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Le général Gaïd Salah face à l’urgence de la solution politique

Le général Gaïd Salah face à l’urgence de la solution politique

Le système ce ne sont pas des hommes et des femmes. Sinon d’Ahmed Benbella à Abdelkader Bensalah l’Algérie aurait bien évolué. Pourtant, les présidents qui se sont succédé à la tête de l’État ne sont pas les clones les uns des autres. Chacun a eu son style, ses courtisans et ses obligés mais rien n’a changé. Bien au contraire : les choses n’ont fait que se dégrader.

Le système, celui dont la rue demande le départ en prenant à témoin la terre entière, ce sont les pratiques. Celle qui, de Benbella à Bensalah, persistent et se perpétuent. Ces pratiques qui ont concrètement privé le peuple de ses droits consacrés en théorie.

Le slogan « yatnahaw ga3 » ne doit pas être perçu simplement comme un cri de vengeance contre des individus qui ont joui jusqu’à l’overdose du régime de Bouteflika. Ce n’est pas un appel à « arracher » des personnes de leurs fonctions comme on arrache des mauvaises herbes dans un champ de fleurs. Ce qu’il faut arracher ce sont les racines et que sont-elles sinon ces actes qui ont permis l’émergence d’hommes et de femmes qui permettent au système de se reproduire !

De voir se succéder Ali Haddad, les frères Kouninef et Issab Rebrab aurait réjoui les Algériens si les procédures avaient été déclenchées il y a quelques mois. Mais qu’elles surviennent au cœur d’une crise politique éveille la méfiance plutôt qu’un légitime sentiment de satisfaction.

Le pays est en présence d’un président par intérim décrié et d’un gouvernement qui se voit tous les jours infliger des désaveux quand un ministre a l’audace de se rendre sur le terrain. Seul le vice-ministre de la Défense est entendu. Qu’il se drape de formalisme juridique pour se prémunir contre des soupçons de coup d’État et se cache derrière la Constitution ne l’empêche pas d’être perçu comme le « décideur ».

Si ses interventions sont désormais attendues avec autant d’anxiété que d’espoir ce n’est pas en raison d’une aura miraculeuse qui jaillit de son être. C’est simplement en raison de son appartenance à l’Armée nationale populaire (ANP) dont il est le chef de l’état-major. Et le porte-parole. Sa parole engage le commandement et les centaines de milliers d’officiers et de djounoud qui la composent.

Si le général Gaïd Salah a accru ses pouvoirs parallèlement au déclin de la santé de Bouteflika durant le 4e mandat où il a été son parapluie, il est aujourd’hui en première ligne face à la rue qui lui demande de mettre en œuvre une solution politique. Bensalah ne fait même pas l’effet d’un leurre. Le fiasco de ses consultations qui n’ont pas même pas attiré les « mouwallate », ces parties qui applaudissent tout ce qui vient du pouvoir, en est une démonstration. L’élection présidentielle du 4 juillet n’attire même pas des candidats burlesques. La classe politique dans son ensemble est vent debout contre ce projet.

Une cascade de procès pour corruption ne constitue pas un programme politique même si les procédures visent des suspects largement honnis. Cela risque d’être pris comme une opération de règlements de comptes, d’autant plus que la mise en branle de la machine judiciaire est frappée du sceau de la confusion sur ces conditions.

La population observe d’ailleurs avec une extrême attention la liste des « présumés coupables » pour s’assurer qu’elle n’est pas très sélective. Gaid-Salah lui-même avait désigné une « bande » ayant pour chef un faussaire en la personne de Saïd Bouteflika. Pour l’instant, rien n’indique qu’il est visé. En tout cas, le climat de bouillonnement qui s’est emparé de la rue ne plaide pas au bénéfice d’une justice sereine. Les foules qui se pressent devant les tribunaux pour demander vengeance ne sont pas le bon signe de cette démocratie dont on rêve.

En annonçant la réouverture des dossiers de corruption le chef de l’état-major avait franchi une ligne. Sans doute avait-il besoin d’offrir des gages au peuple auquel il a promis la satisfaction de toutes ses revendications. Mais le peuple veut le départ du système et cela passe par une solution politique qu’il faut se hâter de mettre en place. Un consensus se dessine en faveur d’une transition avec une présidence collégiale.

Si le mouvement est handicapé par son caractère horizontal qui le prive de désigner ses représentants le pays ne manque pas de personnalités qualifiées pour jouer ce rôle. À condition qu’elles ne soient pas soumises à des pressions susceptibles de provoquer leur effacement. Il faut relégitimer au plus vite le pouvoir politique pour espérer une justice sereine et une remise en marche de la machine économique qui va bientôt donner ses signes d’essoufflement. La croyance populaire proclamant que « tout retard est un bon présage » est à oublier. Plus que jamais le temps compte.

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