Le Maroc, connu jusque-là comme le pays de provenance d’une importante partie du haschich vendu dans le monde, franchit une autre étape. Le royaume est secoué depuis quelques semaines par une sulfureuse affaire de trafic international de drogues dures. Des têtes sont tombées et d’autres pourraient suivre.
Vingt personnes au total, dont des personnalités publiques très connues, sont déjà derrière les barreaux dans le cadre de cette affaire qui a éclaté lorsque le « Pablo Escobar du Sahara », comme il est surnommé au Maroc et au Mali, a décidé, il y a quelques mois, de passer à table.
Hadj Ahmed Ben Ibrahim, un maroco-malien de 47 ans, est incarcéré au Maroc depuis 4 ans pour trafic international de cocaïne. Il a été arrêté à l’aéroport de Casablanca en 2019 à son arrivée de Mauritanie où il venait de purger plusieurs années de prison pour le même motif.
Selon les médias marocains et étrangers, dont jeune Afrique, celui qu’on surnomme aussi le « Malien » a longuement ruminé sa vengeance dans sa cellule avant de décider d’emporter dans sa perte ceux qui étaient ses complices et associés et qu’il estime qu’ils l’ont trahi. Et ce ne sont pas des noms ordinaires.
Parmi les vingt personnes interpellées et placées sous mandat de dépôt, il y a des policiers, des gendarmes, des hommes d’affaires, des promoteurs immobiliers, un notaire et un président d’un grand club marocain de football. Il s’agit de Saïd Neciri, président du Wydad de Casablanca, club le plus titré du Maroc.
L’autre personnalité d’envergure qui est tombée est le magnat de l’immobilier Abdenbi Bioui. Les deux hommes sont des dirigeants du Parti De l’authenticité et de la modernité (PAM), une formation politique qui siège au gouvernement de Aziz Akhannouch. La qualité de ces deux suspects a donné à l’affaire une autre dimension et un important retentissement médiatique au-delà du Maroc.
Maroc : un narcotrafiquant fait tomber des personnalités politiques
Selon les informations qui ont fuité de l’enquête, ces complices du narcotrafiquant ont mis à profit sa chute pour accaparer ses biens. On parle par exemple d’une villa à Casablanca accaparée par Neciri et d’un appartement récupéré par Bioui dans la même ville. Sans parler des millions d’euros qu’ils lui devaient.
Car le « Pablo Escobar du Sahara » n’était pas un petit trafiquant de drogue. C’était un baron des drogues dures qu’ils acheminaient d’Amérique latine vers l’Afrique de l’Ouest et qu’il faisait remonter jusqu’en Europe le long de la côte marocaine, grâce à un réseau aux ramifications internationales et de grosses complicités dans les institutions marocaines.
Lorsque les gendarmes mauritaniens l’ont arrêté en 2015 au terme d’une course poursuite dans le désert, il y avait dans son véhicule trois tonnes de cocaïne. La comparaison avec le vrai Pablo Escobar n’est point exagérée.
Comme tous les narcotrafiquants de son envergure, le « Malien » a aussi sa légende. Selon Jeune Afrique, il est né au Mali en 1976 d’un père malien et d’une mère marocaine.
Sa carrière a débuté après une heureuse (ou malheureuse) rencontre dans le désert, alors qu’il était encore un pauvre éleveur de chameaux. Il aurait aidé un Français perdu dans le désert qui l’a remercié en lui offrant une voiture.
L’honnête berger aurait vendu la voiture et envoyé l’argent à son propriétaire. Voyant en lui un homme de confiance, le Français l’a introduit dans un circuit d’importation de voitures d’Europe.
Mettant à profit l’instabilité dans la bande sahélienne et sa connaissance parfaite du désert, Hadj Brahim s’est mis au trafic de drogue jusqu’à constituer son réseau aux ramifications internationales.
D’abord le cannabis marocain, puis la cocaïne d’Amérique latine. Ces activités lui ont permis d’amasser une immense richesse, de mener un train de vie luxueux et de fréquenter les « respectables » notables du Maroc et d’autres pays, jusqu’en Amérique Latine où il a épousé la fille d’un général bolivien.
Au Maroc, l’opinion publique se passionne évidemment pour ce récit, mais ne perd pas de vue l’implication de gros personnages dans cette affaire. Une affaire qui dévoile à quel point les institutions marocaines sont gangrenées par le trafic de drogue. Avant, c’était le haschisch, maintenant ce sont les drogues dures.