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Le FMI et la Banque mondiale pris à contre-pied par les nouvelles orientations économiques de l’Algérie

Le FMI et la Banque mondiale pris à contre-pied par les nouvelles orientations économiques de l’Algérie

Dans ses réponses aux questions formulées par les députés, Abderrahmane Raouya a confirmé hier que la Loi de finances 2018 tablait sur un taux de croissance de 4 % pour l’année prochaine. Une estimation jugée très optimiste par beaucoup d’observateurs.

Des prévisions optimistes

Selon le ministre des Finances, « la croissance sera portée principalement par le secteur des hydrocarbures, qui connaîtra en 2018 une augmentation sensible par rapport aux dernières années, ainsi que par les secteurs des travaux publics et du commerce dont la croissance sera stimulée par la hausse des dépenses d’équipement qui augmenteront de 60 % par rapport à 2017 ».

Interrogé sur les écarts, qui restent importants, entre ces prévisions et celles du FMI qui tablent encore sur une croissance de 1,6% en 2017 et de moins de 1% pour l’année prochaine, le ministre les a imputés aux « hypothèses baissières » sur les dépenses d’équipement prises en compte par cette institution.

« Il s’agit de prévisions qui peuvent être révisées », a indiqué M. Raouya qui a ajouté que « les experts du Fonds monétaire international, en se référant aux données récentes obtenues concernant la courbe ascendante de l’investissement public pensent à revoir leurs prévisions préliminaires ».

A la fin du mois d’octobre c’est à partir de Washington que le ministre des Finances indiquait, dans le même esprit, que son département prévoyait « des taux de croissance un peu plus élevés » que ceux anticipés par l’institution de Bretton Woods. « Le ministère des Finances et le FMI procéderont à un recoupement de leurs prévisions lors de la prochaine mission du Fonds en Algérie » avait ajouté M. Raouya. Sur ce chapitre, Abderahmane Raouya se montrait très confiant en estimant que « les corrections que le FMI apporte à ses prévisions initiales rejoignent souvent les taux projetés par l’Algérie ».
En réalité, les nouvelles orientations économiques du gouvernement algérien semblent avoir carrément pris à contre-pied les institutions financières internationales dont les analyses et les prévisions, publiées à la veille des réunions de cet automne, s’inscrivent encore dans la trajectoire d’ajustement budgétaire 2016-2019 qui prévoyait un plafonnement des dépenses publiques au cours des trois prochaines années.

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Quand le FMI trouvait que l’Algérie allait trop vite

C’est ainsi que la Banque Mondiale pronostiquait encore au mois d’octobre dernier, en se basant clairement sur l’hypothèse de la poursuite de l’ajustement budgétaire, que « la croissance devrait accuser un ralentissement au second semestre de 2017 et en 2018 à mesure que les mesures d’assainissement des finances auront des effets ».

En conséquence, « la croissance du PIB devrait s’établir à 2,2 % pour l’année 2017 et peinera à franchir la barre de 2 % en 2018-2019 ». Des prévisions qui ne prennent manifestement pas en compte le virage économique estival et l’augmentation massive des dépenses publiques prévues par la Loi de finances 2018.

La confiance de M. Raouya ne devrait pas être déçue et son pronostic concernant le rapprochement des prévisions du FMI et du gouvernement algérien devrait certainement se vérifier.
D’autant plus qu’en juin dernier, la principale conclusion de la mission du FMI en déplacement à Alger avait surpris plus d’un observateur. « Trop abrupte », disaient les experts venus de Washington à propos de la stratégie de réduction à moyen terme des déficits algériens.

Pour le FMI, il était « important d’éviter une réduction trop abrupte du déficit des finances publiques, pour atténuer le risque d’un très fort ralentissement de la croissance ». De l’avis de la mission, l’Algérie pouvait se permettre « d’engager un redressement un peu plus progressif des finances publiques que ne le prévoit le budget à moyen terme actuel ».
Les choses étaient donc bien claires et la conclusion assez paradoxale du point de vue des analyses produites couramment dans notre pays à propos des recommandations du FMI. Les experts venus de Washington trouvaient que le gouvernement algérien allait « trop vite » dans la réduction des déficits aussi bien du budget de l’État que du compte courant extérieur et qu’il devait privilégier une démarche plus progressive dans le but de ne pas pénaliser la croissance économique hors hydrocarbures.
Le gouvernement algérien, qui justifie le hausse « exceptionnelle » des dépenses publiques prévue par la Loi de finances 2018 ainsi que le financement monétaire du déficit qui en résulte par la nécessité de « sauver la croissance » peut donc légitimement se réclamer de ces analyses.

