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Les céréaliers victimes des pluies de juin réclament plus d’argent

Les céréaliers victimes des pluies de juin réclament plus d’argent

Fin septembre à Annaba et Tarf, l’heure était aux indemnisations des agriculteurs suite aux dégâts occasionnés aux champs de blé par les intempéries.

Des agriculteurs ont fait état de leur désaccord quant aux montants fixés par les pouvoirs publics. C’est le cas à Annaba où la directrice des services agricoles a été dépêchée à la rencontre de céréaliers. Seule femme présente dans la foule des protestataires, elle a fait preuve d’un grand sens des responsabilités.

Il y avait foule le 25 septembre devant la Coopérative des céréales et des légumes secs (CCLS) d’El Hadjar (Annaba). Une centaine d’agriculteurs avaient tenu à exprimer leur mécontentement à propos du montant des indemnisations accordées suite aux pluies tardives du mois de juin et la germination des grains sur pied qui avait suivi.

Une germination rendant la récolte impropre à toute utilisation en boulangerie et la déclassant comme blé fourrager.

Blé : les céréaliers impactés par les pluies de juin en colère

La chaîne Hippone News a relaté la scène et donné la parole aux différents protagonistes. Partout des groupes d’agriculteurs particulièrement remontés discutaient entre eux. On a pu entendre leur mécontentement : « Comment, on nous propose seulement une indemnisation de 4.000 DA par quintal de blé, cela ne couvre pas les frais engagés ».

Pour rappel, le prix d’achat est fixé à 6.000 DA le quintal de blé propre à la consommation. Un autre agriculteur menace : « Qu’ils nous payent ! J’ai 89 hectares, mais dans ces conditions l’année prochaine, je ne sèmerais pas de blé ».

Près de lui, un autre agriculteur ajoute : « Ils n’ont qu’à ramener du blé dans des bateaux et qu’ils ne comptent plus sur nous ». Un autre évoque le risque de confiance rompue vis-à-vis de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC).

Un autre céréalier reprend et fait état des factures des camions qui ont transporté en juillet le grain depuis leur exploitation jusqu’aux silos de la CCLS et les surcoûts liés à l’attente durant plusieurs jours devant des grilles fermées en attente d’une décision de la tutelle.

Plus loin, un agriculteur s’entretient avec un des responsables locaux. Celui-ci, chemisette blanche impeccable, bras croisés, écoute d’un air stoïque les récriminations de l’agriculteur.

Devant la caméra d’Hippone News, chacun exprime son désarroi. Abdellah Kraimia, représentant local de la filière céréales intervient : « Au nom des agriculteurs présents et non présents, je fais savoir qu’ils refusent le montant des indemnisations. On demande à être payé sur la base de 6.000 DA le quintal ».

Un agriculteur ajoute : « 4.000 DA, cela ne paye pas les dégâts et le blé couché au sol par les inondations de juin. Le rendement habituel de 50 quintaux n’a été que de 10 quintaux cette année. Si l’État veut nous aider, qu’il nous paye 6.000 DA ! Ainsi, on n’aura pas besoin d’un report des échéances de remboursement de nos prêts ».

Pour un des frères Kraimia, un important producteur de tomates de conserve, il s’agit de préserver le revenu des agriculteurs : « Le montant des indemnités ne nous convient pas, surtout pour les petits agriculteurs. Ils doivent faire face aux dépenses pour leurs enfants en ces temps de rentrée scolaire : uniforme, chaussures et livres exigés par les instituteurs. Par ailleurs, nous n’avons pas été payés pour nos livraisons de tomates et voilà que le problème se pose maintenant pour le blé. On refuse un montant de 4.000 DA, on souhaite être payé. Que l’État nous aide ».

Le dépit est d’autant plus grand que certains agriculteurs comme Azzedine Barkani produisent des semences de blé et s’attendaient donc à recevoir 2.000 DA en plus des 6.000 DA le quintal.

Un agriculteur harangue la foule des agriculteurs et exprime le refus du montant des indemnisations fixées par les pouvoirs publics.

À quelques mètres, dans un tailleur de couleur noire, la directrice des services agricoles se prépare pour prendre la parole. Celle-ci s’est déplacée sur les lieux à la demande du wali.

À ses côtés, sont présents Saci Abadliya, président de la Chambre d’agriculture, le représentant de la section locale de l’Union nationale des paysans algériens (Unpa), celui de la CCLS et Abdallah Kraimia.

Devant la foule des agriculteurs et dans un brouhaha permanent, elle réussit à se faire entendre et à détailler les mesures prises par l’administration.

Elle décline ses fonctions et précise qu’elle est présente sur les lieux à la demande du wali. En préambule, elle rappelle que le blé en question n’est pas conforme.

D’une voix ferme, elle répète : « Ce blé n’est pas conforme. Il aurait dû être refusé ». Elle rappelle qu’au mois de juillet dernier, la commission désignée pour le suivi de ce dossier a décidé « pour ne pas léser les agriculteurs » que ce blé soit réceptionné par la CCLS d’El-Hadjar et stocké sous des hangars spécifiques afin « de permettre une traçabilité » des lots impropres à la consommation et pour tenir compte des intérêts des agriculteurs.

Elle précise qu’en parallèle des réunions ont eu lieu au niveau du ministère afin d’étudier les modalités d’une indemnisation des céréaliers dont les champs de blé ont été impactés par les pluies.

