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Importation de céramique : opacité et incohérences du gouvernement

Importation de céramique : opacité et incohérences du gouvernement

On croyait que la question était définitivement tranchée. La céramique et même les intrants pour sa fabrication étaient mis dans la sacro-sainte liste des produits interdits à l’importation, car ils sont produits localement en quantité suffisante pour satisfaire le marché local et d’une qualité au moins acceptable.

Mais après huit mois de blocage, le gouvernement fait machine arrière et sort une décision totalement inattendue. Des licences sont de nouveau attribuées pour l’importation de ce produit. Plus d’une centaine d’opérateurs ont obtenu le quitus pour charger de nouveau leurs containers à partir principalement des ports d’Espagne, premier pays fournisseur de l’Algérie en ce produit avant les mesures de limitation des importations.

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L’information, avec force détails, nous l’apprenons justement par le biais d’un journal ibérique, El Mundo, qui fait état aussi du soulagement des opérateurs de ce pays. Le processus d’attribution de ces licences s’est déroulé dans l’opacité totale et n’a pas l’objet de publicité de la part du gouvernement. Les conditions d’attribution et la liste des bénéficiaires restent malheureusement opaques.

Que le marché algérien soit un débouché vital pour les céramistes espagnols n’a rien de nouveau et ce n’est pas là notre sujet. Restons sur cette volte-face du gouvernement dans un contexte où rien ne semble l’y contraindre.

S’agissant d’un produit qui n’a rien de stratégique ni de vital, on est bien en droit de se poser des questions. Surtout que la cause semblait entendue concernant la capacité des opérateurs nationaux à prendre en charge les besoins du pays.

Abdelaziz Zetchi, directeur général des Faïenceries Algériennes, leader national dans le domaine, assurait, il y a quelques jours sur TSA, que ses unités et celles des autres opérateurs étaient bien capables de satisfaire les besoins du marché en céramiques et intrants, et même d’aller à l’export.

Et même le ministre du Commerce, Mohamed Benmeradi, le confirmait solennellement : « Pour les producteurs de céramique, l’État les a protégés parce que nous avons suspendu l’importation de céramique en produits finis (…) Nous avons la preuve que certaines entreprises produisent les intrants ». C’était le 29 janvier dernier, et les licences d’importation de céramique ont été attribuées fin 2017, après huit mois de blocage.

La décision du gouvernement d’octroyer ces licences est d’autant plus incompréhensible que d’autres produits, infiniment plus vitaux et pour lesquels le tissu industriel national n’a pas encore prouvé sa capacité à les produire en quantité et en qualité, sont maintenus dans la case des interdits. On pense notamment à certains produits alimentaires et surtout aux intrants pour la fabrication de médicaments. C’est la crise, dit-on, et il faut bien réduire cette facture des importations qui ronge les réserves de change. Mais la céramique est, semble-t-il, hors de cause.

Autre incohérence dans la décision gouvernementale, la levée de cette interdiction intervient au moment où celle qui est faite aux promoteurs d’utiliser des matériaux importés dans la construction des logements financés par l’État est toujours en vigueur.

Or, l’État est aujourd’hui le premier investisseur dans le domaine du bâtiment avec le logement public dans toutes ses formules (social, AADL, LPP et bientôt LPA), sans oublier les infrastructures publiques (écoles, universités, hôpitaux…).

En l’espace d’un seul mois et partir du seul port de Castellón, dans la région de Valence, les Espagnols ont expédié près de 20.000 tonnes de faïence vers l’Algérie et sur l’année, il faudra ajouter quelques zéros à ce chiffre.

Où seront donc écoulées toutes ces quantités si elles ne trouvent pas leur place dans le logement public ? À moins qu’un recul ne cache un autre avec la levée aussi de l’interdiction d’utilisation des matériaux importés dans les projets étatiques. En attendant, les heureux attributaires des licences peuvent bien en profiter en fixant leurs prix dans un marché délivré de toute concurrence, comme l’ont fait avant eux les importateurs de bananes. Mais ça, c’est une autre histoire…

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