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France et antisémitisme : les musulmans au cœur d’un énorme enjeu

France et antisémitisme : les musulmans au cœur d’un énorme enjeu

Le hasard fait parfois très mal les choses. En France, la coïncidence des élections européennes du 9 juin avec la guerre de Gaza aggrave l’instrumentalisation de l’antisémitisme, sur fond d’attaques contre la communauté immigrée, particulièrement musulmane, qui se retrouve au cœur d’un énorme enjeu.

L’extrême-droite française et les lobbies pro-sionistes se sont retrouvés dans une sorte d’alliance contre-nature face à ce qui est désigné comme l’ennemi commun : l’islam et les musulmans.

Jeudi dernier, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, est venu sur le plateau de deux grandes chaînes de télévision françaises, TF1 et LCI, expliquer aux Français que le massacre que perpètre son armée à Gaza est en fait une guerre de civilisations. Celle de « la civilisation judéo-chrétienne contre la barbarie », c’est-à-dire contre l’islam.

Les musulmans, nouvelle cible de l’extrême-droite et des pro-israéliens

En l’espace de quelques années, particulièrement ces derniers mois, l’équation de l’antisémitisme en Europe et en France est complètement renversée.

Les antisémites d’hier, que sont les courants d’extrême-droite dont font partie le Rassemblement national, sont aux avant-lignes d’une prétendue lutte contre l’antisémitisme en France.

Les Français n’oublient pas que le fondateur du Front national, devenu le Rassemblement national, Jean-Marie Le Pen, a été plusieurs fois condamné par la justice de son pays pour ses propos antisémites assumés, notamment pour avoir qualifié les chambres à gaz nazies pendant la Seconde Guerre mondiale de « détail de l’histoire ».

Guerre des civilisations

Pour Jordan Bardella, l’actuel président du RN, Le Pen, n’était pas antisémite. Hitler lui-même ne l’était pas vraiment à en croire le Premier ministre israélien qui a accusé en octobre dernier l’imam Mohamed Amin Al Hussein, mufti de Jérusalem dans les années 1920 et 1930, d’avoir soufflé à Hitler l’idée de la « solution finale » qui est l’extermination de tous les juifs d’Europe.

Les pourfendeurs des juifs étant devenus les nouveaux alliés du sionisme, c’est incroyablement tout le courant, qui, pendant plusieurs décennies, a pris la défense des juifs en Europe, est aujourd’hui désigné comme « antisémite ».

Il faut dire que l’accusation fuse avec une grande légèreté, particulièrement depuis le début de la guerre de Gaza, il y a huit mois.

En France, les nouveaux « antisémites » sont donc tous ceux qui expriment une sympathie pour le peuple palestinien et dénoncent la colonisation israélienne et les massacres quotidiens, les militants et les dirigeants de La France Insoumise (LFI) en tête.

Si la gauche française a défendu les juifs de l’antisémitisme dans les premières décennies du 20ᵉ siècle, les musulmans, eux, l’ont fait pendant plusieurs siècles et dans tout le monde musulman, de l’Espagne musulmane jusqu’en Asie centrale, comme l’a rappelé le 13 mai dernier, dans un de ses billets, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, qui a dénoncé une « dichotomie entre musulmans et juifs, semée par l’ignorance et malheureusement entretenue par des intérêts malveillants ».

L’antisémitisme : « un problème français ou un problème musulman ? »

Ces « intérêts malveillants » sont, pour le gouvernement israélien, un moyen de justifier les massacres de son armée contre les Palestiniens, tenter de stopper le retournement spectaculaire de l’opinion publique mondiale, de plus en plus pro-palestinienne, et de poursuivre la colonisation des territoires palestiniens sous couvert de la guerre des civilisations.

Pour les courants extrémistes européens, l’objectif est évidemment idéologique, mais aussi et surtout électoraliste.

On parle aujourd’hui en France de la résurgence d’un antisémitisme imputé exclusivement à la communauté musulmane.

Le discours est développé par les lobbies sionistes de France et l’extrême-droite et relayé par des médias qui ont rompu avec l’objectivité.

La réponse cinglante d’une journaliste franco-algérienne sur le plateau de BFMTV

Tant qu’il s’agit d’antisémitisme dans une France encore traumatisée par le souvenir de la Shoah, tous les excès sont permis et l’on assiste à une libération comme jamais des attaques racistes à l’égard des musulmans.

Sur le plateau de BFMTV, mardi, Denis Tugdual, directeur de la rédaction du magazine d’extrême-droite Valeurs Actuelles, a pris un raccourci dangereux, imputant l’antisémitisme en France à une « immigration musulmane, téléguidée, pilotée ».

Présente sur le plateau, la journaliste franco-algérienne, Neila Latrous, n’a pas eu besoin d’invoquer l’histoire lointaine pour démonter l’allégation.

Les Juifs vivent en minorité et en sécurité en ce moment même parmi les musulmans. Les endroits où les juifs sont tranquilles de nos jours sont le Maroc, la Tunisie et Dubaï, rappelle la journaliste qui interroge alors : « Est-ce que c’est un problème français ou un problème musulman ? ».

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