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France : très peu de diversité dans le nouveau gouvernement

France : très peu de diversité dans le nouveau gouvernement

Un mois après sa réélection à la tête de la France, Emmanuel Macron vient d’annoncer la composition de son premier gouvernement. Le casting dévoilé n’a pas tant surpris l’opinion publique ou encore l’opposition, qui s’attendaient à des choix plus audacieux.

Des ministères majeurs détenus par des ministres contestés n’ont pas été modifiés. On pense au ministère de l’Intérieur conservé par Gérald Darmanin et sa politique rigide. Mais aussi à la justice avec le Garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti qui a dû faire face à des méandres judiciaires.

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Ce choix politique semble être stratégique. Et si Emmanuel Macron s’était contenté de nommer un gouvernement de transition avant de découvrir les résultats des élections législatives ? En effet, si le président français perd sa majorité lors de cette étape électorale, il sera contraint de réviser son gouvernement et d’introduire une diversité politique.

Pour l’heure, les choix de ministres ressemblent plus ou moins à sa politique précédente. Les quelques changements surprenants sont surtout des débuts de réponse aux urgences politiques auxquelles Emmanuel Macron n’a pas été capable de répondre durant son précédent mandat.

Transitoire ou non, ce gouvernement incarne une non-rupture avec les années précédentes et surtout ne laisse pas présager de bonnes nouvelles sur la question du travail et du pouvoir d’achat des Français. Mais aussi sur les questions d’immigration et de relations internationales.

Intérieur et frontières toujours autant surveillés par Gérald Darmanin

Le maintien de Gérald Darmanin à ses fonctions de ministre de l’Intérieur envoie un message clair. La politique ferme menée par l’homme politique depuis 2020, devrait se poursuivre. Son profil fait grincer des dents aussi bien au sein de la gauche que dans la macronie.

Gérald Darmanin n’est pas politiquement correct, mais n’a pas peur de se mouiller sur les sujets sensibles comme les expulsions de migrants clandestins dont des Algériens, l’Islam ou les crises sociales. Le ministre n’espère pas l’amour des Français et il est aussi un fidèle d’Emmanuel Macron. Sa place était toute trouvée. Il est aussi une caution pour convaincre l’électorat de droite lors des législatives.

Cette continuité laisse deviner le maintien d’une politique sécuritaire restrictive. Tout d’abord à l’égard des visas octroyés aux étrangers. En ligne de mire, les citoyens du Maghreb en général et de l’Algérie en particulier.

L’an dernier, la France a décidé de réduire de 50% le quota déjà rachitique des visas donnés aux Algériens et aux Marocains. Une sorte de punition pour les deux pays qui refusent de récupérer leurs citoyens en situation irrégulière en France.

L’immigration clandestine est son thème favori, Gérald Darmanin compte bien se concentrer sur les réseaux illégaux d’immigration lors de ce nouveau mandat d’Emmanuel Macron.

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La chasse à l’islamisme sera certainement encore un cheval de bataille. Il y a quelques jours seulement, Gérald Darmanin s’est fermement opposé au port du burkini dans les piscines municipales de Grenoble. On ne change pas une équipe qui gagne.

La politique internationale

Côté diplomatie Emmanuel Macron se sépare de son fidèle ministre Jean-Yves Le Drian. Il avait occupé le Quai d’Orsay durant tout le premier mandat d’Emmanuel Macron et a dû faire face à d’importantes crises internationales. Notamment la montée des tensions entre la France et l’Algérie l’automne, qui a été timidement réglée.

Catherine Colonna, la nouvelle ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, va hériter de ce dossier brûlant. Catherine Colonna, qui était ambassadrice française à Londres, récupère les relations internationales.

Cette chiraquienne est une habituée de la diplomatie. Elle a géré l’ambassade française à Londres au moment de l’épineuse transition du Brexit. Christine Colonna est aguerrie aux affaires politiques, elle été porte-parole de la présidence de la République de mai 1995 à septembre 2004 et ministre déléguée aux Affaires européennes de juin 2005 jusqu’à mai 2007 sous Jacques Chirac.

Mais sera-t-elle à la hauteur sur la politique arabe et africaine de la France ? Elle va devoir aiguiser sa stratégie diplomatique au moment où la France entretient des relations au plus bas avec le Mali, dont elle essaye d’extraire ses militaires.

Côté Algérie, tout reste fragile. La France a vécu durant le premier mandat d’Emmanuel Macron l’une des pires crises diplomatiques avec Alger. Jusqu’à atteindre une quasi-rupture des relations en 2021 après un impair du président français au sujet de l’héritage de la Guerre d’Algérie. Malgré les appels du pied d’Emmanuel Macron à Alger à la fin de son premier quinquennat, les Algériens attendent le chef d’Etat français et Christine Colonna au tournant.

