search-form-close
Licences d’importation d’aliments de bétail : des importateurs pris au piège, menace de pénurie

Licences d’importation d’aliments de bétail : des importateurs pris au piège, menace de pénurie

L’Algérie n’est pas encore à l’abri d’une pénurie d’aliments de bétail et de volaille. La délivrance, il y a plus d’une semaine, des licences d’importation des tourteaux de soja, de l’orge et d’autres produits nécessaires à la fabrication de l’alimentation animale n’a rien réglé, finalement. L’Office national des aliments de bétail (Onab), plus grand bénéficiaire des licences, n’a pu lancé la procédure d’importation. Son appel d’offres a été déclaré infructueux jeudi.

| LIRE AUSSI : Le gouvernement délivre les licences d’importation des aliments de bétail, les opérateurs publics privilégiés

Dans le même temps, des bateaux chargés d’aliments pour animaux sont en rade dans plusieurs ports du pays, faute d’autorisation pour les décharger. L’un des plus grands importateurs algériens de ces produits, qui n’a pas obtenu de licences, met en garde : « La pénurie n’est pas encore là mais la situation est critique », assure-t-il, sous couvert de l’anonymat. Cet importateur a quatre bateaux chargés de maïs et de soja, en rade depuis plus d’un mois. « Le prix de ces aliments transportés par ces quatre navires avoisine les 40 millions de dollars. Nous payons aussi 20.000 dollars quotidiennement comme frais de mobilisation pour chaque bateau », précise-t-il.

Un autre grand importateur, le groupe Boudiab, est dans la même situation. Lui aussi, il attend une autorisation pour décharger ses deux bateaux de maïs (40.000 tonnes le premier et 35.000 tonnes le second) et son bateau de soja (de 40.000 tonnes), en rade. Un deuxième bateau chargé de 40.000 tonnes de soja devrait arriver incessamment en Algérie, selon Samir Boudiab, l’un des actionnaires du groupe. « La marchandise de ces quatre bateaux vaut environ 41 millions de dollars. Nous dépensons en moyenne 18.000 dollars par jour et par navire comme frais de mobilisation sachant que le premier bateau est en Algérie depuis le 19 mai. Donc cela fait 30 jours », précise cet opérateur qui rappelle que le maïs et le soja sont des « produits périssables ». « Au-delà de trois mois, on perd la marchandise », prévient-il.

Pressions des fournisseurs

De plus, le groupe subit actuellement les pressions et menaces des fournisseurs. « Si la situation ne sera pas débloquée dans une semaine, les fournisseurs seront obligés de reprendre la marchandise et la revendre ailleurs avant de nous envoyer des factures de plus de deux millions de dollars par bateau pour les dommages causés », poursuit Samir Boudiab. Ces deux importateurs disent avoir été pris au piège. Jusqu’à mars, les opérateurs du secteur ignoraient tout de l’instauration imminente des licences d’importation pour les aliments de bétail et de volaille. « Les responsables du ministère de l’Agriculture nous disaient que ces produits ne seront pas soumis à des licences. Donc nous avons continué à acheter sur le marché international. Et cela ne se fait pas à la dernière minute mais trois ou quatre mois à l’avance », explique le premier importateur interrogé.

Des contrats ont été donc signés pour approvisionner le marché local durant la période allant du mois de mai au mois d’août. Un communiqué du ministère du Commerce annonçant l’instauration des licences d’importation a été publié début avril. Les bateaux des deux grands importateurs algériens d’aliments de bétail se sont retrouvés du coup bloqués. Ces opérateurs devaient déposer des dossiers pour obtenir des licences. « Nous n’avons pas obtenu de licences (vu qu’ils avaient déjà importé de l’aliment de bétail depuis le début de l’année, NDLR) et les bateaux sont restés en rade durant 15 jours. Nous avons alors sollicité tous les responsables. Nous avons pu convaincre le Premier ministre (Abdelmalek Sellal) qui a donné une directive pour régler le problème. C’est ce qui s’est fait entre le 1er et 17 avril », raconte notre interlocuteur.

Avantager l’Onab

Sauf que d’autres bateaux sont arrivés après cette date. Un nouveau gouvernement a été nommé après l’installation de l’Assemblée populaire nationale (APN). « Nous avons écrit et envoyé (des courriers) à tout le monde en évoquant notamment le désarroi des importateurs et des éleveurs, et le risque de pénurie totale », explique notre source, qui juge injuste la répartition des licences décidée par le gouvernement. « On a donné des licences à l’Onab et des petits importateurs privés seulement. L’un d’eux a obtenu une licence pour 4500 tonnes et a proposé de me la vendre », dénonce cet opérateur qui dit employer 400 personnes.

Pour lui, les autorités veulent « avantager » l’Office national des aliments de bétail (Onab) qui importait par exemple seulement 150.000 tonnes de maïs. « Cette fois-ci on lui a donné à lui seul une licence d’importation d’un million de tonnes. L’office a fait un appel d’offres international pour un bateau de maïs et un bateau de soja. Il a été infructueux. Même pour acheter, ils ont besoin de deux à trois mois », poursuit l’importateur.

« Aujourd’hui, j’ai des infrastructures logistiques qui sont à l’arrêt, on est en train de réfléchir à comment libérer 400 employés. J’ai des engagements avec des banques auxquelles je ne pourrai pas faire face parce que mes clients ne m’ont pas payé », regrette-t-il.

De son côté, Samir Boudiab reste confiant. Le responsable du groupe éponyme a rencontré les ministres de l’Agriculture et du Commerce. Ce dernier « lui a promis de régler le problème dans les meilleurs délais », selon lui. « Les deux importateurs ont dit au ministère du Commerce que l’Onab n’a pas les moyens d’importer les quantités dont il a bénéficiées. Le directeur de l’Onab a été convoqué jeudi au ministère du Commerce et a montré que son Office était capable d’importer les quantités qu’il a lui même demandées« , explique une source proche du dossier. Désormais, l’affaire embarrasse le gouvernement qui doit trouver rapidement une solution pour éviter une grave pénurie d’aliments de bétail.

Interrogé, le chargé de communication du ministère du Commerce a assuré que les problèmes rencontrés par ces opérateurs seront solutionnés. « (Ces opérateurs) doivent se déplacer au niveau du ministère du Commerce ou des directions de commerce des wilayas avec leurs contrats (prouvant que la transaction a eu lieu avant l’instauration des licences, NDLR). Ils pourront ensuite décharger leurs marchandises », affirme Samir Meftah.

  • Les derniers articles

close