Christopher Dembik est responsable mondial de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank, à Paris. Il décrypte pour TSA les conséquences du recours au financement non conventionnel, annoncé mercredi par le gouvernement.
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La Banque d’Algérie va être autorisée « à prêter directement au Trésor public, afin de permettre à ce dernier de financer les déficits du budget de l’État, de financer la dette publique interne et d’allouer des ressources au Fonds national de l’investissement ». Concrètement qu’est-ce que cela signifie ?
Ce processus est, ni plus ni moins, un recours à ce qu’on appelle « faire fonctionner la planche à billets ». C’est-à-dire que la banque centrale, en l’occurrence la Banque d’Algérie, va créer plus de monnaie.
Le choix de l’Algérie est donc à rebours de la pensée économique. C’est une fuite en avant qui ne permettra pas de résoudre la situation. D’autant que les expériences dans plusieurs pays ont révélé que le recours à la planche à billets a un effet pervers avec une augmentation des dépenses publiques. C’est la raison pour laquelle cette méthode a été abandonnée. De plus, l’augmentation de la masse monétaire engendre de l’inflation. On met donc en scène des mesures qui ont montré leurs limites.
C’est donc un très mauvais signal…
Cette décision ne permettra pas d’aboutir à une amélioration économique. Il n’y a aucune perspective. Il s’agit de mesures court-termistes en attendant le scrutin de 2019.
L’augmentation de la masse monétaire va engendrer une hyperinflation, faire perdre de la valeur à la monnaie nationale et rendre les importations, dont dépend le pays, beaucoup plus onéreuses. Dans cette situation, on peut s’attendre à une réaction dans l’urgence qui va consister à mettre en place un contrôle encore plus strict des changes.
Dépendance au pétrole, surfacturations, recours à la planche à billets… Le scénario était peut-être fantaisiste ou exagéré il y a quelques mois mais il semble que l’Algérie soit en train de se transformer en Venezuela.
En effet… ce sont les mêmes méthodes qui sont appliquées avec les conséquences que l’on connaît.
Le financement de l’État par la Banque centrale est une fuite en avant déjà utilisée par le Venezuela avec des effets délétères. Cela a entraîné une création monétaire incontrôlée qui a causé de l’hyperinflation et une perte de crédibilité de la monnaie. Elle s’est traduite par un effondrement de son cours sur le marché noir. C’est, en économie ouverte, l’exemple à ne surtout pas suivre.
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Quelles sont les mesures justes qu’il faudrait mettre en place ?
Pour avoir une économie saine, il faut une banque centrale indépendante. Cette dernière a vocation à juguler l’inflation et non à être réduite au rôle de créer de la monnaie.
L’État doit se financer auprès des marchés financiers, des investisseurs étrangers ou nationaux. Et pour que l’État puisse emprunter à des taux attractifs, il faut qu’il gère correctement ses dépenses publiques.
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