Même si les relations entre Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune sont bonnes et amicales, cela ne prémunit les deux pays d’une nouvelle crise, notamment sur les questions sensibles de la mémoire et des visas. Ces sujets brûlants, qui sont en grande partie à l’origine de la crise de l’automne dernier, restent sur la table.

La locataire du Quai d’Orsay devra également faire face à la crise ukrainienne. Emmanuel Macron a plus ou moins mis un couvert dessus pour se concentrer sur l’élection présidentielle. Mais désormais il faudra se positionner. Un reproche qui est d’ailleurs fait au président français par les Ukrainiens qui ont même inventé le mot « macronete » pour définir une personne qui s’agite beaucoup pour ne rien faire.

Le ministère de l’agriculture prend une nouvelle dimension

La crise en Ukraine ne sera pas seulement diplomatique mais aussi un dossier économique. La guerre que livre la Russie à l’Ukraine a de fortes conséquences sur l’économie française et le pouvoir d’achat des Français. Ce conflit crée une crise du blé internationale, puisque les deux pays en conflit sont le grenier de l’Europe.

C’est pourquoi le ministère de l’Agriculture est transformé en pôle stratégique. Marc Fesneau hérite de ce ministère. Le vice-président du Modem doit assumer un chantier conséquent : renouveler la nouvelle génération d’agriculteurs français.

Un métier en déperdition tant les conditions économiques et de travail sont impossibles à vivre dans ce secteur. Le nombre de suicides et de faillites dans ce milieu ne cessent de croître. Il faudra donc apporter un soutien conséquent aux agriculteurs français. L’objectif est de recouvrer une souveraineté alimentaire pour mettre un terme à une dépendance étrangère sur la question du blé et de l’huile alimentaire.

Un gouvernement toujours aussi peu diversifié

Le président français semble avoir voulu jouer davantage sur la symbolique de la diversité en nommant ce gouvernement.  Il a commencé avec la nomination d’Elisabeth Borne. Première femme à devenir chef de gouvernement depuis 1991. Sa place exceptionnelle de femme à Matignon a été fortement soulignée, peut-être même trop.

Autre nomination marquante, celle de Pap Ndiaye, historien spécialiste d’histoire sociale des Etats-Unis et des minorités au ministère de l’Education. L’historien était également le directeur général du Palais de la Porte dorée où se trouve le Musée national de l’Histoire de l’immigration.

Avec ce type de profil, Emmanuel Macron cherche-t-il à compenser des nominations comme celle de Gérald Darmanin ? L’intellectuel qui hérite de ce ministère est un défenseur de la cause noire et n’a pas hésité à expliquer au Monde en 2017, qu’« il existe bien un racisme structurel en France. »

On pense aussi à la franco-libanaise  Rima Abdul Malak qui hérite du ministère de la Culture. Elle qui était la conseillère de l’ombre d’Emmanuel Macron, hyperactive sur les questions culturelles, est désormais mise en avant. Dans le nouveau gouvernement français, aucun membre n’est originaire de l’Algérie ou du Maghreb, qui compte pourtant la plus forte communauté d’immigrés en France.

Toutefois ces quelques gestes sont une sorte de quota pour rebâtir l’image d’un président qui s’ouvre à la diversité française. Une promesse qu’il avait mise en avant lors de sa première élection en 2017. Sur ce point Emmanuel Macron n’a pas vraiment tenu ses engagements, puisque ses cinq dernières années de présidence il a plutôt laissé de côté les Français issus de la diversité.

En revanche, si l’on découvre des visages issus de différents milieux et origines, la question même de la diversité ne semble pas au cœur des préoccupations d’Emmanuel Macron. Va-t-il nommer à minima un Secrétaire d’État chargé de la diversité ? Le président français va devoir faire plus pour convaincre sur ce thème, d’autant plus après une campagne électorale qui a pris pour cible la diversité culturelle et religieuse au sein de la France.

Ces gestes politiques sont d’autant moins convaincants car ils arrivent avant les législatives, qui on le sait, ne sont pas du tout gagnées d’avance par Emmanuel Macron. L’opinion publique s’attend donc à un grand chamboulement ministériel après l’échéance électorale. Le gouvernement d’Elisabeth Borne est finalement décrédibilisé et  simplement perçu comme une façade politique utile pour remporter des sièges à l’Assemblée Nationale.

 

 

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