Omar Hilale incarne bien la diplomatie du Makhzen. Le représentant du Maroc, connu pour son agressivité à l’égard de l’Algérie, est particulièrement doux avec Israël
Comment entretenir l’illusion d’un soutien à la cause palestinienne sans fâcher Israël ? Tel est le dilemme devant lequel se retrouvent certains pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec l’État hébreu, dont le Maroc.
Or, ménager la chèvre et le chou devient un exercice de plus en plus difficile avec la dégradation constante de la situation dans la bande de Gaza, bombardée intensément et sans discontinuer par l’armée israélienne depuis près d’un mois.
Le dernier bilan des bombardements fait état de plus de 8.500 morts, dont 3.500 enfants, et 22.000 blessés dans l’enclave palestinienne.
La gêne du Maroc est perceptible à travers le discours prononcé par son représentant à l’ONU, Omar Hilale, devant l’Assemblée générale de l’organisation planétaire.
Le royaume a normalisé ses relations avec Israël en 2020 dans le cadre des accords d’Abraham négociés sous l’égide de l’ancien président américain, Donald Trump et incluant trois autres pays arabes, les Émirats arabes unis, le Soudan et le Bahreïn. Le Maroc avait obtenu, en contrepartie, la reconnaissance par les États-Unis de sa « souveraineté » sur le Sahara occidental occupé.
Après l’opération lancée par le Hamas palestinien, le 7 octobre, suivie par des bombardements intensifs de l’armée israélienne sur la bande de Gaza, c’est tout le camp de la normalisation qui s’est retrouvé dans une posture difficile, le Maroc encore plus, car il a une opinion publique résolument attachée à la cause palestinienne et elle le fait entendre de plus en plus bruyamment.
Aussi, le roi Mohammed VI est officiellement le président du « comité Al Qods » et, à ce titre, il est censé être à l’avant-garde de la défense de la ville sainte et des droits des Palestiniens. Au vu de l’évolution de la situation et de la position marocaine, le souverain porte de plus en plus mal ce titre hérité de son père Hassan II.
Omar Hilale, l’ambassadeur du Maroc qui veut ménager la chèvre et le chou
Devant la session extraordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU, Omar Hilale a prononcé un discours extrêmement lisse, renvoyant presque dos à dos Israéliens et Palestiniens. La rhétorique du diplomate marocain laisse entrevoir le double souci de ne pas exacerber la colère de la rue et de ne pas fâcher le nouvel allié israélien.
Hilale a parlé de violences contre tous les civils et leurs propriétés et d’ « opérations militaires dans la bande de Gaza » alors que cette enclave palestinienne est bombardée quotidiennement et conte ses morts civils par milliers.
Le diplomate a à peine égratigné Israël en évoquant la violation du « droit humanitaire international ».
Omar Hilale a appelé à « réduire l’escalade », à cesser l’effusion de sang et les agressions militaires, et à protéger « tous les civils », sans préciser la partie à laquelle est adressé l’appel.
Il a aussi insisté sur la facilitation de l’acheminement des aides et a exprimé le refus de son pays de tout déplacement de la population de Gaza, car cela mettrait « en danger la sécurité des pays voisins ».
L’ambassadeur, connu pour ses diatribes contre l’Algérie, a également appelé à concrétiser la solution à deux États en établissant un État palestinien dans les frontières de 1967 et avec Al Qods-Est comme capitale.
Les observateurs relèvent que la protection des civils, l’acheminement de l’aide humanitaire et la solution à deux États sont des doléances exprimées par de nombreux pays, y compris ceux qui soutiennent Israël.
Ils notent aussi que ce ton très diplomatique et prudent à l’excès n’est pas coutumier d’Omar Hilale qui a l’habitude d’être plutôt agressif quand il s’agit de s’attaquer au Polisario ou à l’Algérie.
C’est bien lui qui est derrière le casus belli qui a conduit à la rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Algérie en 2021 en appelant à la partition du territoire algérien.
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