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« L’enseignement de tamazight se fait d’une manière décousue »

« L’enseignement de tamazight se fait d’une manière décousue »

Si El Hachemi Assad, secrétaire général du Haut-Commissariat à l'Amazighité (HCA)

ENTRETIEN. Si El Hachemi Assad est Secrétaire général du Haut-Commissariat à l’Amazighité (HCA). Le HCA, qui est placé sous l’autorité de la Présidence de la République, célèbre ce mois de mai, le 22e anniversaire de sa création

L’Algérie célèbre cette année le centenaire de la naissance de l’écrivain et anthropologue Mouloud Mammeri. Quelles sont les principales actions retenues ?

Les festivités ont été lancées en février 2017 pour se poursuivre durant toute l’année. Le contenu se décline sur treize manifestations organisées dans plusieurs régions du pays, accompagnées de projets comme le financement d’une classe virtuelle pour l’enseignement de tamazight et d’un dictionnaire en ligne. Nous préparons un colloque international sur l’œuvre et le parcours de Mouloud Mammeri qui aura lieu du 3 au 5 novembre 2017 à l’occasion du Salon international du livre d’Alger (Sila) avec des participants qui viendront de quatre continents. Nous organisons des rencontres comme celles d’Oran sur l’adaptation des œuvres de Mammeri au cinéma (qui a eu lieu les 13 et 14 mai, ndlr). Nous essayons d’impliquer l’université pour contribuer au programme du centenaire. Les rencontres thématiques abordent Mammeri dans sa dimension universelle multiple (anthropologique, linguistique, littéraire).

Vous avez également prévu de rééditer et de traduire les oeuvres de Mammeri ?

C’est un programme tracé avec le ministère de la Culture en respectant les droits d’auteurs. Les éditions Dar El Othmania d’Alger ont les droits de réédition. Nous allons vers l’édition d’un coffret contenant toutes les œuvres majeures de Mammeri. Des œuvres qui seront traduites en tamazight. Nous souhaitons avoir l’apport des autres partenaires pour traduire les œuvres en langue arabe aussi.

Le 28 décembre 2017, une cérémonie d’oblitération d’un timbre dédié à Mouloud Mammeri sera organisée à Alger (l’écrivain est né le 28 décembre 1917). La valeur du timbre sera de 50 dinars. Le HCA a pris l’initiative aussi d’ouvrir un site internet dédié à l’auteur de « La colline oubliée ». Les internautes peuvent y trouver des contributions de beaucoup d’auteurs et d’universitaires, des photos inédites et des capsules vidéo. Le portail se décline en trois langues (tamazight, arabe et français). En fin d’année, ce site deviendra le premier portail destiné à l’amazighité avec Mammeri comme icône.

Mouloud Mammeri est-il assez connu par les nouvelles générations ?

C’est justement le message que nous transmettons à nos partenaires de l’Éducation nationale. Il est retenu l’idée de créer un cours dédié à Mouloud Mammeri dans les établissements scolaires des 48 wilayas. Le ministère de l’Éducation proposera une formule en ce sens. Nous cherchons à inciter les scolaires à lire les livres de Mammeri mais aussi toutes les œuvres majeures de la littérature algérienne.

Quelles sont les principales activités du HCA actuellement ?

2017 est une année exceptionnelle pour nous. Notre programme doit s’adapter à la nouvelle donne constitutionnelle, tamazight langue officielle. Il va falloir renforcer la présence du HCA sur le terrain, encadrer des sorties d’études d’universitaires dans plusieurs régions comme Taghit, Tabelbala, Tinzaouatine, etc. Il s’agit d’un travail de collecte relatif à la langue.

Les dix-sept objectifs du millénaire du développement durable ont été traduits en tamazight. Nous avons également traduit la Charte universelle des droits de l’Homme et celle relative aux droits de l’enfant.

Nous proposons l’amendement de plusieurs textes pour mieux situer la place de tamazight. Il s’agit, entre autres, de la loi d’orientation de l’éducation nationale, la loi d’orientation de la recherche scientifique et les textes relatifs à la toponymie. Sous l’autorité de la chefferie du gouvernement, nous voulons élaborer un avant-projet de loi organique qui va situer le rôle du HCA et sa relation avec la future Académie de la langue amazighe, créée par la Constitution amendée en 2016.

Qu’en est-il de la généralisation de tamazight dans les institutions publiques ?

Nous allons bientôt assurer des formations à la carte pour les agents des institutions publiques comme les greffiers et les fonctionnaires de la Caisse de la retraite et la Cnas. Le but est de consacrer l’usage de tamazight dans les institutions d’une manière graduelle. Nous voulons inscrire dans le système de formation du secteur de la justice des modules en tamazight. Nous allons aussi lancer des projets à destination d’institutions politiques comme l’APN. Un élu du peuple peut intervenir en targui, par exemple.

Avez-vous fait un bilan de l’enseignement de tamazight ?

Depuis l’arrivée de Mme Benghebrit, il y a une nouvelle dynamique entre le HCA et le ministère de l’Éducation. Des avancées sont constatées que ce soit pour le nombre d’enseignants ou pour celui des apprenants. Cela dit, nous ne sommes pas satisfaits. Il y a un enseignement qui n’est pas cohérent. L’enseignement de tamazight se fait d’une manière décousue. L’installation d’une commission mixte entre le HCA et le ministère de l’Éducation permettra d’élaborer un programme consensuel de généralisation graduelle de tamazight. Il est anormal de recruter des enseignants pour le pallier moyen alors qu’il faut mettre l’effort sur le primaire. L’enseignement de tamazight doit être consolidé dans le pré-scolaire. Les postes budgétaires dégagés pour l’enseignement de tamazight doivent être prioritairement être orientés vers le primaire et le pré-scolaire. Il faut également adapter les textes juridiques qui encadrent cet enseignement. Il y a également un effort à faire sur la formation continue des 2040 enseignants de tamazight.

Et quel est le nombre des apprenants ?

Ils sont 233.000 dans les classes de Tamazight. Nous travaillons sur un projet avec les wilayas concernées par l’enseignement de tamazight pour faire une étude statistique. À la création du HCA en 1995, une des missions principales qui lui ont été retenues est d’introduire tamazight dans les programmes scolaires. Nous avons dépassé cet objectif, nous sommes en phase de consolidation de cet enseignement à l’école. Au pallier primaire, la variante locale de tamazight est enseignée. Dans le manuel scolaire adapté par le ministère de l’Éducation nationale, les variantes sont prises en charge avec l’usage des trois graphies (arabe, tiffinagh et latine). L’enseignant a la liberté de choisir la graphie qu’il veut. La polygraphie est, à mon sens, une réalité d’étape. Il arrivera le jour où l’on doit trancher sur ces questions, ça sera l’un des rôles de la future Académie de tamazight.

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