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Noureddine Boukrouh : « Si Ouyahia veut ma mort, moi je lui fais du bien : je l’instruis »

Noureddine Boukrouh : « Si Ouyahia veut ma mort, moi je lui fais du bien : je l’instruis »

NEWPRESS
Noureddine Boukrouh

Noureddine Boukrouh, ancien ministre et fondateur du PRA, a lancé un appel aux Algériens et Algériennes pour une révolution citoyenne pacifique. Dans cet entretien, il répond à Ahmed Ouyahia, à l’opposition, et évoque la succession de Bouteflika…

Ahmed Ouyahia n’a pas manqué de répondre à votre « appel à une révolution citoyenne pacifique » devant l’Assemblée nationale. Qu’est-ce que vous lui répondez ?

Vous vous trompez, il a manqué de me répondre. Ce Premier ministre qui ne mérite pas d’être le dernier des ministres dans un pays qui se respecte n’a répondu ni à mon « appel » ni à moi, car il n’est pas l’auteur de ce message. On lui a demandé de l’envoyer à l’opinion publique à la faveur de la séance de réponses aux questions des députés, il s’est exécuté maladroitement comme à son habitude. Lui, il ne décide pas, n’a jamais décidé ; il porte, colporte, tchatche, mais ne peut décider de rien à la place de la présidence en matière de poursuites judiciaires ou de quoi que ce soit d’autre.

Si ça ne tenait qu’à lui je ne dirais pas, mais il n’est qu’un « âssas dalia ». Tout le monde sait que le porte-parole de son parti a été le premier à déclarer sur une chaîne TV que je devais être poursuivi en justice. Celui-là, un sous-porteur, sous-colporteur et sous-parleur, peut encore moins l’avoir fait pour son compte. Il l’a fait sur instruction de son chef, Ouyahia, qui a été lui aussi instruit. Ça se passe comme ça entre eux, et je le sais. Ils se sont ravisés ? Il se ravise. Je crois que vous n’entendrez plus le tchatcheur et le sous-parleur sur ce sujet, sauf nouveau rebondissement entre les donneurs d’ordre et moi.

Il vous a comparé à une éclipse solaire, un homme qu’on voit de temps à autre juste pour faire parler de lui…

Ouyahia est un inénarrable gaffeur, un véritable frère Dalton. Il ne peut pas ouvrir la bouche sans proférer des bêtises inhérentes à son idiosyncrasie. Votre journal a eu à le recadrer récemment sur la création monétaire et les fonds souverains arabes en mettant à nu sa stupéfiante ignorance en matière économique, mais il continue comme si de rien n’était. Ni il s’excuse, ni il se corrige, en homo khechinus accompli qu’il est.

En ce qui me concernece gros-Jean inconscient de sa confusion mentale même en matière de simple langage, s’est ridiculisé sans le savoir en utilisant des métaphores contraires à ce qu’il voulait dire. Il ne le saura qu’en lisant ces lignes, et encore ! Voulant dire avec l’air arrogant que tout le peuple algérien lui connaît et l’air de celui qui croit pouvoir rire des autres que je n’apparaissais que pour faire parler de moi, en de très rares occasions, il m’a comparé, comme vous le rapportez, à l’éclipse du soleil. Ignorant que l’éclipse traduit l’idée de disparition, et non d’apparition ou de réapparition. Lors d’une éclipse solaire, ce n’est pas l’éclipse qui apparaît, mais le soleil qui disparaît un court moment.

Ainsi donc, il ne sait pas que je n’ai pas cessé depuis 2011 de publier des écrits de réflexion dans des journaux francophones, et dans d’autres organes arabophones. Mais pour quelqu’un qui n’a jamais écrit un paragraphe, ce n’est pas exister que d’écrire. Exister, pour lui, n’a qu’une forme, la domesticité. La seule période où je me suis « éclipsé », c’était lorsque j’étais au gouvernement, siégeant à quelques mètres de lui, entre 2000 et 2005. Et là, il sait comment j’ai existé : loin de la domesticité.

Depuis, j’ai publié six livres et des centaines de contributions qui témoigneront de mon existence quand je ne serai plus de ce monde, alors qu’il ne restera de lui que les sobriquets flétrissants de « takhabit » (le traître) et de « Moh-la-triche » que la Kabylie a inventés pour le mettre à son ban.

