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REPORTAGE. Dans la plus grande librairie d’Algérie

REPORTAGE. Dans la plus grande librairie d’Algérie

Située dans le quartier de Hussein Dey à Alger, la plus grande librairie d’Algérie a ouvert ses portes au public samedi dernier. Ses gérants ambitionnent d’en faire le premier Virgin Megastore du pays.

La nouvelle a affolé les réseaux sociaux depuis quelques semaines. Nadji Mega Bookstore, la plus grande librairie d’Algérie donnait rendez-vous aux amoureux du livre samedi 3 octobre. Le coup de pub a fait mouche. Des centaines de curieux se sont précipités à la cité Amirouche (Hussein -Dey) où est implantée la bâtisse de 3 niveaux dédiée aux articles scolaires, livres de théologie, ouvrages pour enfants, à la littérature, livres spécialisés, manuels académiques…

Ce projet, avons-nous appris sur place, a été lancé par la maison d’édition et de distribution Dar El Izza qui existe depuis 2006 et qui est basée à Oran. Ce méga bookstore est appelé à se développer, comme nous l’a confié Redouane Lemsioui, l’un des gérants de cette nouvelle librairie. « Nous voulons créer le premier Virgin Megastore en Algérie ».

Visite guidée

Au lendemain de son ouverture, le tapis rouge à l’entrée et les ballons de baudruches colorés sont toujours là. Petit ‘pshitt’ de gel hydroalcoolique sur nos mains, par un agent de sécurité posté devant la porte et nous voilà prêts à découvrir ce haut lieu de culture.

Au rez-de-chaussée, il y a foule. Les clients se ruent sur les rayonnages dédiés aux articles scolaires achetant cahiers, stylos, crayons et classeurs. Une allée est réservée aux livres religieux.

Dictionnaires, encyclopédies, romans sont également disponibles (pas en grand nombre sur ce présentoir notamment pour la littérature algérienne). Nous grimpons au premier étage. Les livres et les jeux éducatifs inondent les rayons : puzzles, imagiers, coloriages, jeux éducatifs, histoires pour enfants (Le petit poucet, les 3 petits cochons, Boucle d’Or…). Il y aussi des manuels du parascolaire : livres pour apprendre l’anglais, l’allemand, le français (Magnard Editions) pour les classes de 4e , 5e et 6e ; des cahiers du jour et du soir…

Un présentoir a été aménagé pour les livres de cuisine algériens et internationale (Cuisine fraîcheur de Cyril Lignac, le wok de la cuisine chinoise, cuisine light…). L’étiquetage n’est pas encore au point puisque seuls les prix de quelques ouvrages sont signalés.

Mauvaise signalétique

Le troisième niveau réunit romans, livres spécialisés (architecture, médecine, psychologie, sciences politiques), livres de poche, ouvrages académiques, culture générale…

Les ouvrages ne sont pas classés par thématique et aucune signalétique n’existe pour orienter les clients.

Nacima (49 ans), une liste à la main, demande à la caissière de l’orienter. « Où puis- je trouver ‘Les fleurs du mal’ de Charles Baudelaire et ‘Candide’ de Voltaire », demande-t-elle.

La jeune fille lui indique le bon rayon et retrouve sa caisse enregistreuse. Une étudiante en 2e année de licence d’anglais est à la recherche de livres pour améliorer ses performances dans la langue de Shakespeare.

« Je m’attendais à trouver plus d’ouvrages en anglais mais ce n’est pas le cas, regrette-t-elle en feuilletant les romans d’Edgar Allan Poe, Henry James, Emily Brontë, Lewis Caroll. J’espère qu’ils vont enrichir leur stock ».

Peut mieux faire !

Sur les étagères dédiées à la littérature algérienne, il n’y a pas un grand choix non plus. A peine quelques exemplaires de Mouloud Feraoun, Assia Djebar, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Tahar Djaout, Ahlem Mosteghanemi, Rachid Mimouni, Yasmina Khadra.

