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Pesticides : du poison dans nos assiettes ?

Pesticides : du poison dans nos assiettes ?

Des cargaisons de produits agricoles algériens, des tomates et des pommes de terre parait-il, ont été refoulées de Russie et du Qatar. Cela rappelle l’épisode des menaces de la France de ne plus acheter le vin algérien, dans les années 1970, déclenchant l’ire du président Boumediene qui, dans un accès d’orgueil décida, sans doute à tort, d’arracher des milliers d’hectares de vigne. Mais ça n’y ressemble pas tout à fait.

A l’époque, l’ancien colonisateur avait utilisé la carte du vin, deuxième source de devises de l’Algérie indépendante, comme moyen de pression dans le cadre de la crise diplomatique entre les deux pays née dans le sillage de la nationalisation des hydrocarbures. La qualité du vin algérien n’était nullement remise en cause, encore moins son adéquation avec les normes sanitaires.

Ni le contexte ni les motifs ne sont donc les mêmes. Cette fois, la pomme de terre algérienne n’a pas pu atteindre les étals des magasins russes et notre tomate jugée inéligible au marché qatari.

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En cause, dans les deux cas, un fort taux de résidus de pesticides relevé lors des contrôles d’usage. A l’information révélée en fin de semaine passée par le président de l’Association nationale des exportateurs algériens, les autorités ont réagi avec prudence, par la voix du ministre du Commerce qui a affirmé avoir instruit ses services de collecter toutes les informations sur l’affaire afin d’en connaître tous les détails et circonstances. Le ministère de l’Agriculture a assuré que le refoulement n’était pas à des raisons phytosanitaires, sans plus.

Sans préjuger des résultats de l’enquête diligentée par Said Djellab, il est certain que la substance incriminée doit être présente à des taux anormalement élevés dans les produits refoulés, pour susciter une telle réaction extrême de deux pays dont les relations, économiques ou autres, avec l’Algérie sont pour le moins au beau fixe.

Quoiqu’il en soit, dans le topo actuel des relations internationales et des équilibres géopolitiques, la Russie et le Qatar ne peuvent être soupçonnés d’entente cordiale pour saborder l’économie de l’Algérie. Cela n’a aucun sens. L’explication à la simultanéité des deux refoulements ne peut se trouver qu’au sein même des produits indésirables, sous la forme de substances nocives donc.

En la matière, la Russie a des normes pourtant loin des exigences draconiennes de la législation européenne. Idem pour la petite principauté gazière qui plus est, n’est pas en position de faire la fine bouche, elle qui se trouve à la recherche de fournisseurs de substitution après l’embargo que lui ont imposé ses frères du Golfe.

Si les cargaisons avaient été refoulées de France ou d’Allemagne où la marchandise est détruite au moindre soupçon, on aurait assurément mis une telle attitude sur le dos de l’exagération en termes de normes sanitaires propres à l’Union européenne.

Non, la Russie et le Qatar n’exagèrent pas en la matière et cela nous amène à nous interroger si nos produits agricoles, donc nos assiettes, ne sont pas bourrés de substances nocives susceptibles de mettre gravement en danger notre santé. L’inquiétude est d’autant plus légitime que contrairement aux quotas destinés à l’exportation, les produits agricoles écoulés sur le marché national, mis à part les viandes et le lait, ne subissent aucun contrôle de qualité.

Aussi, ce que les agronomes appellent des pesticides, le jargon médical les désignent par le terme de cancérigènes. Surtout que, dans de nombreux pays, la relation corollaire entre l’usage intensif de ces substances dans certaines cultures spécifiques, comme les bananeraies, et la prévalence des tumeurs, a été clairement établie.

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Cela dit, éviter les conclusions hâtives est la meilleure posture à tenir en attendant de voir plus clair. Le dossier est plus que sensible et les ministères concernés sont appelés à diligenter des enquêtes à grande échelle pour établir un état des lieux de l’usage des pesticides dans notre agriculture et apporter sans tarder les solutions adéquates, en mettant à niveau la législation et en dégageant les moyens nécessaires pour son application.

Car à entendre les explications des quelques experts qui se sont exprimés sur le sujet, la situation est loin d’être maîtrisée. Certains pointent une utilisation excessive des pesticides, d’autres des défaillances dans la chaîne d’importation de ces substances, d’où le risque de tomber sur des produits contrefaits. Et même lorsque l’origine du produit est connue, le risque de surdosage n’est jamais loin, à cause du manque de formation des agriculteurs.

Il y a réellement péril en la demeure et les autorités sont appelés à agir, et vite. Car en plus des risques pour la santé publique, c’est aussi l’agriculture algérienne, si elle ne se met pas à niveau, qui risque d’avoir du mal à placer ses produits sur les marchés internationaux.

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