Dans la famille des cheffes algériennes les plus célèbres, elle sort du lot. Émissions TV, blogs, livres culinaires, vidéos… En quelques années, Sherazade Laoudedj a su imposer son nom et son savoir-faire dans le domaine de la gastronomie algérienne dont elle se réclame l’ambassadrice.
Souvent attaquée sur les réseaux sociaux par la communauté marocaine qui revendique la paternité de certains plats algériens, Sherazade Laoudedj défend l’idée d’un patrimoine commun au Maghreb.
Rien ne la prédestinait à ce métier. Dans une autre vie, Fatima-Zohra alias Sherazade poursuivait des études de médecine. Une demande en mariage et la voici quittant l’Ouest algérien qui l’a vue naître pour poser ses valises en France (région parisienne) en 2002.
« Reprendre des études en repartant à zéro me semblait ardu » confie-t-elle à TSA. « Entre-temps, ma fille est née, suivie de mes deux autres enfants. Je voulais m’occuper de leur éducation, alors je m’y suis consacrée à fond sans chercher à repartir sur le banc de l’université », poursuit-elle.
Sherazade Laoudedj passe beaucoup de temps en cuisine. Elle se découvre une passion insoupçonnée pour la pâtisserie algérienne et constate qu’elle est douée dans ce domaine.
Une idée fait tilt dans sa tête : lancer son propre blog pour partager ses recettes avec les internautes. « À l’époque, la blogosphère était balbutiante. Il me fallait un titre avant de me lancer. C’est mon époux qui l’a trouvé : tes gâteaux, on dirait des bijoux, pourquoi ne pas appeler ton blog « les joyaux de Sherazade ». Bim, c’était bien trouvé ! C’est ainsi que l’aventure a commencé pour moi », raconte-t-elle.
Ce blog, né en 2010, a tout de suite eu du succès. La cheffe algérienne y partage ses recettes, mais pas que. Elle produit du contenu, prend des photos et raconte l’histoire de ces gâteaux et plats.
« J’ai commencé à m’investir entièrement dans ce travail jusqu’à y consacrer 14 heures par jour. Il fallait non seulement produire du contenu, mais aussi répondre à ma communauté qui grandissait de jour en jour » se souvient-elle. Mes premiers cachets arrivaient aussi. Cela me permettait d’avoir une rémunération tout en m’occupant de mon foyer.
Déjà, à l’époque, lorsque certains commentaires en ligne tentaient de la déstabiliser. « Dès que je parlais de H’rira ou de tajine par exemple, les attaques fusaient « Ah ce plat n’est pas algérien ! » « Cette recette est marocaine », etc. Pourtant, moi, la fille de l’Ouest (Oran-Tlemcen), j’ai grandi avec ces plats puisque ma région de naissance est frontalière avec le Maroc. Mon combat pour faire connaître la cuisine algérienne en général et de l’Ouest en particulier remonte donc à cette époque ».
Rapidement, Sherazade Laoudedj gagne en visibilité sur les réseaux sociaux. En 2014, elle est contactée par la télévision française France 2. « Pendant 2 ans, j’ai travaillé comme chroniqueuse dans l’émission « C’est au programme » animée par Sophie Davant. Il y a eu ensuite un livre « Les joyaux de la cuisine algérienne » consacré à la gastronomie algérienne commercialisé sur Amazon.
En 2016, une nouvelle aventure débute pour la cheffe algérienne. Sherazade Laoudedj est contactée par la chaîne privée algérienne Samira TV. « Ma carrière prend un virage à 180 degrés à partir de cette date. Les productions s’enchaînent alors. Je fais découvrir aux téléspectateurs toutes les cuisines du monde et celle de mon pays évidemment ».
Deux ans plus tard, Sherazade Laoudedj est sollicitée par le groupe Canal+ pour l’Afrique francophone où elle présente des émissions culinaires. Dans la foulée, elle publie un ouvrage intitulé « Ma cuisine algérienne ». Puis, elle saute le pas et ouvre un restaurant à Paris. « Une expérience qui s’est arrêtée juste avant le Covid-19 », précise-t-elle.
Tout en poursuivant ses productions culinaires avec Samira TV, la cheffe algérienne signe des contrats de partenariats. En décembre 2023, elle réalise des coffrets d’assortiments de gâteaux traditionnels algériens vendus aux Galeries Lafayette (Paris).
Avant le Ramadan 2024, elle est de nouveau sollicitée par ces grands magasins français qui lancent un concept intitulé « le village oriental », une expérience qui tourne court.
« J’avais préparé un assortiment de Djouzia, dattes fourrées et sellou, un gâteau que l’on consomme, dans l’Ouest algérien, durant le mois sacré. Trois jours plus tard, la polémique enfle. Le standard téléphonique des Galeries Lafayette est assailli par les appels. On m’a carrément accusée d’être une voleuse de patrimoine marocain ».
L’affaire est montée en épingle, puisqu’il y a eu même des menaces de saccager l’étale si ce gâteau n’était pas retiré de la vente. Cet événement a par conséquent été interrompu.
Les menaces contre la cheffe algérienne sont répétitives. « À chaque fois que je partage une recette de Pastilla ou de Tajine, je suis attaquée sur les réseaux sociaux par la communauté marocaine. Des dizaines de vidéos ont été postées sur moi sous le titre ‘Sarkazede’ (la voleuse). D’ailleurs, je compte déposer plainte pour harcèlement ! Pareil acharnement est injustifié. La cuisine voyage à travers le temps et l’espace. L’Ouest de l’Algérie a des plats communs avec le Maroc. Je ne suis pas en conflit. Je défends le patrimoine culinaire algérien, c’est tout ! »
Cheffe Sherazade continue ses recherches afin de présenter de délicieuses recettes à ses abonnés sur les réseaux sociaux « Pendant ce mois de Ramadan : les soupes (chorba beida, chorba frik, h’rira….) ont le vent en poupe, mais aussi tadjine zitoune, tajine lahlou, chtitha, m’tawem, kalb ellouz, khobz Edar…. »
Un mois sacré très bien rempli pour cette ancienne étudiante en médecine qui a échangé son stéthoscope contre une toque. Un autre chemin que celui qu’elle croyait prendre quand elle avait 20 ans, mais qui, aujourd’hui, la comble d’un bonheur incommensurable.
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