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Menacé de disparition, le Mausolée d’Imadghasen englué dans une interminable rénovation

Menacé de disparition, le Mausolée d’Imadghasen englué dans une interminable rénovation

Le tombeau d’Imadghasen de Boumia, à 30 km au nord de Batna, est visible de loin avec son imposante structure. Ce mausolée royal, assez bien conservé, est le plus ancien du Maghreb, selon des études archéologiques.

Sa construction remonte à l’époque numide, au III ème siècle avant Jésus Christ. Aujourd’hui, il figure dans la short List mondiale des monuments menacés de disparition.

Il est classé patrimoine national depuis 1900, mais n’est toujours pas inscrit sur la liste du patrimoine universel de l’Unesco, contrairement à Timgad, située à 50 km au sud de Boumia, dans la wilaya de Batna.

Entouré d’une clôture, le Mausolée, qui se détache par son imposante structure au milieu d’une plaine verdoyante, semble livré à l’oubli. Après un bref moment d’hésitation, un gardien nous laisse entrer, comme si le lieu historique n’était pas ouvert aux visiteurs.

Le Mausolée d’Imadghasen est entouré d’une clôture

 

Le Mausolée de style libyque n’est-il pas un site touristique par excellence ? Le débat actuel n’est-il pas concentré sur l’encouragement du tourisme culturel dans le pays et sur la mise en valeur des monuments historiques ?

 « Nous sommes en train de faire du désherbage », justifie le gardien. Pourtant, le lieu et son entourage paraissent avalés par la nature ou plutôt par la dévorante  nature.

Des pierres de taille arrachées au monument sont déposées à même le sol après avoir été numérotées, lors d’une précédente opération de restauration inachevée.

Des traces de recherches archéologiques antécédentes sont visibles également du côté Nord du Mausolée. Au milieu de la construction en gradins de forme cylindrique, d’autres pierres se sont affaissées. Les brèches sont béantes.

« La plateforme du haut de l’édifice a été ouverte. L’eau s’est infiltrée à l’intérieur et a accéléré la dégradation. Le plomb qui était en bas, au socle, a disparu, volé », explique un habitant de Batna, peiné par le peu d’intérêt accordé au patrimoine culturel des Aurès.

« Regardez, on a même ajouté du béton » !

Selon les historiens, des bas-reliefs décoraient le Mausolée représentant notamment des animaux qui vivaient dans la région dans les anciens temps.

Ces décorations ont disparu aussi. Aujourd’hui, les pierres sont souillées par des écritures et des tags, témoins d’un incivisme de certains visiteurs, non sensibilisés à la nécessité de respecter les monuments historiques et culturels.

Aucune pancarte ne rappelle cette obligation morale. Par contre, une plaque, écrite en arabe et en français, présente le monument en quelques lignes. « Le Mausolée d’Imadghasen (Medracen) tire ses origines des monuments paléoberbères de type cylindro-tronconique. Il est constitué d’un corps cylindrique décoré de 60 colonnes doriques engagées et de 3 fausses portes surmonté d’un tronc de cône constitué de gradins. Le caveau funéraire est placé au centre du monument, son accès se faisait à partir d’une entrée placée dans la partie Est du tronc de cône », est-il écrit dans cette plaque installée par l’Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés (OGEBC).

Une plaque d’information sur le Mausolée d’Imadghasen 

Le Mausolée d’Imadghasen, ou Imadhazem, selon une ancienne appellation, relève de cet office. Une partie de l’édifice, qui rappelle les constructions hellénistiques dont des traces existent à Alexandrie (Égypte) et à Antakya (Turquie), est soutenue par des planches en bois.

« Regardez, on a même ajouté du béton, changeant l’aspect initial du monument. C’est impardonnable », souligne notre interlocuteur.

Durant l’époque coloniale française, plusieurs objets de valeur, trouvés sur les lieux, comme des colliers, des bracelets, des plats en terre cuite et en bois, des médailles ont été envoyés à Paris où ils seraient exposés (ou cachés) dans un musée.

Des pierres du Mausolée sont tombées sans être replacées

Le mystère est entier autour de ces objets dérobés et dont la valeur est inestimable. Des historiens occidentaux ont fait circuler l’idée fantaisiste que le Mausolée aurait été construit par les romains pour amoindrir les efforts civilisationnels des Numides et leur attachement à la Méditerranée. Côté algérien, l’Histoire de ce monument reste entièrement à écrire tant que l’édifice est en place, témoin d’une belle époque, aujourd’hui très lointaine.