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Les « marges de manœuvres », selon le FMI

Mais c’est ici que s’arrête la « convergence » de vue entre le gouvernement et le FMI . Les solutions recommandées par le Fonds monétaire international sont en effet d’une toute autre nature que celles qui ont été retenues par les autorités algériennes depuis l’été dernier.
Pour le FMI, l’Algérie dispose de « marges de manœuvre » qui lui permettent d’adopter une démarche moins risquée pour la croissance..= Quelles sont ces marges de manœuvre ? Les experts du FMI les désignent explicitement. Le gouvernement algérien devrait « prendre en considération une gamme plus large d’options de financement, y compris les emprunts extérieurs et la cession d’actifs publics ».
Le FMI recommandait donc clairement de poursuivre et d’amplifier la démarche amorcée en 2016 qui a conduit à l’émission, en interne, d’un premier emprunt d’État et à l’obtention , en décembre 2016, d’un prêt de 1 milliard de dollars auprès de la Banque Africaine de Développement.

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Aligner le dinar sur la « situation fondamentale de l’économie »

S’ils trouvaient que le gouvernement devrait ralentir sa démarche très ambitieuse de réduction des déficits, les experts du FMI se montraient en revanche plus que sceptiques à propos d’une gestion de la monnaie nationale qui a conduit, depuis Juin 2016, à stabiliser complètement la valeur du dinar par rapport au dollar.
« Les politiques monétaire, financière et de change devront soutenir l’ajustement. La poursuite des efforts en vue d’aligner le dinar sur la situation fondamentale de l’économie, combinée à des mesures visant à la résorption du marché des changes parallèle, favoriserait l’ajustement budgétaire et extérieur ».

C’est clair : pour les experts du FMI, il faut poursuivre la dévaluation du dinar qui avait été entamée en 2015 et interrompue en juin 2016 en coûtant leur poste au tandem Benkhalfa –Laksaci .

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Une réaction très attendue du FMI sur l’option de la planche à billet

On le sait maintenant, sur les deux questions fondamentales du recours à l’endettement extérieur et de la gestion de la monnaie nationale, les options retenues par les autorités algériennes depuis plus d’une année sont aux antipodes des recommandations du FMI.
Quel jugement la mission du Fonds monétaire, qui sera à pied d’oeuvre à Alger au cours des prochains jours , portera-t-elle sur le gonflement des dépenses publiques et le recours à la planche à billet à propos desquels on n’a pour l’instant enregistré aucune réaction officielle de ces institutions ?

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« Il ne faut certainement pas s’attendre à un clash ou des déclarations spectaculaires », commente un haut fonctionnaire algérien. Mais on a sans doute eu un avant goût des réactions probables du FMI à travers les déclarations récentes, et impromptues , du directeur du département Moyen-Orient du Fonds monétaire international qui a critiqué le recours au financement non conventionnel pour faire face à la crise financière.
«Toutes les expériences dans le monde ont montré que le recours au financement non conventionnel n’est pas la meilleure solution», a déclaré Jihad Azour, lors d’une conférence de presse tenue à Rabat sur les perspectives économiques pour la région MENA.

En réponse à une question sur le choix de l’Algérie d’aller vers l’option de « la planche à billets », le responsable du FMI a estimé que « le financement du déficit budgétaire à travers le financement non conventionnel n’a pas apporté de solutions dans beaucoup de pays, mais bien au contraire, elle a eu un sérieux impact sur les réserves de la Banque centrale et sur le taux d’inflation. Il existe d’autres mécanismes et de meilleures voies sans impact négatif et garantissant plus d’indépendance à la Banque centrale ».

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