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Lutte contre le coronavirus en Algérie : les spécialistes font le bilan

Lutte contre le coronavirus en Algérie : les spécialistes font le bilan

Le 12 mars dernier, l’Algérie enregistrait son premier décès du Covid-19. Un mois après, quel bilan ? Les mesures prises pour enrayer la propagation de l’épidémie ont-elles été suffisantes ?

Le professeur Mustapha Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem), considère qu’il y a deux éléments positifs dans les mesures qui ont été prises depuis le 12 mars dernier.

« Toutes les mesures édictées (confinement, fermeture des établissements scolaires et universitaires, arrêt des transports publics, confinement des personnes venant de l’étranger, le confinement partiel…), ont pour la plupart d’entre elles été anticipées. Au vu de ce qui s’est passé en Europe, je pense que ces mesures ont été positives. Je dirai que c’est un élément important parce qu’on voit l’évolution de la courbe, aujourd’hui on aurait eu, si les choses étaient laissées à elles-mêmes, des courbes plus élevées à l’image de l’Espagne », soutient le Pr Khiati.

« Il y a des éléments positifs »

Le deuxième élément important, ajoute-t-il, « est la mise en place d’un protocole de traitement contre le Covid-19 à base d’hydroxychloroquine et Zithromax ». Preuve de l’efficacité de ce traitement : le nombre des personnes guéries et qui sont sorties de l’hôpital. « Je pense que ce taux va augmenter dans les prochains jours d’une façon très importante. D’autant que nous avons, d’après les chiffres officiels, moins d’une cinquantaine de personnes sous assistance respiratoire. Si l’on prend les séries qui ont été publiées par le Pr Didier Raoult à Marseille avec 1 000 cas ou les séries chinoises, rien ne dit que ce ne sera pas la même évolution et donc ce sera du positif », remarque le président de la Forem.

Cependant, le Pr Khiati soutient que le point noir de cette évolution « qui aurait pu être meilleure » réside dans le nombre « insuffisant » des tests. « Si on augmente les analyses cela nous permettra de dépister un nombre beaucoup plus important de porteurs dits sains du Covid-19 et qui consistent aujourd’hui des facteurs d’extension du virus et donc d’entretien de la contamination », souligne-t-il.

Selon lui, ces personnes (porteurs sains) sont également soumises au protocole de traitement, car « en arrêtant la charge virale chez eux on les stérilise en quelque sorte ».

Le président de la Forem estime qu’augmenter le nombre de tests est bien plus important que de procéder au confinement total des villes qui reste plus difficile à faire.

« Mais je pense que ça commence à se faire d’autant que le ministère de la Santé a validé les tests rapides. Avec cette technique qui permet de diagnostiquer en un quart d’heure à 20 minutes, si les personnes sont confirmées positives, elles sont rapidement confinées et on commence le traitement », note Pr Khiati.

« Il y a des éléments positifs dans l’évolution de la situation épidémiologique mais il ne faut pas se laisser piéger par l’autosatisfaction », prévient le président de la Forem. « La Chine malgré le fait qu’il n’y a pas eu de cas enregistrés à Wuhan depuis une dizaine de jours, craint une nouvelle vague de l’épidémie parce qu’il y a toujours des porteurs du virus. Si on lâche les mesures barrières on assistera à une évolution négative. Il faut être toujours très vigilant », recommande-t-il.

Le président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), Dr Lyes Merabet, rappelle, quant à lui, que les mesures ont été prises après beaucoup d’hésitation, entre autres le fait que les ressortissants algériens qui arrivaient de l’étranger n’étaient pas mis en quarantaine pendant 14 jours. Globalement, Dr Merabet estime que les mesures prises sont « largement justifiées ».

Des leçons à tirer

« Le fait d’avoir décidé du confinement général de Blida est totalement justifié », approuve le Dr Merabet qui considère que décréter le confinement total dans le pays était difficile à réaliser car nécessitant des mesures pas uniquement sanitaires à prendre, mais une sorte de plan d’action pour le déplacement des personnes, le transport des marchandises, la disponibilité des produits alimentaires, la prise en charge du volet économique et social des entreprises économiques, des artisans, des commerçants et les travailleurs journaliers, etc.

« Ce problème s’est posé pour la ville de Blida par rapport notamment à la disponibilité des denrées alimentaires et beaucoup de familles se sont plaintes de la désorganisation dans la distribution des aides parvenues d’un peu partout », explique-t-il.

Tout de même, Dr Merabet s’est félicité des corrections apportées notamment en ce qui concerne le déplacement du personnel soignant de et vers la ville de Blida.

Selon Dr Merabet, ce sont autant de leçons à tirer si on venait à décréter le confinement total à d’autres wilayas et éventuellement en cas de nouvelles épidémies. Le président du SNPSP estime que cette crise sanitaire et la difficulté d’instaurer le confinement total nous renvoie « à notre réalité d’un pays qui est en retard sur beaucoup d’aspects à l’instar de l’économie numérique (achat et livraison à domicile, paiement en ligne…) ».

En outre, Dr Lyes Merabet accueille avec satisfaction l’introduction du protocole de traitement à l’hydroxychloroquine associée d’autres antibiotiques ou antiviraux, qu’il qualifie de « point positif ».

La validation très rapidement dudit protocole par le comité scientifique au ministère de la Santé a impacté positivement l’évolution de la situation épidémiologique, a-t-il rappelé. D’autant que les patients soumis au traitement répondent favorablement. Un soulagement et un apport psychologique certains pour les personnels soignants, estime par ailleurs Dr Merabet.

Le président du SNPSP se félicite d’autre part de l’amélioration des conditions de prise charge (hébergement et restauration, moyens de protection) des personnels soignants dont la proximité avec les patients positifs les rendait à la fois sujets et vecteurs de la contamination.

Pour Dr Bekkat Berkani président du Conseil de l’Ordre des médecins et membre du comité scientifique de suivi du Covid-19, les mesures prises pour limiter la propagation de l’épidémie l’ont été « en riposte à la situation épidémique ».

« Le gouvernement par l’intermédiaire du ministère de la Santé, et sur proposition de la commission de suivi scientifique de l’épidémie, a proposé des mesures face à la survenue de l’épidémie, en particulier en mettant l’accent sur l’hygiène et les mesures préventives personnelles, ensuite en passant par les mesures d’hygiène collective, la distanciation sociale matérialisée par le confinement de la wilaya émergente et des wilayas limitrophes », rappelle-t-il.

La mesure a commencé par un confinement de 19h à 7h puis rallongé jusqu’à 15h. « La situation est sous observation concernant les cas nouveaux, les décès, les cas en réanimation, mais aussi en ce qui concerne les malades hospitalisés qui sont sortis guéris notamment depuis la mise en œuvre du protocole de traitement du Covid-19 », conclu-t-il.

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