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L’Algérie opère un retour massif à l’importation des viandes

L’Algérie opère un retour massif à l’importation des viandes

L’Algérie a décidé d’autoriser l’importation massive des viandes blanches et rouges, fraîches et congelées.

 Les importateurs peuvent déposer leurs demandes du 10 au 20 septembre pour obtenir l’autorisation d’importer du ministère de l’Agriculture.

Il s’agit là d’une première dans la mesure où jusqu’à présent la production locale suffisait à la demande.

À ces mesures s’ajoute l’annonce de l’importation prochaine de jeunes bovins à l’engraissement. Les services vétérinaires du ministère sont chargés d’assurer la conformité sanitaire des produits importés.

Algérie : prix élevé de la viande

L’explication de cette décision est à rechercher dans la hausse des prix, celle-ci atteint des records : 2.000 DA le kilo de viande rouge et 500 DA pour le kilo de viande blanche soit 10% du salaire minimum (Smig). Aujourd’hui, pour de nombreux ménages aux revenus modestes, la viande est devenue un produit inabordable.

Ce retour massif aux importations des viandes constitue un aveu d’échec pour une filière qui jusqu’à présent avait fait preuve d’un réel dynamisme.

Cet échec vient s’ajouter à celui de l’ambitieux programme qui visait à relever la moyenne nationale des céréales pour la porter de 17 à 30 quintaux à l’hectare

Cette décision est certes à relier à la sécheresse qui, pendant plusieurs mois, a marqué la campagne agricole. L’absence de pluies printanières a causé le dessèchement de nombreuses parcelles de céréales et de fourrage. Seules les parcelles irriguées ont échappé au dessèchement.

Algérie : l’élevage ovin durement impacté par la sécheresse

Dans les régions steppiques face à la faiblesse des pluies, dès le printemps, les éleveurs de moutons ont alerté les services agricoles et demandé que les parcours mis en repos soient ouverts plus tôt que prévu à la location.

Les parcelles de céréales sinistrées ont très tôt été livrées aux moutons tandis que les plus avancées ont été fauchées et récoltées sous forme de bottes.

La maigre disponibilité en paille a immédiatement fait grimper les prix, la valeur de 5 à 6 bottes de paille atteignant la valeur d’un quintal de blé. L’orge a suivi, son prix a également flambé atteignant jusqu‘à 7.000 Da le quintal. « Même en payant ce prix, on n’en trouve pas », confiaient au printemps des éleveurs à Ennahar TV.

Pour subvenir à leurs besoins, de nombreux agro-pasteurs pratiquent une céréaliculture de subsistance.

À l’automne, d’un passage d’outil ils enfouissent la semence sans apporter ensuite le moindre soin à la culture. Si les pluies de printemps sont généreuses, ils récoltent l’orge pour leur cheptel ; sinon les maigres pousses servent de pâturage. Cette année avec la sécheresse, c’est cette production d’orge en grain qui a manqué sur le marché.

En partenariat avec l’Office national des aliments du bétail (Onab), la société algérienne des viandes  rouges (Alviar) développe progressivement une stratégie de fourniture d’aliments aux éleveurs de moutons contre la vente de leur production aux abattoirs de cette entreprise publique. L’expérience est trop récente pour influencer significativement la production.

La conséquence du manque de fourrage a été la flambée du prix du mouton lors de l’Aïd el Adha.

Quant à la reprise de l’importation de jeunes bovins à l’engraissement, la réussite de la mesure dépend du niveau de subventions publiques accordées aux éleveurs et des capacités de production de fourrages.

La production d’ensilage de maïs irrigué et récolté sous forme de balles enrubannées s’est considérablement développée ces dernières années. En Algérie.

L’engraissement de jeunes bovins implique cependant des moyens matériels et financiers afin de payer les frais de quarantaine en lazaret et le transport des animaux.

Cette pratique demande surtout un large accès à l’eau d’irrigation dans un contexte de sécheresse endémique en Algérie.

Une eau que les services de l’hydraulique tentent de distribuer équitablement entre les besoins des agriculteurs et ceux de l’adduction en eau potable des villes.

Causes multiples en élevage avicole

Ces dernières années, les aviculteurs ont affronté plusieurs crises, dont la mévente lors de la crise du Covid-19, puis la grippe aviaire en début d’année. Le représentant de la filière avicole de Mila indiquait que cette épidémie avait fait passer le cheptel de 300.000 poulets de chair à 50.000.

