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Feux de forêts en Algérie : comment éviter une nouvelle catastrophe

Feux de forêts en Algérie : comment éviter une nouvelle catastrophe

Ahmed Alileche est conservateur divisionnaire au Parc national du Djurdjura (PND).

Il aborde dans cet entretien les préparatifs pour éviter les feux de forêts, comme ceux qui ont endeuillé l’été dernier l’Algérie, faisant de nombreux morts et d’importants dégâts à la faune et à la flore.

 Il évoque une mise en état d’alerte durant toute la période allant du 1er juin au 31 octobre.

 Il parle de l’absence de formation des agents des forêts en matière de lutte anti-incendie et réclame plus de moyens.

L’Algérie a été endeuillée par des feux de forêts meurtriers. Vous êtes en première ligne dans la lutte contre les incendies. Comment les préparatifs pour l’été se déroulent-ils ?

Cette année, il est permis de dire qu’il y a une prise de conscience plus marquée, contrairement à l’an dernier.

Ceci dit, il y a une préparation de la campagne anti-feu par un travail de sensibilisation au niveau des structures pour mobiliser les troupes, c’est-à-dire, les forestiers aussi bien au niveau des conservations des forêts de chaque wilaya que des parcs nationaux, réserves de chasse et centres cynégétiques.

On peut dire que c’est une mise en garde ou un état d’alerte en restant sur le qui-vive durant toute la période allant du 1er juin au 31 octobre prochain.

Cette année, des tournées en compagnie de la Gendarmerie nationale et de la protection civile seront effectuées stratégiquement, en particulier lors des bulletins météo spéciaux (BMS).

 La présence de l’autorité sur le terrain est un moyen très efficace pour dissuader tous les instigateurs de ces feux criminels.

Quelles sont les mesures préventives qu’il faut prendre pour éviter le triste scénario de l’été dernier ?

En matière de mesures entrant dans le dispositif de prévention des feux de forêts (DPFF), outre ces rencontres organisées aussi bien au niveau de la direction générale des forêts (DGF) qu’au niveau local, un travail d’organisation et d’orientation est fignolé par les structures concernées.

Si je commence par le Parc national du Djurdjura (PND), un poster de sensibilisation est en phase d’impression. Il sera prêt dans les tout prochains jours.

Il est structuré de telle sorte qu’il soit crédible, notamment auprès du public, et en particulier auprès des riverains de la forêt.

Il met en avant les mesures de prévention portant sur les décisions étatiques comme l’ouverture de pistes forestière et agricole, leur aménagement, la réalisation de bande de débroussaillement de sécurité (DBS), l’implantation de bouches d’incendies, l’éradication des dépotoirs ou décharges sauvages implantés à la lisière de forêt, l’élagage des arbres à la limite de ces forêts, notamment celles traversées par des routes fréquentées.

Parallèlement à ces mesures qui sont du ressort de l’État, il est recommandé aux citoyens de débroussailler autour des habitations, de s’organiser en comité de vigilance et pourquoi pas en constituer des pompiers volontaires.

Les riverains sont appelés à éviter de pratiquer l’écobuage durant toute la période susmentionnée ou de procéder à la régénération des pâturages par feu, ce qui conduit souvent à des feux qui échappent au contrôle.

Enfin, le poster s’achève par des mesures d’éducation à l’environnement via une signalétique interdisant tout camping en forêt, barbecue, le jet de mégot ou l’emploi de fumigènes dans le milieu forestier.

Près d’un an après les incendies de l’été dernier, quel est l’état de la végétation dans les zones touchées ? Et comment se déroulent l’opération de reboisement ? 

 Un an après le passage de la catastrophe écologique, il y a eu des sorties sur le terrain pour établir le constat et recommander les mesures de réhabilitation et de restauration, des opérations de plantation et de reforestation ont été menées, mais force est de reconnaître que c’est juste un palliatif par rapport aux dégâts engendrés par le « méga feu » de l’été noir 2021.

Le ministère de l’Agriculture a annoncé la suspension de l’exploitation du charbon de bois dans le cadre de la prévention contre les feux de forêts. 

Comment qualifiez-vous cette mesure et dans quelle mesure elle participe au déclenchement des incendies ?

C’est une mesure à saluer vivement. Et comment ! Elle permet de couper l’appétit aux exploitants qui ne pensent qu’au bénéfice. 

D’abord, il y a lieu de préciser que parmi les causes des incendies, on cite entre autres, le déclenchement des feux pour en exploiter le bois incinéré ou brûlé.

Autrement dit, ce sont des feux délibérés à des fins commerciales, mais au détriment de la nature.

Ces prébendiers de la 25e heure ne se soucient guère de la pérennité du capital forestier et de toutes les richesses naturelles.

Cette mesure doit, à mon avis, être accompagnée par l’annulation du principe de l’amodiation où l’on attribue des parcelles de terrain dans le domaine forestier pour utilisation sous contrat.

Ce sont des terrains à vocation forestière, ils doivent le rester ainsi pour barrer la route à ces prétendants qui ne cherchent qu’à tirer profit advienne que pourra avec le domaine forestier national (DFN).

Quelle est l’importance de la prévention dans la lutte contre les feux de forêts ? 

La prévention contre les feux de forêts s’inscrit d’abord dans le cadre des principes du développement durable, notamment le principe de prévention et de précaution, ainsi que, la déclaration signée lors du sommet de Rio de Janeiro au Brésil en 1992, sur la nécessité de gérer et d’exploiter de manière durable cet or vert.

Bien évidemment dans les aires protégées comme les parcs nationaux, la protection de la biodiversité remarquable est une priorité incontestable. 

L’Algérie est un pays à climat chaud, surtout ces derniers temps avec les élévations de température et la réduction des tranches pluviométriques annuelles, suite au changement climatique que connaît le monde, en particulier les pays méditerranéens.

Que faut-il revoir, selon vous, pour éviter la répétition des feux de forêts ?

Le relief accidenté ne facilite pas l’intervention une fois l’incendie déclenché, laquelle contrainte est accentuée par l’insuffisance cruciale en moyens d’intervention qu’ils soient humains ou matériels.

Une remarque de taille mérite d’être mise en exergue est sans nul doute, l’absence de formation des agents des forêts en matière de lutte anti-incendie, l’insuffisance d’agents d’intervention, en particulier dans les parcs nationaux qui assurent la première intervention et restent aux aguets jusqu’à l’extinction des feux tout en observant le piquet d’incendie.

Par ailleurs, il faut signaler la nécessité de renforcer ces effectifs par des saisonniers au niveau des aires protégées et de doter davantage ces structures par des véhicules en nombre suffisant et surtout trouver une solution aux véhicules vétustes et surannés.

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