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Législatives du 12 juin : les candidates « sans visage » de retour

Législatives du 12 juin : les candidates « sans visage » de retour

La campagne électorale pour les élections législatives du 12 juin prochain a démarré officiellement ce jeudi 20 mai. Les Algériens sont appelés aux urnes pour choisir les futurs députés de l’APN.

La nouveauté cette année, c’est la présence en force des candidats issus de la jeunesse, pour la plupart sur des listes indépendantes, à la faveur de la nouvelle orientation des autorités politiques du pays.

Une échéance législative est en principe l’occasion pour la confrontation des idées et des programmes, l’enjeu étant de constituer une majorité parlementaire de laquelle devrait être issu le gouvernement qui gérera les affaires du pays et dessinera sa politique. Cela pour la théorie.

| Lire aussi : Ce que les législatives vont coûter à l’État

Sur le terrain, on ne sait pas de quoi sera faite la campagne qui devrait durer trois semaines. Pour le moment, c’est l’excentricité de certains candidats qui fait le bonheur des réseaux sociaux.

On note notamment le retour en force du phénomène des candidates « sans visage ». Ces candidates dont la photo n’apparait pas sur les affiches de campagne, que ce soit celles destinées aux espaces publics d’affichage où celles diffusées à travers les médias et les réseaux sociaux.

On parle de retour, car le phénomène n’est pas nouveau. En 2017 déjà, de nombreuses futures parlementaires avaient rechigné à monter leur visage à ceux qui sont censés leur donner leur voix et les élire. Et ce n’était pas des cas isolés.

Le phénomène avait pris une telle ampleur qu’il avait suscité une vive réaction de l’instance électorale de l’époque, la Haute instance indépendante de surveillance des élections (Hiise).

Il n’y a pas de doute que les candidates qui avaient fait le choix de ne pas se montrer aux électeurs avaient agi par conservatisme, mais il n’a échappé à personne que des cases sans photo étaient visibles sur les listes de la majorité des partis politiques.

Même certains de la mouvance démocratique n’y avaient pas échappé. C’était par exemple le cas de la liste du Front des forces socialistes (FFS) dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj.

Dans cette wilaya particulièrement, des mises en demeure avaient été adressées par la Hiise aux partis politiques pour changer d’affiches sous 48 heures.

L’instance avait dénoncé des « dépassements dangereux et contraire aux lois », une « atteinte à l’image de ces femmes qui se portent candidates pour représenter le peuple », et estimé que le citoyen avait « le droit de connaître la personne à qui il donne sa voix ».

On ne sait pas si l’Autorité électorale indépendante (Anie) de Mohamed Chorfi va réagir comme l’avait la défunte HIISE. Pour le moment, elle ne l’a pas encore fait.

« Les féminicides ont un lien direct avec ce genre d’affiches »

En tout cas, quatre ans plus tard, la leçon ne semble pas avoir été retenue. Au premier jour de la campagne, les affiches sans visage foisonnent déjà sur les pages des candidats sur les réseaux sociaux.

En attendant leur affichage dans la rue sur les espaces réservés à cet effet, ce qui, sans doute, ne tarderait pas à se faire. Même si le visage des candidates n’apparait pas, leur voile islamique est bien visible.

Avec les techniques de Photoshop, on procède à l’effacement du visage pour le remplacer par une sorte de halo blanc, tout en laissant le hidjab islamique.

En 2017, les internautes avaient poussé la dérision jusqu’à qualifier les candidates ainsi floutées de « saintes » dont on ne peut reproduire ou montrer le visage, rappelant que, dans l’Islam, un tel interdit ne concerne que le Prophète, ses compagnons et les prophètes des autres religions monothéistes.

Sur les réseaux sociaux, le slogan officiel « Fais entendre ta voix » avait été remplacé par l’expression sarcastique « Montre ton visage ».

La dérision et l’ironie ne manqueront sans doute pas dans les prochains jours tant le phénomène est aussi très visible à l’occasion des législatives de cette année.

En attendant ce que trouveront les Algériens pour remplacer le très officiel « Tu veux le changement, appose ton empreinte », certains soulignent déjà la gravité de la situation.

C’est le cas de l’actrice Adila Bendimerad qui n’hésite pas à faire le parallèle entre ces affiches sans visages et ce qui vient de se passer à Bordj Badji Mokhtar où dix enseignantes se sont fait agresser et violer. L’actrice pousse un véritable coup de gueule. Pour elle, « ce qui s’est passé avec les dix enseignantes a un lien direct avec ce genre d’affiches » qui « répondent à la même logique ».

« Comment utiliser des femmes pour se satisfaire (ici pour se présenter aux élections tout en respectant les quotas exigés). Comment ensuite les effacer et renier leur existence une fois qu’on a eu ce qu’on voulait. Et on se donne ce droit car la femme n’est pas tout à fait un être humain comme un homme. La preuve, elle n’a pas besoin de visage », écrit-elle sur sa page Facebook.

« Ce genre d’affiches découle de la même origine et du même processus de penser que les féminicides qui explosent tous les records cette année, les violences physiques et morales que subissent les femmes ici TOUS les jours, les viols, la chape de plomb mise sur ces sujets au niveau institutionnel comme au niveau de la société. Le féminicide, le viol, c’est le résultat DIRECT de tout cela », conclut l’actrice.

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