À cela s’ajoute la chaleur qui décourage une partie des agriculteurs à élever de nouvelles bandes de volailles durant les mois d’été. Ceux qui en élèvent se retrouvent avec d’importantes factures d’électricité. 

« Les ventilateurs fonctionnent sans arrêt », confie à Ennahar l’aviculteur Baadache Benabdou de Batna. En hiver, les poulaillers sont chauffés au gaz.

Un éleveur déclare que les prix des poussins peuvent passer du simple au double du jour au lendemain et ajoute : « il n’y a aucune logique dans ce marché ».

À Bordj Bou Arréridj, Rahim déclare : « On dépense beaucoup, mais il n’y a pas de bénéfice. » 

Beyache, éleveur de dinde de Batna assure qu’ « habituellement, on peut perdre 200.000 DA ou même 400.000 DA. Mais on se rattrape progressivement, aujourd’hui ce n’est plus envisageable. »

En élevage avicole, le poste alimentation représente la charge la plus lourde. Dès les années 1970, l’ONAB s’est engagé exclusivement dans le modèle maïs-soja importé.

La crise ukrainienne a fait flamber leurs prix et remet en cause cette stratégie. Celui du quintal de soja est passé de 5.000 à 12.000 DA et celui du maïs de 3.000 à 6.500 DA. Par absence totale de stratégie de substitution locale, même partielle, les éleveurs algériens se trouvent aujourd’hui pris à la gorge.

À cela s’ajoute des circuits de commercialisation qui n’arrivent pas à réguler les prix. Aussi, de nombreux éleveurs indiquent vendre à perte et qu’à l’avenir dans ces conditions leurs poulaillers resteraient vides.

Bien qu’envisagée, la constitution de réserves de viande de poulet dans des entrepôts frigorifiques tarde à se développer.

À la sécheresse s’ajoutent donc des questions inhérentes à la construction de filières viables avec une répartition équitable de la valeur ajoutée entre producteur de fourrage, élevage, abattoir et commerçants.

Au mois d’août, lors de sa visite d’inspection dans les wilayas d’El Bayadh et Naâma, Abdelhafid Henni, le ministre de l’Agriculture a annoncé l’adoption prochaine de mesures scientifiques concernant l’élevage ovin avec notamment l’utilisation de l’insémination artificielle.

Une technique maîtrisée depuis des dizaines d’années au niveau des stations de l’Institut Technique de l’Élevage (Itelv) mais encore non vulgarisée sur le terrain.

Malgré leur savoir-faire ancestral, nombreux sont les éleveurs algériens qui restent éloignés des techniques modernes d’élevage dont les techniques d’alimentation.

La paille et l’orge en grains constituent l’alimentation de base, mais la ration reste déséquilibrée en azote. Une situation qui provoque une mauvaise utilisation de l’orge importée et donc son gaspillage.

L’élevage avicole est concentré dans de petits élevages de 3.000 à 5.000 poulets, le plus souvent élevés dans des serres transformées en poulaillers. Ces bâtiments non isolés ne permettent d’assurer ni le confort thermique, ni les normes sanitaires requises.

À Naama, Boualem Ahmed, le président de la Chambre d’agriculture, assure des efforts de ses services pour former et conseiller les éleveurs, mais, découragé, il lâche : « Le problème, c’est le coût de l’aliment ».

Que ce soit l’élevage ovin ou avicole, épidémies et manque d’aliment n’ont pas permis de reconstituer le cheptel. La pratique de méthodes anarchiques reste incompatible avec les critères de productivité d’un élevage. Une situation qui rend difficile la production massive de viandes à des prix accessibles.

Finalement, il s’agit d’un manque de vision. L’élevage a longtemps été considéré sous un simple aspect logistique sans se préoccuper de l’organisation des filières. Celles-ci sont encore récentes et se débattent entre représentativité et dotation en moyens.

À ces questions d’organisation des filières viennent se greffer les effets du réchauffement climatique qui touche de plein fouet l’Algérie.

Quelques éleveurs de moutons tentent d’y faire face en développant la culture d’orge germée, en ayant recours à l’hydroponie. L’agriculture découvre la difficulté d’assurer aux consommateurs un approvisionnement en protéines.

Nul doute qu’à l’avenir, avec la baisse et l’irrégularité de la pluviométrie, le modèle algérien de fourniture de protéines à partir de la seule consommation de viande devra être réexaminé.

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