Le Mausolée d’Imaghasen se trouve dans la région verdoyante de Boumia

Échec d’une première opération de restauration

En 2006, une opération de restauration du site a été lancée. Une opération qui a mal démarré, et qui a été arrêtée après une première phase menée par un bureau d’étude algérien, Atelier 3 D.

« Des travaux d’urgence ont été alors engagés mais la wilaya de Batna a ensuite résilié le contrat avec le bureau d’étude Atelier 3D. Il n’avait pas les qualifications nécessaires puisqu’il travaillait sans un architecte spécialisé en monuments historiques. Le ministère de la Culture a réagi en 2007 pour solliciter un bureau d’études. Pour ce genre de travaux, il faut un gros calibre, un bureau d’étude spécialisé. Les choses sont restées là. L’opération a été gelée, puis relancée. Bientôt, il y aura la poursuite des travaux », a promis Abdelwahab Zekagh, directeur de l’OGEBC.

Des travaux de confortement ont été menés au Mausolée d’Imadghasen

Selon Amor Kebbour, directeur de la Culture de la wilaya de Batna, une étude de protection et de mise en valeur du site a été lancée depuis deux ans.

« Nous venons de faire la délibération au niveau de l’APW de Batna pour entamer la deuxième phase de cette étude. Elle consiste à appliquer les mesures d’urgence. Nous délimitons la zone de protection et étudions les mesures de sécurité à prendre », a-t-il précisé.

Quelle est la finalité principale des mesures d’urgence ? « C’est pour arrêter l’hémorragie. La première mesure à prendre est d’arrêter l’infiltration des eaux, éviter la remontée capillaire, stabiliser les pierres qui menacent de tomber et installer un toit supérieur pour éviter l’entrée de l’eau par le haut. À mon avis, il faut un drainage périphérique autour du site à une distance qui dépasse les 200 mètres. C’est une proposition que je fais. Imadghassen est un grand monument qui nécessite de gros moyens», soutient Amor Kebbour, archéologique de formation.

Abdelwahab Zekagh a souligné que des fouilles, effectuées par le passé, ont révélé l’existence de nécropoles autour du Mausolée. « Il est donc nécessaire de délimiter la zone archéologique du Mausolée. Le problème est que le sol s’est affaissé. Comme il s’agit d’une zone inondable, le sol est instable», a-t-il dit.

Des fouilles archéologiques ont été menées au niveau du Mausolée d’Imadghasen

Programme européen de sauvegarde du Mausolée

En 2014, l’Union européenne (UE) a annoncé la consécration d’une enveloppe de 21,5 millions d’euros pour un Programme d’appui à la protection du patrimoine culturel (UAP) en Algérie.

L’Algérie contribue dans ce programme par une somme de 2,5 millions d’euros qui s’ajoutent aux 21,5 millions d’euros promis par Bruxelles. L’UE a retenu les sites de la Casbah d’Alger, le Palais du Bey à Constantine et le Mausolée d’Imadghasen à Batna.

Marek Skolil, ex-chef de la délégation de l’UE à Alger, a annoncé qu’une enveloppe de 1,6 million d’euros allait également être dégagée pour un programme de formation dans le domaine du patrimoine et de la restauration des sites et monuments historiques.

Fin mars 2015, les experts européens, menés par Matteo Malvani, responsable de l’UAP, ont livré, lors d’une rencontre organisée à Batna par l’association les Amis d’Imedghassen et l’université Hadj Lakhdar, les premiers éléments de la recherche archéologique effectuée sur place. Une recherche qui a identifié « avec précision » les zones à restaurer.

« L’UE a sollicité des experts pour mener une étude approfondie. Nous attendons l’approbation de cette étude, qui est presque achevée, pour commencer les travaux de restauration », a déclaré Abdelwahab Zekagh.

L’opération est, selon Amor Kebbour, chapeautée par Fayçal Ouaret, directeur général de l’Agence nationale de gestion des réalisations des grands projets de la culture (ARPC).

« Les deux phases de ce programme ont été exécutées. La deuxième phase a été achevée fin août 2017. Nous attendons les financements pour débloquer la troisième phase qui consiste en la sécurisation du site et l’intervention sur le monument », a-t-il expliqué.

En attendant, le Mausolée d’Imadghasen, qui ressemble au Mausolée royal de Maurétanie de Tipaza, résiste à l’épreuve du temps, aux rafales du vent, aux orages d’hiver, au passage des pillards et à l’ingratitude des hommes.

Le renforcement du Mausolée d’Imadghasen s’est fait avec du béton

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