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Le hirak retrouve sa vigueur, les avocats entrent en scène

Le hirak retrouve sa vigueur, les avocats entrent en scène

Le hirak populaire est-il en train de retrouver toute sa vigueur et ses soutiens des premières semaines, lorsque la rue et de nombreuses corporations avaient fait cause commune quarante jours durant pour faire partir le président Bouteflika ? On est bien tenté de le croire au vu des développements de ces derniers jours.

Dans les semaines qui avaient suivi les premières marches du 22 février, beaucoup de corporations avaient rejoint, individuellement ou sous l’égide d’organisations professionnelles, l’élan populaire. Le ralliement le plus remarquable était celui des juges, sortis dans toutes les grandes villes pour dire leur soulagement d’avoir enfin été « libérés » par le hirak.

On se souvient de cette scène impensable quelques semaines plutôt, lorsque le blogueur Merzoug Touati, fraichement sorti de prison, avait reconnu parmi les juges qui observaient un sit-in à Béjaïa, celui qui le condamna à sept ans de prison ferme.

Plusieurs semaines durant, le mouvement populaire avait pu compter sur le soutien de nombreuses corporations, dont certaines étaient de véritables béquilles pour le régime, comme les journalistes de la presse publique, avec comme résultat un immense acquis avec le renoncement du président Bouteflika au cinquième mandat, puis sa démission le 2 avril.

Les avocats avaient aussi multiplié sit-in et rassemblements dans différentes villes du pays. Même les recteurs de certaines universités avaient défié la tutelle en refusant, en mars, d’appliquer la décision de mettre prématurément en vacances les étudiants qui commençaient à s’imposer comme la véritable locomotive du hirak.

Timide réaction des magistrats

Mais dès le début de l’été, la mobilisation a commencé à faiblir progressivement et les différentes corporations retourneront tour à tour à la docilité qu’on leur connaissait ces vingt dernières années. Seuls les étudiants resteront dans la rue, continuant à manifester sans discontinuer pendant trente-quatre mardis.

Les juges qui se félicitaient en mars d’être enfin libres, n’ont pas tenu leur engagement. Ils multiplient depuis juin les placements en détention provisoire de manifestants, notamment ceux arrêtés avec un drapeau amazigh, un fait, dénoncent unanimement les juristes, qui n’est puni par aucune loi.

Leur syndicat, le SNM, qui avait pourtant changé de tête dans la foulée du soulèvement populaire, ne dira rien, jusqu’au 20 septembre, lorsque son président Issad Mebrouk, a fait publiquement ce constat : « Un aperçu objectif de la situation de la magistrature montre l’absence de la volonté politique pour concrétiser le principe de la séparation des pouvoirs, ce qui a fait que le travail de la justice est instable, en fonction des conditions liées à chaque période ».

Ce plaidoyer pour l’indépendance de la justice avait coïncidé avec le retour progressif en force de la mobilisation populaire, entamé dès la rentrée. Au fil des vendredis, les rues du centre d’Alger renouerons avec les démonstrations de force du début du hirak, jusqu’à ce trente-quatrième acte où, de l’avis de tous, la mobilisation était impressionnante. Le mouvement populaire a retrouvé sa vigueur au moment où les contraintes se multiplient, comme le blocage des accès à la capitale, la répression comme cela s’est passé avec la trente-troisième marche des étudiants, la multiplication des incarcérations, notamment d’activistes du hirak et les premières condamnations à des peines sévères. La semaine passée, un manifestant a été condamné à Constantine à une année de prison ferme et un activiste qui a tenté d’empêcher l’installation la commission locale de l’Autorité électorale à Djelfa a écopé de la même peine.

Les avocats entrent en scène

Simultanément, le hirak retrouve, tout aussi progressivement, ses soutiens. Certes, le SNM ne s’est pas de nouveau exprimé après sa sortie du 20 septembre, pas même lorsque le militant politique Karim Tabbou est reconduit en prison 24 heures après sa remise en liberté par un juge, dans un épisode qui n’a pas encore livré tous ses secrets, mais une autre corporation du secteur, celle des avocats, multiplie les initiatives en faveur du hirak.

Lundi 7 octobre, le collectif de défense des détenus a tenu une conférence de presse pour dénoncer les multiples atteintes aux libertés et aux principes du droit, notamment le recours systématique à la détention provisoire. Ce samedi 12 octobre l’Union nationale des ordres des avocats (UNOA), a annoncé une action retentissante : une marche nationale à Alger le 24 octobre.

Dans son communiqué, l’UNOA dénonce tour à tour les « dépassements et entraves à l’encontre de la liberté d’expression, de la liberté de manifester et de la liberté de circulation », « les arrestations opérées parmi les manifestants pacifiques » et le projet de loi sur les hydrocarbures « qui suscite la polémique et qui ne doit être tranché qu’une fois un gouvernement légitime mis en place et non pas par ce gouvernement chargé des affaires courantes ».

La montée au créneau des journalistes de la radio

Il est certes dans l’ordre des choses que les avocats s’élèvent contre les atteintes aux libertés, mais la sortie de ce samedi constitue un véritable changement de cap de la corporation quand on sait qu’elle a accepté de désigner des représentants dans les commissions locales de l’Autorité électorale, sauf dans les wilayas de Tizi-Ouzou, Béjaïa et Bouira où les robes noires multiplient les actions, parfois de rue, depuis plusieurs semaines.

Ça commence aussi à bouger du côté des journalistes du secteur public. Parmi tous les médias étatiques, seule la Chaîne III assurait jusque-là la couverture des marches avec un professionnalisme remarqué. Mais le 8 octobre, ce sont les journalistes de toutes les chaînes de la Radio nationale qui ont enfin réagi à la « résurgence de la censure dans le traitement de l’information ».

« Les couvertures des événements liés au mouvement populaire sont scrupuleusement surveillées, écoutées, les papiers diffusés, sont repris, censurés. Notre radio n’est la chasse gardée d’aucun pouvoir, mais au service public exclusif », ont-ils dénoncé dans un communiqué qui n’est pas sans rappeler leurs sit-in et autres montées au créneau au début du hirak.

Tout comme les actions contre les commissions locales de l’autorité électorale et les bureaux des élections rappellent la même période, lorsque, entre deux vendredis, les citoyens chahutaient les visites de ministres et autres hauts responsables. Reste à savoir quel acquis sera cette fois au bout.

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