À ce moment précis, le puissant klaxon d’un camion passant à proximité des agriculteurs rassemblés se fait entendre. Sans être déstabilisée, elle poursuit : « L’Onab [Office national des aliments du bétail] s’engage à acheter ce blé au prix de 2.500 DA le quintal. Et en plus, le fonds des calamités agricoles s’engage à verser 1.500 DA par quintal ce qui représente au total 4.000 DA ».

Seule femme dans cette assemblée d’hommes, elle poursuit : « Des mesures ont été prises en faveur des agriculteurs de 14 wilayas affectés par la sécheresse et les inondations ».

Et pesant ses mots elle rappelle : « Le ministère a décidé, et je le dis bien pour la première fois, comme mesure de soutien la gratuité des semences et des engrais pour la prochaine campagne de semis ».

Malgré le bruit, elle poursuit : « Et en plus, j’insiste, concernant les agriculteurs qui ont contracté des emprunts, nous avons décidé aujourd’hui de contacter la direction générale de la banque de l’agriculture afin d’accorder la possibilité du report des échéances de remboursement ». Une échéance de remboursement normalement fixée au 30 septembre de chaque année.

À ses côtés, le président de la Chambre d’agriculture se penche vers elle et lui souffle quelques mots, ce à quoi elle ajoute : « La situation de chaque agriculteur sera étudiée au cas par cas ».

Dans la foule, un agriculteur émet une objection. D’un geste d’apaisement de la main, elle signifie qu’elle désire pouvoir poursuivre son propos. De son côté Saci Abadliya fait de même. Elle argumente : « Ces mesures émanent du ministère et visent à aider les agriculteurs ».

Avant de terminer, elle ajoute que les doléances des agriculteurs feront l’objet d’un rapport envoyé au ministre de l’Agriculture et au wali.

Profitant de l’occasion, la directrice des services agricoles tient à expliquer la cause du retard de paiement des subventions accordées aux producteurs de tomates de conserves (4 DA par kilo).

Elle précise souhaiter « apporter des informations dans la plus grande clarté et n’avoir rien à cacher. Le retard de paiement est lié au passage de la gestion des subventions entre l’Onilev [Office national interprofessionnel des légumes et des viandes] et les services agricoles de wilaya. Un paiement auparavant assuré par la Banque agricole ». Un passage qui s’est traduit par une insuffisance momentanée de l’enveloppe financière.

Afin de se faire comprendre des agriculteurs présents, la directrice choisit de mentionner le montant des sommes tant en dinars qu’en centimes. Elle rappelle ainsi que : « L’année passée, il a été recensé 382 agriculteurs en contrat avec 16 conserveries. Ce qui correspond à une somme d’un milliard et 37 millions DA à distribuer aux producteurs. En avril 2023, nous avons reçu 460 millions de DA soit 4,6 milliards de centimes ce qui est insuffisant pour assurer les subventions aux 382 agriculteurs concernés ».

Elle rappelle ensuite que sur les 16 conserveries, 6 se situent au niveau de la wilaya de Tarf et 10 en dehors.

Puis elle poursuit : « Qu’avons-nous fait au niveau de nos services en coordination avec le précédent wali ? Il nous a été donné comme instruction de payer le maximum d’agriculteurs. Nous avons donc fait le tour des 6 conserveries de la wilaya où nous avons recensé 245 agriculteurs que nous avons payé avec les 46 milliards de centimes dont nous disposions. Mais plus d’une centaine d’agriculteurs n’ont encore rien reçu ».

D’un ton pédagogique, elle poursuit : « Par la suite il nous a été attribué une enveloppe de 11 milliards de centimes qui est insuffisante pour couvrir les 137 milliards de centimes dus aux agriculteurs ».

À nouveau, elle prend l’auditoire à témoin : « Donc qu’avons-nous fait ? Nous avions une réunion le 3 septembre au niveau du ministère. Il nous a été donné l’instruction de mobiliser les fonds non encore utilisés au niveau des différentes filières et de les injecter dans la filière tomate. Nous sommes arrivés à mobiliser 22 milliards de centimes ce qui nous reste insuffisant puisqu’il est nécessaire de régler encore 59 milliards de centimes. Donc qu’avons-nous fait avec les dix conserveries en dehors de la wilaya ? Messieurs, nous avons tenu compte de l’ordre d’arrivée des bordereaux d’envois reçus. Cela a concerné 46 agriculteurs, il reste 88 agriculteurs qui n’ont pas encore été payés. En parallèle, nous avons demandé un crédit de rattachement pour assurer les besoins de la filière tomate de conserve ».

Tout cela est dit d’une seule traite et dans l’assistance chacun prend note. Puis à nouveau de cette voix forte et assurée, elle assène : « Au-delà des subventions liées à la tomate de conserve, sachez que nous devons également tenir compte des subventions à attribuer aux producteurs de lait, aux bénéficiaires de matériel agricole et aux producteurs d’ensilage. Il s’agit également d’agriculteurs qui doivent être payés. Au niveau de la wilaya d’El Tarf, nous avons défendu les droits des agriculteurs. Mais nous avons travaillé avec les enveloppes financières dont nous disposions ».

Dérèglement climatique et arcanes de l’administration

Ce sont donc des méandres du fonctionnement administratif qui sont la cause des retards de paiement dans le cas de la filière tomate. Concernant les céréales, il s’agit du dérèglement climatique mais les services techniques auront à proposer des variétés mieux adaptées.

Force est de constater également l’effort financier des services agricoles afin d’assurer la réussite de la prochaines campagne de semis.

Quant à la directrice des services agricoles de la wilaya d’El Tarf, elle a fait part d’un rare sang-froid et de sa parfaite maîtrise des dossiers face à un auditoire peu acquis à sa cause.

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