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Le gouvernement Ouyahia reporte les mesures d’économies à l’après-2019

Après la montée au créneau ces derniers jours des « techniciens » de l’équipe Ouyahia, il apparaît de plus en plus clairement qu’au cours des 18 mois qui nous séparent en principe…

Le gouvernement Ouyahia reporte les mesures d’économies à l’après-2019
Sidali Djarboub / NEWPRESS
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Après la montée au créneau ces derniers jours des « techniciens » de l’équipe Ouyahia, il apparaît de plus en plus clairement qu’au cours des 18 mois qui nous séparent en principe des élections présidentielles d’avril 2019, l’agenda politique du gouvernement va bousculer le programme et les engagements économiques affichés par le plan d’action en cours d’adoption par le Parlement .

Beaucoup d’observateurs pressentaient que dans le « cycle politique »  qui s’achève en 2019, les contraintes qui s’imposent au  gouvernement Ouyahia dans le but de le pousser à faire preuve de discipline budgétaire et financière risquent de s’estomper devant l’urgence des échéances électorales. C’est malheureusement ce que semblent indiquer les premières décisions économiques de l’Exécutif pour la fin de l’année 2017 et les informations qui ont commencé à filtrer sur le contenu du projet de Loi de finances pour 2018 .

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Les « techniciens » à la rescousse

Tout le monde a bien remarqué qu’au cours des premières semaines du parcours d’adoption du plan d’action du gouvernement, Ahmed Ouyahia a été en première ligne et qu’il a même bénéficié, sans doute volontairement, d’ une sorte de monopole de la parole gouvernementale.

Depuis la fin de la semaine dernière, les choses dans ce domaine semblent avoir un peu changé et on a assisté à une prise de relais par des ministres  « techniques » du gouvernement ainsi que par des hauts fonctionnaires qui sont venus apporter de l’eau au moulin du Premier ministre. C’est ainsi que, successivement, le ministre des Finances, le directeur général du Trésor et un vice-gouverneur de la Banque d’Algérie sont intervenus pour la première fois dans le débat public à propos du « financement non conventionnel ».

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La Banque d’Algérie sort de son silence  

En sortant d’un silence pesant de près d’un mois sur un sujet qui les concerne au plus haut point, ces trois institutions ont cherché, on s’en doute, d’abord à rassurer.

« Le financement non conventionnel ne devrait pas se répercuter par une explosion de l’inflation, a affirmé, mardi 26 septembre, Saïd Maherzi, vice-gouverneur de la Banque d’Algérie devant la commission des finances de l’APN. Pour ce haut fonctionnaire, « les risques inflationnistes associés au financement non conventionnel sont maîtrisables et même très maîtrisables ».

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Le lendemain, le ministre des Finances tentait de convaincre les mêmes membres de la Commission des finances de l’APN sur la volonté du gouvernement de mettre en place « des garde-fous » à même d’éviter d’éventuels effets secondaires de la planche à billets. « Une commission de contrôle et de suivi devrait être créée bientôt et sera placée auprès du ministère des Finances. Le contrôle de la mise en œuvre se fera à travers le suivi de critères de performance », a expliqué Abderrahmane Raouya

Enfin, jeudi dernier, c’était au tour du directeur général du Trésor, Fayçal Tadinit, d’ indiquer que « le financement non conventionnel est une technique financière connue qui a fait ses preuves dans certaines circonstances ». « La conjoncture actuelle nous impose d’aller vers ce type de financement », a-t-il ajouté.

Rien de nouveau sur la situation financière du pays

Ce qu’on était en droit d’attendre de l’intervention de ces « techniciens » de l’économie, ce n’est pas seulement des propos rassurants mais d’abord des éclaircissements sur la situation financière de notre pays décrite, depuis quelques semaines, sous les couleurs les plus sombres par le Premier ministre.

C’est d’ailleurs la première question qu’ont posée à ces trois responsables les membres de la Commission des Finances de l’APN .

Ils ont obtenu quelques réponses mais pas toutes celles qu’on pouvait attendre. Le ministre des Finances a confirmé un pronostic largement partagé en expliquant que le réserves de change baisseraient probablement à 97 milliards de dollars à la fin de l’année. Quand au vice-gouverneur de la Banque d’Algérie, il a renvoyé les députés au prochains rapports de conjoncture de la banque centrale (qu’on attend maintenant depuis 18 mois) et qui feront, selon M. Said Maherzi, « le point sur la situation financière du pays en 2016 et jusqu’à septembre 2017 ».

