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Financement des retraites : le gouvernement diffère les solutions impopulaires

Financement des retraites : le gouvernement diffère les solutions impopulaires

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Le rapport entre les importations du pays et le système de retraite national était a priori improbable. Il vient pourtant d’être établi par la loi de finances 2018.

Les services des douanes ont commencé à appliquer, mardi 2 janvier, une taxe de 1% sur chaque opération d’importation. « Il est institué une contribution de solidarité au taux de 1% applicable aux opérations d’importations de marchandises mises à la consommation en Algérie », indique l’article 105 de la Loi de finances, en précisant que « le produit de cette contribution est perçu au profit de la Caisse Nationale des Retraites » (CNR).

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Cette décision est un signal dépourvu d’ambiguïtés. La viabilité financière du système de retraite algérien est clairement menacée à terme par de profonds déséquilibres structurels qui trouvent leur origine dans le fait que les ressources de la CNR ne se développent pas de façon proportionnelle à l’activité économique ; principalement en raison du poids croissant de l’activité informelle. En substance, face à la croissance rapide des prestations, les cotisations ne rentrent pas suffisamment.

Le nombre des retraités en croissance rapide

En 2017,  le système national de retraites concernait près de 3 millions de retraités dont 2,7 millions bénéficient d’une pension tandis qu’environ 300.000 perçoivent seulement une allocation de retraite d’un montant beaucoup plus modeste. Les pensions directes concernent 1,5 million de retraités tandis que 650.000 touchent des pensions de réversion. L’évolution rapide du nombre de retraités est une caractéristique majeure des dernières années. Ils étaient seulement un peu plus de 1,2 million en l’an 2000. Leur effectif s’accroissait  ces dernières années au rythme de près de 150.000 nouveaux retraités par an.

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Des prestations proches de 1.000 milliards de dinars par an

Suivant des chiffres communiqués récemment par le directeur de cette caisse, la CNR verse mensuellement plus de 86 milliards de dinars de pensions. On s’attend donc à ce que le montant des prestations franchisse la barre des 1.000 milliards de dinars (près de 9 milliards de dollars) en 2017. Ces versements ont également été en très forte croissance au cours de la décennie écoulée puisque qu’ils étaient seulement de 200 milliards de dinars en 2005, et d’environ 400 milliards de dinars en 2010.

Les équilibres financiers de la CNR ont connu une première alerte en 2006 et en 2007 avec l’apparition, au cours de ces deux années, des premiers déficits de son histoire. Ces derniers ont été rapidement éliminés grâce à l’augmentation du taux des cotisations porté à cette occasion de 16 à 17%.

Le budget de l’État à la rescousse depuis 2007

Ces premiers déficits ont servi de révélateurs de la fragilité des équilibres financiers du système de retraite algérien et ont conduit, dans le but affirmé d’« assurer sa pérennité à long terme », à la création, par la loi de finances complémentaire 2006, du Fonds national de réserves des retraites (FNRR). Ce dernier est alimenté par une fraction de la fiscalité pétrolière (2%) ainsi que par une fraction des excédents de trésorerie des caisses de sécurité sociale. On estime, au cours des dernières années et depuis la mise en œuvre effective du FNRR, que la viabilité financière du système national de retraite est assurée à hauteur d’environ 20% par la contribution financière du budget de l’État.

Pas assez de cotisants

Les responsables du secteur ne manquent aucune occasion de souligner que le principal défi à moyen terme consiste pour le système national de retraite à « maintenir l’équilibre entre le nombre de retraités et le nombre de cotisants ». Face à des prestations en croissance rapide, le nombre de cotisants, estimé actuellement à près de 7 millions, n’augmente pas au même rythme. En cause, essentiellement, le poids croissant de l’informel qui concerne, suivant les sources, entre trois et quatre millions de travailleurs non déclarés.

C’est dans ce contexte que les partenaires sociaux ont été invités, de façon de plus en plus pressante au cours des dernières années, à réfléchir à une stratégie destinée à renforcer les bases du système national de retraite. « Il faut penser à moyen terme à maintenir ces équilibres financiers. Mais il ne faut surtout pas attendre d’éventuels déséquilibres comme cela se produit dans beaucoup de pays. Il faut être préventif en prenant des décisions en concertation avec les partenaires sociaux », déclarait de façon significative le DG de la CNR.

En 2018, le gouvernement évite les solutions impopulaires

Le souci d’assurer un « bon fonctionnement du système de retraite » s’est ainsi traduit de nouveau par la récente hausse du taux de cotisations des salariés, qui a franchi un nouveau palier en passant de 17% à 18%. Ce n’est cependant encore qu’une première étape. De nombreuses propositions sont désormais sur la table en vue de réviser le dispositif en vigueur. La décision, approuvée par la Tripartite, de supprimer le départ à la retraite sans condition d’âge avait donné le ton. On s’oriente donc désormais clairement, dans les années qui viennent, à l’instar des décisions prises récemment dans de nombreux pays voisins de l’Algérie, vers des « adaptations progressives sur l’âge de départ à la retraite et sur les durées de cotisations ».

Pour l’instant, le gouvernement Ouyahia, qui a certainement tiré les leçons des très vives protestations provoquées par la décision de la Tripartite de 2016, préfère, prudemment, éviter des solutions aussi impopulaires et se tourne plutôt vers ce que les responsables du secteur appellent par euphémisme « la recherche de financements complémentaires ».

Ce sont donc les importations, en passe d’être érigées en véritable « vache à lait », qui sont mises à contribution de façon apparemment indolore dans le but de consolider provisoirement les équilibres financiers de la CNR. Appliquée à une assiette d’environ 45 milliards de dollars, la mesure adoptée par la loi de finances devrait rapporter logiquement près de 450 millions de dollars.

Une décision et un montant de ressources supplémentaires qui ne permettront cependant pas de régler durablement ce que Abdellatif Benachenhou, dans son dernier ouvrage, qualifie de « problème social majeur pour les années 2020, alors même que la perspective des financements budgétaires est aléatoire ».

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