Il a aussi affirmé que l’État n’avait aucunement l’intention de vous sanctionner ou de vous poursuivre car pour lui, vous n’existez pas…

Ce bounadem qui, parce que portant des lunettes, a l’air de comprendre quelque chose aux choses, n’entend en fait rien à rien, pas même à la différence existant entre les notions de « pouvoir », d’«État » et de « gang ». Dans son esprit confus, cela est une seule et même chose. Il pense « gang » mais prononce « État ». Cet archétype du garde-champêtre de la période coloniale révolue rêve de devenir un jour un despote à son tour en croyant que l’Algérie sera toujours un douar. Il n’a pas dit « me faire juger », « me demander des comptes devant les tribunaux », il se voit me jugeant et me sanctionnant à la façon des « haggarin » que haïssent le plus les Algériens : ceux qui sont forts de la force des autres, de leurs maîtres et de leurs coups-bas.

D’abord, c’est une imbécillité de parler de sanctionner quelqu’un qui n’existe pas, ça tombe sous le sens. Ensuite, ce n’est pas parce que je n’existe pas, selon lui, que l’État ne peut pas me « sanctionner » ou me poursuivre en justice comme cela a été réellement envisagé, mais tout simplement parce qu’un État ne peut poursuivre personne en justice.

Lorsque le chef de l’État veut poursuivre quelqu’un en justice, il peut soit déposer une plainte comme l’a fait Bouteflika l’an dernier contre le journal « Le monde » avant de la retirer, soit c’est le ministère public, l’action publique, qui se substitue à lui sur la base de règles de droit énoncées dans le Code pénal. C’est la personne ou son représentant qui se met en branle, pas l’État. L’État est un tout, pas une fraction du tout. Si Ouyahia veut ma mort, moi je lui fais du bien : je l’instruis.

Êtes-vous soulagé après cette annonce ou plutôt amusé de voir que vous suscitez autant de réactions ?

Ni l’un ni l’autre. Je suis, au contraire, chagriné de voir combien ces hommes sont la honte de notre pays par leur cynisme et leur ignorance. Ce ne sont pas des hommes d’État, mais des gens de sac et de corde ainsi que je viens de le montrer à travers des exemples triviaux.

Un éditorial du journal de l’ANP qui me traite de « mercenaire », un Dernier ministre qui annule mon existence comme s’il avait été Dieu le Créateur, la présidence de la République qui fournit des éléments de réponse à des médias enragés pour les utiliser contre moi (identité des personnes qui ont rédigé des discours pour le Président)… Dans quel pays vivons-nous ? À quelle époque ? Dans l’Italie des Borgia à l’époque de Machiavel ?

Que comptez-vous faire dans les jours à venir ? Calmer les choses ou rester sur la même lancée ? 

Mon activité habituelle depuis 1970 est d’écrire dans le domaine de la pensée avec l’espoir d’améliorer l’état de notre pays et de notre société. Je n’aime pas les polémiques, sauf quand je suis obligé de remettre les choses et les gredins qui m’attaquent à leur place. Je vais continuer ma mission et préparer les prochaines étapes de l’initiative politique que j’ai lancée et dont l’« Appel » n’est qu’un préliminaire. Je dois me concentrer sur l’alternative, les propositions de solutions…

Votre « Appel » n’a pas suscité l’adhésion des partis politiques et l’opposition ne semble pas convaincue…

J’ai adressé mon « Appel » aux Algériennes et Algériens où qu’ils se trouvent et non à une galaxie, celle de l’opposition, ou à des structures, les partis politiques. Ce sont les personnes qui portent une conscience, des idées, pas les structures, ni les galaxies. L’ « Appel » continue de cheminer dans les esprits et à être lu et étudié là où vivent des Algériens.

Qui pourrait remplacer le président l Bouteflika, selon vous ? Et que pensez-vous de la proposition de Benbitour qui appelle à un changement de gouvernance, par le biais d’une « mobilisation pacifique » ?

Je ne suis pas informé de la proposition de M. Benbitour, mais j’ai mon idée sur la Constitution, une idée qui sera exposée dans mon initiative politique. Celui qui remplacera Bouteflika sera celui que les Algériens auront choisi au terme d’une élection régulière et incontestable, et non quelqu’un qu’on aura sorti du chapeau comme on le fait depuis 1962. Si les Algériens l’acceptent cette fois, que ce soit sous forme de cinquième mandat ou de succession, ce sera leur fin en tant qu’État-nation…

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