Nouveau tollé sur la toile après un post controversé d’un parlementaire. Élu du mouvement El Bina d’Abdelkader Bengrina, parti d’obédience islamiste, le député Rachid Cherchar a annoncé son intention de proposer la suppression de la matière philosophie du Baccalauréat.
« Je vais demander la suppression de la matière philosophie du bac, qu’en pensez-vous ? Qu’attend-on, quel bénéfice tire-t-on de cette matière ? », s’est-il demandé sur Facebook.
Cette suggestion, qui intervient pendant de la tenue des épreuves du baccalauréat en Algérie (15-19 juin) -durant lesquelles de nombreux candidats se sont plaints de la difficulté du sujet de philosophie-a provoqué une vague d’indignation et de réactions critiques sur les réseaux sociaux.
« Le problème vient de nous, car nous avons pratiqué la politique de la « chaise vide », exploitée par ceux qui ne possèdent que stérilité intellectuelle, ignorance, haine, populisme et idéologie réactionnaire. Le problème vient de nous, car nous avons accepté d’être représentés par ceux qui manquent de culture, de projet civilisationnel et de vision sociétale et scientifique de l’avenir », a fustigé sur son compte Facebook l’enseignant universitaire Mahrez Bouiche.
Une autre polémique qui révèle le clivage idéologique
Allusion probablement au contexte géopolitique actuel, révélant le décalage entre les sociétés avancées sur le plan technologique et celles qui se morfondent dans des débats idéologiques, la journaliste Leila Bouzidi écrit : « L’histoire se répète et nous, musulmans, continuons de tourner en rond dans le même cycle d’ignorance, de populisme et d’arriération ».
« Il semble que le ministre de la Communication ait eu raison d’attaquer un parlementaire, le qualifiant d’ignorant. Pardonnez-nous si nous vous avions critiqué, Monsieur le Ministre (…) », tacle, pour sa part, le journaliste Raouf Harzallah.
Ce dernier établit un parallèle avec la récente polémique entre le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, et un autre député islamiste du MSP, Abdesslam Bachagha, qui avait vivement critiqué la couverture médiatique de l’affaire Mohamed Belghit.
Début mai, sur le plateau d’un chaîne TV émiratie et dans un contexte de tensions entre l’Algérie et les Emirats arabes unis, l’historien, aujourd’hui incarcéré, avait accusé tamazight d’être une création « franco-sioniste ».
En réaction à cette sortie qui avait fait grand bruit en Algérie, la Télévision algérienne avait traité Mohamed El Amine Belghit de « marchand d’idéologie » et les Emirats de « micro-Etat artificiel ».
Dans cette affaire, le député du MSP avait reproché aux médias publics, qualifiés de « tribunaux médiatiques », leur traitement, provoquant une réaction virulente du ministre Mohamed Meziane. Ce dernier avait fustigé les « propos déplacés » du parlementaire et son ignorance des mécanismes institutionnels.
Le ministre avait défendu la télévision publique comme simple « relais d’informations judiciaires », dénonçant une « vision erronée et populiste du rôle » de ce député.
Le député s’explique et se défend
Face à la polémique, Rachid Cherchar s’est expliqué sur le même réseau social. « Quant à ceux qui croient que nous sommes contre la philosophie en tant que science ou pensée, il semble qu’ils aient mal compris ou n’aient pas pris en compte l’intention du message incluant le terme « sujet ». Autrement, aucune personne sensée ne pourrait même dire à un intellectuel, un universitaire ou un chercheur que nous, représentants du peuple et hommes politiques, sommes contre la philosophie », a-t-il dit.
Le parlementaire estime que les programmes d’enseignement de la philosophie en Algérie ont en fait une « matière de bachotage, obligeant les élèves à mémoriser des dizaines d’articles philosophiques afin de réussir divers examens, le plus important étant celui du baccalauréat ».
La nouvelle polémique autour de la philosophie révèle, en creux, un affrontement entre deux conceptions de l’éducation et de la société. D’un côté, ceux qui prônent une formation intellectuelle ouverte, tournée vers le questionnement critique et la pensée complexe. De l’autre, la tendance, essentiellement issue du milieu islamo-conservateur, qui voit dans la philosophie une matière subversive susceptible de remettre en cause leur idéologie.
Mais au-delà de cette controverse ponctuelle, elle soulève la question sur le niveau intellectuel de certains représentants de la nation, prisonniers de dogmes idéologiques, à un moment où le pays, en pleine mutation, a plus que jamais besoin de citoyens formés à l’esprit critique — clé de la réussite, de l’innovation et de la modernisation. Un impératif national pour espérer rivaliser avec les nations les plus avancées.