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La « chute » de Saïd Bouteflika en cinq actes

La « chute » de Saïd Bouteflika en cinq actes

Saïd Bouteflika, frère et conseiller de l’ex-président, a été arrêté ainsi que les généraux Toufik et Tartag, samedi 4 mai, par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Comment en est-on arrivé là ? Voici en cinq actes la succession des événements ayant mené à l’arrestation de celui qui était considéré comme la personnalité la plus influente du clan présidentiel.

Acte I – Bouteflika déclare sa candidature pour un 5e mandat

Le 10 février, contre toute attente, le président Bouteflika déclare par une lettre adressée à la Nation son intention de présenter sa candidature et briguer un cinquième mandat. Affaibli par une attaque cérébrale depuis 2013, absent de la scène publique pendant six ans, la candidature du président Bouteflika est vécue avec écœurement par la population, qui vit cet épisode comme un affront.

Des appels à manifester sont lancés de manière anonyme sur les réseaux sociaux, la colère monte. Des manifestations commencent, notamment le 16 février à Kherrata, mais aussi à Jijel et Bordj Bou Arreridj.

Acte II – Début des grandes manifestations populaires

Le 22 février, des centaines de milliers d’Algériens sortent manifester dans les rues partout dans le territoire national. Mais surtout des dizaines de milliers de personnes sortent manifester dans le centre-ville de la capitale, fait inédit à Alger où les rassemblements sont interdits par les autorités depuis 2001.

Les forces de sécurité sont submergées par le nombre de manifestants. Ne pouvant les disperser sans répression, la police laisse les manifestations se dérouler en établissant pour les Algériens un périmètre où manifester, excluant les zones symboliques et stratégiques, comme la présidence de la République.

Les manifestations du 22 février représentent un électrochoc dans l’inconscient collectif. Le mur de la peur de la répression tombe. Les vendredis qui suivent deviendront tous journées de manifestations pacifiques, avec parfois des millions d’Algériens dans les rues.

Acte III – Report de la présidentielle

Le 11 mars, au lendemain de son retour de Suisse où il a séjourné pendant deux semaines à l’hôpital, le président Bouteflika annonce l’annulation des élections prévues le 18 avril et leur report à une date ultérieure non fixée. Il annonce également qu’il ne sera pas candidat pour un cinquième mandat, et qu’une conférence nationale de consensus sera organisée en vue d’établir une nouvelle Constitution et mettre les bases d’une « deuxième République ». Le peuple refuse, les manifestations se poursuivent.

Acte IV – Intervention de l’armée

Après plusieurs semaines de manifestations et des messages contradictoires effectués par le chef d’état-major, l’armée entre en scène de manière directe le 2 avril. Gaïd Salah réunit au siège de l’état-major les hauts responsables de l’armée nationale (commandants de forces, les commandants des régions militaires, le secrétaire général du ministère de la Défense nationale et les chefs des deux départements de l’état-major).

L’armée annonce ce jour-là officiellement ne plus reconnaître l’autorité du président Bouteflika. Gaïd Salah, qui occupe ses fonctions depuis quinze ans dont les six années d’infirmité du président Bouteflika, affirme notamment que les décisions prises par la Présidence émanent « d’entités non constitutionnelles et non habilitées » et évoquant des « complots et les conspirations abjectes, fomentés par une bande qui a fait de la fraude, la malversation et la duplicité sa vocation ».

Il demande l’application immédiate de l’article 102, chose qui sera faite deux heures plus tard. Le président Bouteflika annonce sa démission après près de 20 ans de règne.

Acte V – Enquêtes sur la « corruption » et contre la bande

Le 10 avril, le chef d’état-major de l’armée et vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, annonce que la justice rouvrira l’ensemble des dossiers de corruption et qu’elle travaillera sans « contrainte aucune ». Gaïd Salah indique notamment que les dossiers de corruption ouverts s’étendront à « l’affaire de Khalifa, de Sonatrach et du Boucher et autres dossiers relatifs à la corruption qui ont occasionné des pertes considérables au Trésor public ».

Plusieurs personnalités du monde politique, militaire et des affaires sont convoquées ou arrêtées, à l’image d’Issad Rebrab, des frères Kouninef, d’Ahmed Ouyahia, de Mohamed Loukal, d’Abdelghani Hamel, de Chakib Khelil, ou encore Saïd Bey ou Habib Chentouf.

Athmane Tartage dit Bachir, Mohamed Mediène dit Toufik et Saïd Bouteflika finissent eux aussi arrêtés ce samedi.


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