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Importations et surfacturations : « Le modèle le plus adapté à l’Algérie, c’est clairement celui appliqué en Égypte »

Importations et surfacturations : « Le modèle le plus adapté à l’Algérie, c’est clairement celui appliqué en Égypte »

Anis Belghoul / NEWPRESS
Vue sur le port d'Alger

Malgré les nombreuses décisions prises ces dernières années, les surfacturations des importations se maintiennent à un niveau élevé. Selon des chiffres officiels obtenus par TSA, les infractions de change, autrement dit les infractions liées aux transferts de capitaux depuis et vers l’Algérie, ont connu une baisse en 2016, mais elles restent à un niveau élevé. Plus de 400 infractions de change ont été recensées l’année passée contre 547 en 2015, selon les Douanes algériennes.

25% des importations concernées par les surfacturations 

Ces infractions de change sont commises en majorité lors d’opérations du commerce extérieur, avec la majoration de la valeur en douane déclarée à l’importation, c’est ce qu’on appelle la surfacturation. Cette technique, qui consiste à émettre une facture d’un montant supérieur au montant réel du produit, permet surtout de détourner le contrôle des changes, et donc de transférer de l’argent à l’étranger. Elle concernerait près de 25% des importations algériennes.

Officiellement, l’Algérie a engagé des négociations avec l’Union européenne (UE) et la Chine dans le cadre de la lutte contre la surfacturation pratiquée par certains importateurs algériens. Mais, officiellement là encore, la lutte contre cette pratique serait compliquée avec le poids de l’économie informelle.

Pour Christopher Dembik, responsable mondial de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank, cette situation est « le reflet des limites quand on impose des restrictions sur les capitaux ». Selon l’économiste interrogé par TSA, « la surfacturation est bien la preuve qu’on trouvera toujours des portes de sorties pour contourner les restrictions. »

Le cas égyptien 

Cette pratique est aussi la conséquence d’une monnaie trop forte par rapport à sa valeur réelle, rappelle l’économiste. Par certains aspects, l’Algérie vit actuellement une situation comparable à celle de l’Égypte au début de la décennie. À partir de 2011, l’instabilité politique dans le pays a poussé les investisseurs à vendre massivement la monnaie nationale égyptienne : devenue moins attractive, sa valeur a donc chuté. Mais la banque centrale égyptienne a continué de maintenir le taux de change officiel à un niveau très élevé (8,80 livres pour 1 dollar) alors qu’au marché noir, la livre s’échangeait le double. En plus, la banque centrale a imposé des mesures strictes de contrôle des changes pour éviter la fuite des devises étrangères.

Afin de soutenir la livre égyptienne face au billet vert, les autorités ont donc, comme le fait l’Algérie aujourd’hui, puisé dans les réserves de change (des avoirs libellés en devises étrangères, dans le cas de l’Égypte en dollars, et détenues par une banque centrale). Elles sont ainsi passée de 36 milliards de dollars fin 2010, à 23 milliards de dollars fin 2016. Pour la population, cette politique a eu un impact direct : la pénurie de dollars a rendu les importations extrêmement compliquées (ou plus onéreuses via la surfacturation), et donc engendré un manque de produits alimentaires de première nécessité : sucre, riz, lait par exemple.

Finalement, sous la pression du FMI, le pays a été contraint de laisser flotter sa devise pour obtenir un prêt en novembre 2016. Cette décision a alors provoqué -sans surprise- une forte baisse, de près de 50%, de la valeur de la livre égyptienne face au dollar. Si la monnaie est redevenue compétitive, les Égyptiens doivent toutefois faire face à une augmentation des prix des principaux produits, notamment ceux importés.

Dévaluation nécessaire en Algérie ?

En Algérie, la devise nationale est aussi surévaluée par rapport à sa valeur réelle. L’écart est de près de 60% entre le marché parallèle et le taux officiel. Résultat : des entreprises -nationales comme étrangères- gonflent la facture de leurs importations afin de bénéficier d’un virement maximal de devises au taux de change officiel. Mais ce petit jeu a conduit à ce que le coût des importations augmente, et creuse donc encore plus la balance commerciale.

Dans un contexte où le gouvernement prône une réduction des importations, la banque centrale continue dans le même temps à maintenir un dinar fort. Une dévaluation doit pourtant permettre en théorie de rendre les opérations de surfacturation moins attractives.

Enfin, le dinar fort ne fait qu’alimenter le marché parallèle de la devise. Alors qu’un euro s’échange 122 dinars officiellement, il se monnaye au marché noir presque à 200 dinars. Pour l’économiste Christopher Dembik, « le modèle le plus adapté à l’Algérie, c’est clairement celui appliqué en Égypte (fin 2016, ndlr) : Une baisse du taux de change officiel entraînera une réduction du marché parallèle ». 

Le problème, c’est qu’une dévaluation du dinar algérien engendrerait nécessairement une forte inflation, et aurait donc un impact direct sur les prix de la vie courante. Un tel scénario conduirait inéluctablement à une contestation sociale que le pouvoir cherche à éviter à tout prix. Voilà pourquoi hormis des mesures cosmétiques (comme une collecte de données relatives aux valeurs des produits qui sont importés), la lutte contre la surfacturation paraît fortement compromise.

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