée, quasiment impossible

Extradition de Nezzar : une procédure très compliquée, quasiment impossible

Le tribunal militaire de Blida a lancé, mardi 6 août, des mandats d’arrêt internationaux à l’encontre de l’ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar, son fils Lotfi et Farid Benhamdine, président de la Société algérienne de pharmacie.

Khaled Nezzar, Lofti Nezzar et Farid Benhamdine sont poursuivis en vertu des articles 77 et 78 du Code pénal ainsi que de l’article 284 du Code de justice militaire.

Depuis plusieurs semaines, des rumeurs font état de la présence des Nezzar en Espagne.

Pour les autorités algériennes, l’extradition de Khaled Nezzar devra inéluctablement passer par une longue et laborieuse procédure judiciaire avec une très faible probabilité de voir l’ancien chef d’état-major et ex-ministre de la Défense être effectivement extradé et présenté un jour devant le tribunal militaire de Blida.

« Il sera très difficile à l’Algérie de réclamer M. Nezzar, et il y a beaucoup d’éléments qui jouent en faveur du général », affirme Me Alexandro Maria  Tirelli, avocat spécialiste en droit international et en procédures d’extradition basé à Barcelone et Milan, contacté par TSA. L’avocat cite trois principaux arguments qui jouent en défaveur de l’Algérie dans sa tentative d’extrader Nezzar.

« La première et l’une des plus importantes concerne le fait qu’il est totalement interdit pour un pays comme l’Espagne d’extrader un étranger lorsqu’il risque d’être condamné par la peine de mort », affirme Me Tirelli.

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Khaled Nezzar, son fils et M. Benhamdine sont effectivement poursuivis entre autres en vertu de l’article 77 du code pénal, qui stipule que « l’attentat, dont le but a été de détruire ou de changer le régime, soit d’inciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’Etat ou s’armer les uns contre les autres, soit à porter atteinte à l’intégrité du territoire national, est puni de la peine de mort ».

L’Espagne et les pays membres de l’Union européenne sont signataires de chartes et conventions prohibant la peine de mort ainsi que l’expulsion ou l’extradition d’une personne vers un pays où elle risquerait la peine de mort, explique Me. Tirelli.

« La justice espagnole est également tenue de suivre les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’Homme. La CEDH a émis plusieurs décisions interdisant l’extradition d’un étranger vers un pays où il risque la peine de mort, or celle-ci a un pouvoir supranational », indique en outre l’avocat spécialiste des procédures d’extradition.

« Un autre élément qui joue en faveur du général est qu’il n’est pas poursuivi pour un délit ou crime de droit commun, mais pour des crimes ou délits de nature politique », explique également Me Tirelli. « La justice espagnole et européenne accorde une protection particulière aux personnes poursuivies pour des crimes politiques et il est par conséquent quasiment impossible d’extrader quelqu’un pour des crimes politiques, particulièrement dans un pays que l’UE ne considère pas être complètement démocratique », affirme l’avocat.

« L’atteinte à l’autorité de l’Etat et l’atteinte à l’autorité de l’armée tombent parfaitement dans le cadre des poursuites à caractère politique », indique en outre Me Tirelli, qui spécule que Khaled Nezzar pourrait « demander l’asile politique en affirmant qu’il se sent persécuté et qu’il est poursuivi après avoir protesté contre les tenants actuels du pouvoir ».

En outre, la justice espagnole est supposée automatiquement rejeter l’extradition dans le cas où le général venait à être jugé par contumace, explique l’avocat.

« Il y a des personnes, notamment des Sud-Américains qui sont des assassins totaux et qui ont fait des choses horribles qui n’ont pas été extradées vers leur pays à cause du caractère politique des poursuites à leur encontre », indique par ailleurs Alexandro Maria Tirelli.

L’avocat spécialiste en droit international explique enfin que quand bien même la justice espagnole venait à décider de l’extradition de Khaled Nezzar après une longue procédure d’au moins trois ans, le gouvernement espagnol a la possibilité d’imposer son veto et empêcher son extradition. « L’extradition en Espagne est une procédure double. Il faut d’abord que la justice dans toutes ses instances tranche sur l’aspect juridique, tout ce qui concerne le traité bilatéral, les jurisprudences, etc. Si la justice refuse l’extradition, la décision est irrévocable », indique Me Tirelli.

« Mais si la justice autorise l’extradition, le ministère de la Justice espagnol devra signer lui aussi pour autoriser l’extradition vers l’Algérie. Le gouvernement espagnol dispose donc d’une forme de veto qui pourrait lui permettre de bloquer l’extradition de Nezzar », explique l’avocat spécialisé dans les procédures d’extradition.

Selon Me Tirelli, l’Espagne pourrait motiver une telle décision par opportunité politique. « Si les relations entre l’Algérie et l’Espagne ne sont pas mauvaises, on ne peut pas non plus dire qu’elles sont particulièrement bonnes », estime l’avocat, qui spécule également sur les dispositions prises par Khaled Nezzar avant de quitter le territoire algérien.

« Un général n’est pas un sergent lambda, particulièrement lorsque son intelligence l’a mené à devenir ministre de la Défense et chef d’état-major. Il n’a probablement pas décidé du jour au lendemain de prendre sa valise et partir en Espagne sans rien prévoir », estime Alexandro Maria Tirelli. « Pour l’Espagne également, avoir à sa disposition quelqu’un du profil et carrière du général n’est pas négligeable », conclut l’avocat.

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