Amel (32 ans) passe les rayonnages au crible. Elle est à la recherche des dernières nouveautés. « Je cherche le dernier roman d’Amin Zaoui ‘Canicule glaciale et ‘Le sel de tous les oublis’ de Yasmina Khadra, mais ils ne sont pas disponibles. Je suis une passionnée de lecture, enchaîne-t-elle. J’applaudis des deux mains cette initiative d’avoir ouvert ce grand espace consacré aux livres. De nos jours, on assiste à une floraison de pizzerias et de fastfoods. Hélas, la nourriture du ventre a supplanté celle de l’esprit », regrette- t-elle.

Devant le rayon des romans de poche (Danielle Steel, Mary Higgins Clark, Agatha Christie), nous croisons Amine (45 ans). Casque à la main et bavette collée sur le visage, il nous avoue qu’il est venu en moto depuis Ouled Fayet pour découvrir ce nouvel espace culturel.

« C’est une bonne initiative mais j’ai observé des manquements. Les ouvrages ne sont pas classés par thématique et aucune signalétique n’existe pour qu’on s’y retrouve facilement. C’est un peu le bazar. Je relève aussi que les livres jeunesse écrits par des auteurs algériens sont absents des rayons, comparés au livres pour enfants d’importation ».

Omar Drif, l’un des gérants de ce bookstore avoue que ses équipes ont travaillé d’arrache-pied pour être au rendez-vous de la clientèle le 3 octobre. « Les travaux ont commencé en mars dernier. A cause de la pandémie de coronavirus, nous avons dû repousser l’inauguration. 22 employés travaillent dans cette librairie ouverte tous les jours sauf le vendredi entre 9h et 18h », dit-il.

De grandes ambitions

Redouane Lemsioui, autre gérant de cette enseigne, donne plus d’informations. « Nadji Mega Bookstore (du nom du propriétaire) se décline sur une surface de 1300 m² dispatchée sur 3 niveaux. Cet endroit n’a pas été choisi par hasard. La librairie est située à proximité de la bouche de métro Amirouche. La prochaine étape sera d’accueillir des rencontres littéraires et des expositions artistiques avant de commercialiser des produits multimédias tels que les tablettes, ordinateurs, téléphones portables », détaille –t-il.

Ambitieux, Redouane Lemsioui veut faire de sa librairie le premier Virgin Megastore d’Algérie. « Notre ambition est de devenir le premier Virgin Megastore en Algérie, une enseigne spécialisée dans la distribution des produits culturels. A la base, nous sommes une maison d’édition, de distribution et d’importation. Nous avons déjà trois librairies à Oran, une à Tlemcen, une à Sétif et l’autre à Bechar. Nous travaillons en collaborations avec des maisons d’édition libanaises, jordaniennes, égyptiennes, françaises. Actuellement, nous disposons de 40 000 ouvrages importés avant la crise sanitaire du Coronavirus. 15 000 exemplaires sont dans cette librairie et le reste en stock. Par ailleurs, nous collaborons avec une cinquantaine de maisons d’édition algériennes pour la promotion des écrivains algériens ».

La Mecque du livre en Algérie

Redouane Lemsioui poursuit : « Un gros challenge nous attend. Notre projet est né d’un constat : il n’existe aucune librairie digne de ce nom en Algérie. Des échoppes qui commercialisent des ouvrages de parascolaire, des cigarettes et des déodorants sont appelés ‘librairies’. Notre ambition est de devenir la Mecque du livre en Algérie ».

L’ouverture de ce bookstore, le plus grand d’Algérie, a été saluée par le public. Toutefois, des améliorations sont attendues : un meilleur agencement des ouvrages, une plus grande disponibilité des auteurs algériens (dont la nouvelle génération d’écrivains et d’écrivaines), des livres jeunesse qui parlent de l’Algérie et de son patrimoine, une signalétique par thématique. Un premier pas vers une véritable professionnalisation de ce noble métier en voie de disparition dans notre pays.

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