search-form-close
Prime Covid-19, congé, décrue de l’épidémie : entretien avec Dr Mohamed Yousfi

Prime Covid-19, congé, décrue de l’épidémie : entretien avec Dr Mohamed Yousfi

Dr Mohamed Yousfi est le chef du service des maladies infectieuses à l’EPH de Boufarik et président du Syndicat des praticiens spécialistes. Dans cet entretien, il revient sur la décrue des contaminations au Covid-19 en Algérie, le départ en congé pour les personnels soignants et les revendications des médecins spécialistes.

Les contaminations au  Covid-19 sont en train de diminuer notablement en Algérie. En tant que spécialiste, quel est le constat que vous en faites ?    

Au niveau national, c’est clair que la décrue des contaminations au Covid a été confirmée par beaucoup d’hôpitaux. En fait, ce que l’on est en train de constater a une explication simple : les dépistages effectués portent sur les malades qui sont symptomatiques et qui sont susceptibles d’être hospitalisés. Sinon, on n’est pas en train de faire du dépistage à large échelle comme dans d’autres pays. Même nos voisins le font. En Algérie, les cas recensés concernent les cas symptomatiques qui arrivent à l’hôpital. Ce sont ceux-là qui diminuent. Au niveau national, les chiffres sont en train de diminuer, aussi bien en termes de malades hospitalisés que ceux qui sont en réanimation. Par conséquent, la pression est beaucoup moindre sur les professionnels de la santé surtout dans les grandes villes où les CHU comptent un nombre important de personnels soignants. En revanche, ce n’est pas tout à fait le cas de la wilaya de Blida, et particulièrement Boufarik, épicentre de l’épidémie du coronavirus en Algérie. C’est la wilaya qui compte le plus grand nombre de malades proportionnellement au nombre d’habitants : plus de 4 000 cas pour une population d’un 1,2 million, contre plus de 5 000 cas sur une population de 5 millions d’âmes à Alger. Blida est la plus touchée en termes de taux d’incidence que l’ensemble des wilayas.

Vous exercez à l’EPH de Boufarik. Quelle est la situation ?   

L’EPH de Boufarik est l’établissement qui a accueilli le plus de malades Covid depuis qu’il a enregistré, en février, le premier cas comptabilisé en Algérie. Et la cadence s’est accélérée notamment au courant du mois de mars, avant que les autres établissements de la wilaya de Blida ne soient réquisitionnés. Et jusqu’à présent l’EPH de Boufarik reste le seul hôpital dont les services, en dehors de la maternité, demeurent encore Covid malgré une diminution des cas. Sachant que c’est l’hôpital qui a reçu le plus grand nombre de malades en Algérie, avec près de 2 500 malades, et qui compte le plus grand nombre de lits dédiés au Covid par rapport à la capacité de l’hôpital qui tourne autour de 170 lits. Enfin, l’hôpital de Boufarik est le seul établissement qui n’a pas été renforcé en personnels. Le ministre de la Santé a été interpellé mais on n’a jamais été renforcés. Or, nous avons des personnels soignants extrêmement exténués et qui sont touchés par les contaminations : nous sommes à plus de 17 médecins dont 8 du service infectieux, plus de 35 paramédicaux et une dizaine d’agents de services, tous infectés par le virus.

Aujourd’hui, de plus en plus de médecins éprouvent le besoin de se reposer en profitant de cette accalmie. Ont-ils la possibilité de le faire ?

C’est vrai qu’au début, au plus fort de l’épidémie, les congés étaient interdits. Ensuite, à partir du mois d’août une note ministérielle a été émise autorisant les chefs d’établissements à libérer leurs personnels jusqu’à une dizaine de jours. Chaque établissement, en fonction de sa situation, avait la possibilité de s’arranger afin de libérer du personnel. Cette note ne peut cependant pas être appliquée à notre établissement dont les effectifs sont au front contre le Covid, pour la simple raison qu’il y a toujours des malades et l’équipe est réduite sans être renforcée.

Concernant la prime Covid annoncée par le président de la République au profit des personnels soignants mobilisés dans la lutte contre la pandémie de coronavirus, des médecins déplorent le fait qu’ils ne l’ont pas reçue encore. Qu’en est-il au juste ?

Personnellement, j’ai toujours refusé de polémiquer sur cette prime. J’avais dès le premier jour salué cette annonce mais j’avais dit aussi qu’il y avait des questions beaucoup plus importantes pour les médecins spécialistes de santé publique qui sont pendantes auprès du Premier ministre. À l’instar de la prime d’intéressement, l’amendement de leur statut, les mesures incitatives dont avait parlé le chef de l’État au mois d’avril dernier, et jusqu’à présent il n’y a aucun texte d’application. La meilleure reconnaissance pour les médecins spécialistes c’est de leur régler ces problèmes professionnels, particulièrement le statut et la progression de la carrière. Rien n’a été fait jusqu’à aujourd’hui.

  • Les derniers articles

close