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Libération des détenus du Hirak : apaisement ou mesure conjoncturelle ?

Libération des détenus du Hirak : apaisement ou mesure conjoncturelle ?

 Les Algériens commémorent ce lundi 22 février le deuxième anniversaire du déclenchement du Hirak, dans un contexte politique marqué par la décision du président Tebboune de gracier des détenus d’opinion.

Plusieurs  détenus du Hirak ont été libérés en effet par vagues successives pendant le week-end. En annonçant jeudi la mesure de grâce pour les condamnés définitivement et la remise en liberté de ceux dont les affaires sont en cours d’instruction, le président Abdelmadjid Tebboune avait clairement signifié que les concernés seraient chez eux « ce soir ou demain ».

L’expiration de l’échéance signifie-t-elle la fin des libérations et que ceux qui n’ont pas été touchés vendredi et samedi devront purger le reste de leur peine ou attendre derrière les barreaux la programmation de leur procès ? On n’en sait rien à ce stade. Le ministère de la Justice, qui a fourni un premier bilan vendredi 19 février en annonçant la libération de 33 détenus, est depuis resté silencieux.

Juste que, ce dimanche, premier jour ouvrable de la semaine, les annonces se font au compte-gouttes. Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), qui suit la situation des détenus d’opinion, a fait état, jusqu’à 17 h, d’un seul détenu libéré à Bordj Bou Arreridj « après étude de la demande de liberté provisoire ».

Il reste qu’une grande partie de ceux qui étaient considérés par l’opinion publique comme des détenus d’opinion ont retrouvé la liberté, notamment les plus connus, Brahim Laalami, Khaled Drareni, Rachid Nekkaz, Dalila Touat et d’autres.

En plus de s’interroger si l’opération a pris fin ou non, beaucoup se demandent surtout dans quelle case la classer, et c’est là l’essentiel. S’agit-il d’une mesure conjoncturelle rendue nécessaire par la perspective du retour des marches du Hirak, ou de l’expression d’une nouvelle voie choisie par le pouvoir dans le traitement de la crise politique ?

En d’autres termes, sommes-nous enfin devant l’apaisement réclamé par tous comme préalable à tout engagement dans quelque processus ? C’est la question fondamentale. Il s’agit d’avoir la garantie, par la force de la loi, que cela ne se reproduise plus.

« Les pouvoirs publics doivent saisir cette opportunité pour mettre en place toutes les conditions légales pour que la privation de liberté pour l’expression d’une opinion ne se reproduise plus dans notre pays. Il appartient à l’État de veiller à la préservation du droit du citoyen à la liberté et à la dignité ». La réaction émane d’Abdelaziz Rahabi, ancien ministre et diplomate.

Éviter le scénario du 2 janvier 2020

La remise en liberté de détenus, ce n’est en effet pas la première fois que cela arrive sans pour autant empêcher le retour des arrestations, des condamnations d’activistes, des atteintes multiformes aux libertés.

Les acteurs du Hirak et les défenseurs des droits humains ont eu en tête la remise en liberté de près de 80 détenus d’un coup, le 2 janvier 2020. Le geste a été pris pour le début d’un réel apaisement, d’autant plus qu’il survenait deux semaines après la prestation de serment du nouveau président de la République. Mais la suite est connue de tous.

Une année après, on comptait à peu près le même nombre de détenus d’opinion. D’autres activistes, et même des journalistes comme Khaled Drareni, ont été arrêtés entretemps, certains condamnés à de lourdes peines.

Pendant toute l’année 2020, marquée par la pandémie de Covid-19 et la suspension des manifestations populaires, on n’a pas assisté à un fléchissement de l’attitude des autorités vis-à-vis de la contestation populaire.

C’est peut-être pourquoi l’annonce présidentielle de jeudi dernier est accueillie, certes avec de l’espoir par certains, mais avec une certaine prudence par d’autres.

Les plus optimistes y voient carrément l’opportunité pour un nouveau départ. Car le changement est encore possible, estime par exemple la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme.

Pour Rahabi ce « geste d’apaisement attendu du Président de la République » « donne l’espoir d’une perspective d’ouverture politique plus large ».

À condition que ce soit là l’intention du pouvoir dont l’agenda politique, institutionnel et électoral qu’il met en œuvre depuis plus d’une année peut bien a priori s’accompagner et s’accommoder d’une ouverture, dans une sorte de compromis salvateur, à défaut de répondre à la revendication d’un changement radical et immédiat. En somme, assister au même scénario de l’année passée c’est tourner en rond indéfiniment et ce ne sera pas au profit de l’Algérie.

 

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