
La droite et l’extrême-droite française exigent la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration, supposément « favorable » et « avantageux » aux ressortissants algériens qui s’installent en France.
Après le vote jeudi 30 octobre par le Parlement d’une résolution présentée par le Rassemblement national visant à l’abroger, la cheffe du groupe parlementaire de ce parti, Marine Le Pen, est revenue à la charge ce mercredi en lançant une pétition appelant à le dénoncer.
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Ce qui n’est pas l’avis des experts, nombreux à trouver qu’à part sur certains aspects très limités, les dispositions de l’accord de 1968 sont, au contraire, désavantageuses pour les ressortissants algériens.
Immigration familiale et passeports talents
L’avocat spécialisé dans le droit des étrangers, Fayçal Megherbi, suggère même que c’est l’Algérie qui doit insister pour la modification du texte.
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Qu’est-ce que les ressortissants algériens perdraient-ils dans le cas d’une dénonciation de l’accord ? « Pas beaucoup de choses », répond Me Megherbi à TSA.
« Uniquement sur l’immigration familiale. La durée de régularisation des conjoints de Français, c’est 12 mois pour les Algériens, 24 mois pour les autres étrangers », dit-il.
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Pour le reste, « les Algériens auront à gagner beaucoup de choses », si l’accord de 1968 n’est plus en vigueur.
Plusieurs catégories auront un meilleur statut, comme les étudiants, les talents et les accompagnateurs de talents, soit les enfants et les conjoints des Algériens qui vont en France pour exercer des métiers qualifiés comme celui de médecin, informaticien, des métiers de la restauration ou dans le secteur du bâtiment, explique l’avocat.
« Si l’accord franco-algérien est dénoncé, en réalité, c’est une bonne chose pour les ressortissants algériens. L’admission exceptionnelle n’est pas prévue pour les Algériens et elle leur est appliquée exceptionnellement », ajoute-t-il.
Me Megherbi a écrit vendredi 31 octobre avec son collègue Bernard Schmid aux présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, pour proposer une nouvelle réforme de cet accord.
« J’ai donné des pistes à exploiter pour, encore une fois, améliorer l’accord franco-algérien et permettre aux Algériens d’avoir un statut meilleur que celui dont il dispose actuellement », dit-il.
« L’accord n’a jamais été favorable aux Algériens, il faut le dénoncer. L’Algérie a plus intérêt à avoir des ressortissants algériens qui ont plus de droits que ce que nous avons actuellement », insiste-t-il.
« En France, il n’y a aucune proposition concrète », juste des « actions politiciennes »
L’avocat assure ne pas comprendre ceux qui, en France, s’élèvent contre cet accord de 1968 et veulent changer le texte. « On est dans des actions complètement politiciennes. Mais sur le fond, il n’y a rien. Sauf erreur de ma part, si j’ai raté une étape dans le débat politique actuel, la France ne propose rien pour la modification ou la renégociation de l’accord franco-algérien. On veut juste renégocier pour renégocier. Sur le fond, il n’y a aucune proposition concrète à l’Algérie pour modifier cet accord », constate l’avocat franco-algérien.
Dans la lettre adressée aux présidents algérien et français, les deux avocats ont expliqué point par point comment l’accord de 1968 est nettement désavantageux pour plusieurs catégories d’Algériens qui s’installent en France.
Hormis ceux qui s’installent dans le cadre de l’immigration familiale, toutes les autres catégories, les étudiants, les travailleurs, les talents, auraient plus de facilités si les dispositions du droit commun leur sont appliquées.
Ils ont par exemple souligné que depuis novembre 2016, les préfets délivrent de nouvelles cartes de séjour pluriannuelles (CSP) telles que « le passeport talent », « travailleurs saisonnier », « salarié détaché » et « générale », mais les Algériens ne peuvent pas les obtenir, car ils sont régis par les dispositions de l’accord de 1968.
Même le ministre français des Affaires étrangères est de l’avis des deux avocats. Auditionné le 21 octobre devant l’Assemblée nationale, Jean-Noël Barrot a reconnu que certains éléments de l’accord de 1968 sont effectivement « avantageux » pour les Algériens, mais d’autres « le sont moins ».
La suppression de l’accord ferait qu’il y aurait « un peu moins d’immigration familiale et un peu plus d’immigration économique et étudiante parce que, par rapport au droit commun, certaines dispositions de l’accord de 1968 sur l’immigration économique et étudiante sont moins favorables », a-t-il expliqué.
Mardi, le Premier ministre français Sébastien Lecornu a réitéré l’opposition du gouvernement à dénoncer cet accord, mais il s’est exprimé en faveur de sa renégociation rapide avec Alger.