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« Les réserves de change de l’Algérie sont à un niveau appréciable »

« Les réserves de change de l’Algérie sont à un niveau appréciable »

Par Kristina Blokhin / Adobe Stock
Le FMI.

Le FMI a dévoilé lundi 30 juin ses conclusions sur l’économie algérienne ainsi que ses recommandations pour améliorer la résilience de l’Algérie face aux chocs extérieurs, notamment la baisse des prix du pétrole. Dans cet entretien, l’économiste Brahim Guendouzi décrypte les forces et les faiblesses de l’économie algérienne à la lumière des chiffres publiés par le FMI.

Le FMI a rendu lundi 30 juin ses conclusions sur l’économie algérienne à l’issue de sa mission en Algérie au titre de l’article IV. Quelle est votre appréciation de ses appréciations et de ses recommandations ?

La délégation du FMI qui s’est rendue en Algérie en vue de mener des consultations pour 2025 au titre à l’article IV de ses statuts, a rendu public les premières conclusions de sa mission concernant l’économie algérienne.

En premier lieu, quelques indicateurs sont mis en exergue pour situer l’évolution économique en 2024 et entrevoir les perspectives à moyen terme. Il s’agit essentiellement du ralentissement de l’activité économique globale, passant de 4,1 % en 2023 à 3,6 % en 2024, alors que l’activité hors hydrocarbures est restée dynamique, avec une croissance de 4,2 %.

Le déficit budgétaire s’est accentué en 2024, atteignant 13,9 % du PIB. Toutefois, un recul de l’inflation est enregistré, passant d’une moyenne annuelle de 9,3 % en 2023 à 4 % en 2024. En revanche, le solde de la balance courante est devenu déficitaire en 2024 sous l’effet d’une baisse de la production d’hydrocarbures et des prix du gaz. Enfin, les réserves de change s’établissent à un niveau appréciable autour de 67,8 milliards de dollars.

En second lieu, la mission du FMI a fait ressortir un risque systémique pour la viabilité de la dette publique à cause de l’accentuation de l’interdépendance financière entre l’État, les entreprises publiques et les banques publiques. En effet, les EPE sont dépendantes des soutiens budgétaire et bancaire pour générer des recettes et maintenir des emplois. De leur côté, les établissements bancaires publics sont fortement exposés à la dette souveraine (la dette interne) et au financement des entreprises publiques avec le risque de détenir des créances douteuses. À force de puiser dans les ressources financières internes, l’État réduit la capacité des banques à financer le secteur privé (effet d’éviction), ce qui risque de freiner l’investissement productif.

Aussi, en cas de choc sur l’un de ces piliers, l’ensemble du système financier en serait affecté. C’est la raison pour laquelle le FMI alerte sur le fait que la persistance des déficits budgétaires élevés et une dette interne en croissance, sans réformes structurelles, peuvent compromettre la stabilité macroéconomique de l’Algérie.

Le FMI a estimé « urgent » de mettre en place un « ajustement budgétaire progressif » afin de renforcer la résilience budgétaire. Est-ce que cela signifie qu’il préconise des mesures d’austérité ?

Le FMI préconise un rééquilibrage budgétaire progressif, mais rapide, afin de pouvoir stabiliser la dette interne et réduire les besoins de financement. Il est donc nécessaire d’élargir l’assiette fiscale pour accroître le plus possible les recettes hors hydrocarbures.

L’objectif étant d’arriver à une dette interne soutenable, permettant à l’État d’honorer ses engagements sans recourir à des ajustements budgétaires brutaux (hausse d’impôts, coupes drastiques dans les budgets, etc.), ni compromettre la croissance économique. Et en l’état actuel, la trajectoire budgétaire de l’Algérie n’est pas soutenable, et ce, sans approfondissement des réformes budgétaires et fiscales, déjà entamées avec la mise en œuvre en 2023 de la loi organique sur les lois de finance (LOLF) et la comptabilité publique.

Selon le FMI, le déficit budgétaire de l’Algérie s’est creusé pour atteindre 13,9 % du PIB. Est-ce que c’est inquiétant ?

L’Algérie fait face à une situation budgétaire qui est source de préoccupation, dès lors qu’elle est marquée par des déficits publics persistants, une dette interne croissante et une dépendance excessive aux ressources domestiques pour financer les dépenses de l’État.

En effet, on constate un recours massif aux banques publiques pour acheter des titres de dette souveraine (bons du Trésor) ainsi que la mobilisation des excédents de trésorerie des entreprises publiques. Il y a une absence de diversification des sources de financement du fait que l’Algérie a adopté une doctrine de non-endettement extérieur, surtout après avoir remboursé sa dette dans les années 2000.

Aussi, en cas d’un retournement du marché pétrolier international avec un impact négatif sur la fiscalité pétrolière, il pourrait y avoir une remise en cause des équilibres macroéconomiques et une fragilisation du système économique. Quoi qu’il en soit, la résilience financière de l’Algérie à long terme dépendra de sa capacité à réformer ses finances publiques et à maîtriser la trajectoire de sa dette publique interne. Il est alors attendu une diversification des sources de recettes fiscales, une plus grande contribution du marché financier pour mieux mobiliser l’épargne interne et enfin une amélioration de la qualité de la dépense publique pour limiter les gaspillages.

Le FMI préconise plus de flexibilité du taux de change dans le but de renforcer « la capacité de l’économie à absorber les chocs extérieurs, y compris ceux liés aux cours des hydrocarbures ». Est-ce que cela signifie une dévaluation du dinar ?

L’économie algérienne étant fortement dépendante des hydrocarbures, (plus de 90 % des exportations), dont les prix sont extrêmement volatils, un taux de change flottant permet à la monnaie nationale de s’ajuster facilement en cas de baisse des cours du pétrole.

Ainsi, au lieu que le taux de change du dinar contre les monnaies étrangères, principalement le dollar et l’euro, soit administré, le flottement dirigé est recommandé afin de limiter le creusement des déficits commerciaux et budgétaires, sans avoir à puiser dans les réserves de change.

Évidemment, en cas de baisse des prix du brut, accompagnée d’une détérioration de la balance commerciale, une dépréciation du dinar s’opérera sur le marché officiel des changes. Un autre problème est indirectement soulevé, celui du dinar qui est souvent surévalué en termes réels. Cela encourage plus les importations, alors que l’on cherche à les réduire dans le cadre de la rationalisation engagée grâce à la politique de substitution et aux contrôles exercés sur les importateurs pour la revente en l’état.

Par ailleurs, le contrôle des changes exercé par la Banque d’Algérie limite les opérations de change entre le dinar et les devises étrangères, tant pour les personnes physiques que pour les entreprises. Ce qui permet à l’État de surveiller les mouvements transfrontaliers de fonds, et d’éviter aussi l’évasion fiscale ou le blanchiment.

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