Finalement les informations les plus précises ont été données par le directeur général du Trésor qui a commencé par réviser en hausse les besoins de financements de l’État pour 2017 en les évaluant à « 570 milliards de dinars » alors que l’exposé des motifs de l’amendement à la Loi sur la monnaie et le crédit, rendu public deux jours plus tôt, annonçait un chiffre de « seulement » 500 milliards de dinars .

Le directeur général du Trésor a cependant laissé les députés et les spécialistes sur leur faim en n’annonçant rien de nouveau sur le déficit réel du budget de l’État  pour l’année en cours.  M. Tadinit s’est contenté de rappeler dans ce domaine « les prévisions de la Loi de finances pour 2017 qui ont fixé ce déficit à 1.113 milliards de dinars ».

Les conditions pour une maîtrise de l’inflation

S’ils ne nous ont pas beaucoup renseignés sur la situation exacte de nos finances publiques, nos hauts fonctionnaires n’ont en revanche pas été avares d’explications sur les raisons pour lesquelles, selon eux, le recours au financement non conventionnel ne provoquera pas de dérapage inflationniste.

Sur ce chapitre, C’est Said Maherzi qui a été le plus disert. Selon le vice-gouverneur de la Banque d’Algérie, le plan d’action du gouvernement prévoit une série de mesures, entre-autres budgétaires, qui « garantissent un plafonnement des dépenses publiques, une rationalisation des subventions et une croissance soutenue de la fiscalité ordinaire ».

Cette politique devrait conduire « d’une part, à accroître le PIB hors hydrocarbures, et donc absorber la demande qui sera induite par l’accroissement de la masse monétaire et, d’autre part, à réduire graduellement le recours, par le Trésor, aux prêts directs de la BA du fait de la rationalisation budgétaire qui sera traduite par une baisse des dépenses à terme, a-t-il expliqué aux députés ».

Les mêmes explications sont données par le directeur général du Trésor pour ce qui est des conditions qui doivent être réunies pour assurer le bon déroulement de l’opération financement non conventionnel. M. Tadinit a ainsi affirmé que « la maîtrise des dépenses publiques est la meilleure voie pour maîtriser ce financement ».

Les explications de ces deux hauts fonctionnaires sont donc parfaitement claires, c’est la « maîtrise », voire la « réduction des dépenses publiques » ainsi que la « rationalisation des subventions » qui permettront d’écarter le risque d’un dérapage de l’inflation.

Ces analyses sont d’ailleurs complètement en ligne avec le texte du plan d’action du gouvernement lui-même qui précise en toutes lettres que « des financements non conventionnels seront mis en œuvre à titre exceptionnel. En parallèle, l’État poursuivra sa feuille de route pour la rationalisation des dépenses publiques en vue de la restauration de l’équilibre budgétaire dans un délai de cinq années. Conduites ensemble, ces deux démarches écarteront le risque de toute dérive inflationniste ».

Une  loi de finance 2018 qui relance les dépenses budgétaires

Le problème, c’est que les premières informations disponibles sur le projet de Loi de finances pour 2018 ne semblent pas du tout s’inscrire dans une démarche de maîtrise et encore moins de réduction des dépenses budgétaires. Elles ne traduisent  pas non plus de volonté évidente de rationalisation des subventions. En prévoyant notamment de porter les dépenses budgétaires à près de 7.500 milliards de dinars contre 6.800 milliards en 2017, le gouvernement remet totalement en cause la démarche de plafonnement des dépenses prévue par la trajectoire triennale 2016-2019 qui avait pourtant été adoptée par le Parlement l’année dernière. Un tel niveau de dépense implique également un gonflement très probable du déficit budgétaire en 2018.

La « rationalisation des subventions » ne devrait pas être non plus au rendez-vous de la prochaine Loi de finances en dehors d’une augmentation symbolique et sans impact financier significatif de la fiscalité sur les carburants. On parle dans ce domaine d’une augmentation de 3 dinars tandis que les tarifs de l’électricité et de l’eau devraient rester inchangés.

Primauté de l’agenda politique

De telles décisions, prises à 18 mois des élections présidentielles, paraissent également annoncer la couleur de ce que sera, selon toute vraisemblance,  la Loi de finances 2019, qui interviendra à 6 mois de cette échéance politique importante. Tout se passe comme si le gouvernement faisait exactement le contraire de ce qu’il dit.

Le scénario qui se mets en place sous nos yeux est donc de plus en plus clairement celui d’une primauté de l’agenda politique qui ouvre une parenthèse de 2 ans en renvoyant « à terme », c’est-à-dire à l’après-2019, la politique de lutte contre les déficits et la rationalisation des subventions.

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