L’Algérie ambitionne de rejoindre le groupe des BRICS, qui comprend le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Le vœu a été réitéré à plusieurs reprises par le président de la République Abdelmadjid Tebboune.
Bien que l’Algérie ne dispose pas encore d’un PIB et d’un taux de croissance au niveau des seuils exigés pour adhérer au groupe, elle recèle néanmoins d’atouts qui la rendent « incontournable », selon l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer.
| Lire aussi : Économie : les ambitions de l’Algérie en 2023
Dans une interview accordée à Berbère Télévision, Abderrahmane Hadj Nacer rappelle d’abord que « la matrice algérienne » depuis 1958 c’est le Non-alignement.
Le Non-alignement « a été bâti sur une intelligence de la situation internationale qui été très forte et qui nous a tous imprimés génétiquement », dit-il.
Après l’indépendance, le sous-sol algérien a été confié aux Américains, l’équipement industriel léger aux Européens, l’armement aux Russes et récemment les infrastructures aux Chinois. « C’est une façon d’équilibrer les rapports de force internationaux », explique l’économiste.
| Lire aussi : Accords d’Évian, Russie, France : Tebboune clarifie les choses
Évoquant le projet d’adhésion de l’Algérie aux BRICS, il souligne que « quand vous construisez un nouveau monde, soit vous faites partie de la table des négociations, vous êtes un acteur, ou vous devenez un fruit que se partagent les autres ».
Pour lui, l’Algérie est aujourd’hui « incontournable » pour les BRICS et « elle a son mot à dire », grâce à deux principaux actifs : la transsaharienne (RN1) et l’armée.
La route Transsaharienne ou la Route nationale numéro 1 (RN 1) est contrôlée par des populations algériennes depuis plus de 1000 ans, rappelle-t-il.
Quant à l’armée, c’est aussi « un actif positif » de l’Algérie. « Tout l’argent qui a été mis dans l’armée n’est pas que négatif parce que, en tous les cas, elle donne cette impression ou cette illusion d’être une armée qui maîtrise la technologie et qui maîtrise les territoires », analyse Hadj Nacer.
| Lire aussi : Ukraine, Algérie, gaz : entretien avec Abderrahmane Hadj Nacer
« La preuve, poursuit-il, les armées étrangères qui sont venues se frotter à cette région n’arrivent pas à assurer et à s’installer. L’armée algérienne et les services algériens arrivent à contrôler cette région, ce n’est pas par de la puissance, c’est par une forme d’occupation du terrain dont nous avons hérité comme nous avons hérité du Non-alignement. »
« Au-delà de votre capacité à produire de la richesse, le fait de pouvoir maîtriser cette richesse vous confère une position qu’aucun pays n’a pu prendre », insiste-t-il.
« L’Algérie est un pays pivot »
Pour l’ancien gouverneur de la Banque centrale, « l’Algérie est un pays pivot ». « Après, si on ne se donne pas les moyens d’être un pays pivot, ça c’est une autre affaire », dit-il.
Car, selon lui, l’Algérie n’a pas pris que des bonnes décisions depuis l’indépendance. C’est même « un pays qui n’a pas arrêté de se détruire économiquement ».
L’Algérie aurait dû être aujourd’hui à un revenu de 25 000 dollars par habitant, mais elle en est quasiment au niveau du Maroc qui n’a pas de matières premières, ajoute Hadj Nacer.
« Il n’y a pas d’augmentation de valeur dans le pays mais une destruction de valeur. Toute l’industrie a été détruite pendant les années 1990 », regrette l’économiste.
Dans les années 1980, l’Algérie était considérée par les études du FMI et de la BM comme un pays du Seuil, c’est-à-dire un pays qui a suffisamment accumulé de technologie industrielle et économique pour pouvoir basculer dans l’auto-développement. « Tout cela a été détruit dans les années 1990 », insiste-t-il.
Mais la « destruction » a, semble-t-il, commencé bien avant comme le montre cette décision qui remonte au milieu des années 1980, au moment où il était chargé des équilibres économiques au ministère du Plan.
L’Algérie, rappelle-il, réalisait 200 000 logements par an en moyens propres, 120 000 par le public et 80 000 par le privé. «Nous avons reçu l’ordre de réduire la capacité du public à 60 000 logements », révèle-t-il. L’ordre venait de la présidence de la République, « mais ça ne veut pas dire du président ».
Le motif avancé c’était l’encouragement du privé, mais quelques mois après, « on a donné aux Français l’équivalent de 60 000 logements de contrats publics et sur la base d’un crédit », déplore-il.
« Sous couvert des privatisations on a détruit l’outil de production au profit d’intérêts du privé national qui n’est pas prêt, donc au profit d’intérêts privés extérieurs qui, eux, sont prêts », résume Abderrahmane Hadj Nacer.