L’Algérie a déclenché le compteur du solaire. Le projet de production de 3.000 mégawatts d’électricité solaire est mis sur les rails. Les contrats de réalisation des centrales ont été signés jeudi 14 mars à Alger. Le professeur Chems-Eddine Chitour explique en quoi le projet est important pour le présent et l’avenir de l’Algérie.
L’ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Transition énergétique n’est pas avare en mots pour qualifier ce que Sonelgaz a entrepris.
Il estime notamment qu’il s’agit d’un « premier jalon de la réelle indépendance énergétique à partir de son savoir-faire, sa création intellectuelle », et d’une stratégie qui permettrait de sortir de « la dépendance dangereuse au tout fossile » si elle était poursuivie avec la même détermination.
Les projets lancés par l’Algérie il y a une semaine portent sur la réalisation d’un total de 19 centrales photovoltaïques. À l’issue de l’évaluation des offres, les sociétés algériennes ont obtenu la réalisation de 4 projets, les groupements mixtes 5 et les sociétés étrangères 10.
Des dizaines de sociétés algériennes et étrangères avaient participé aux deux appels d’offres lancés en février et juillet 2023, le premier portant sur la réalisation de 14 centrales dans 12 wilayas et le second sur 5 centrales réparties à travers 5 wilayas.
Le coût global du projet tourne autour de 2 milliards de dollars. D’une capacité totale de 3.000 MW, ces centrales entrent dans le cadre de la stratégie visant une production de 15.000 MW d’électricité d’origine solaire d’ici à 2035.
Pour Mohamed Arkab, ministre de l’Énergie et des Mines, il s’agit d’un « grand pas » et d’un « tournant décisif » pour la transition de l’Algérie vers le renouvelable.
Sur LinkedIn, le professeur Chitour a regretté qu’un tel événement soit, tel « un éclair dans le ciel, passé inaperçu des Algériennes et des Algériens ».
Chiffres à l’appui, il explique qu’il s’agit simplement d’un « pas de géant » opéré par l’Algérie vers la sortie du tout fossile. De 2 % seulement actuellement de la capacité totale installée, les centrales en projet porteront dans un an la part du solaire dans la production algérienne d’électricité à 10 %.
Les enjeux économiques de l’électricité solaire pour l’Algérie
Au-delà de l’aspect écologique et environnemental de la transition énergétique, l’enjeu pour l’Algérie est surtout économique. Il s’agit aussi de « penser à l’Algérie de demain ».
Le Pr Chitour explique que la production de 3.000 mégawatts solaires signifie une économie conséquente sur le gaz, principale énergie utilisée aujourd’hui par les centrales électriques de Sonelgaz.
Cette économie serait de l’ordre de 1,8 milliard de m3 de gaz chaque année. L’Algérie produit actuellement environ 100 m3 de gaz annuellement, dont à peu près la moitié est destinée à l’exportation.
La hausse continuelle de la consommation intérieure limite les capacités du pays à exporter davantage de gaz. En décembre 2022, le président de la République Abdelmadjid Tebboune avait émis le vœu d’augmenter la production algérienne de gaz de façon à satisfaire la demande interne et atteindre 100 milliards de m3 exportés par an.
Le passage au solaire peut en effet aider à aller dans ce sens. Les 1,8 milliard de m3 que les futures centrales solaires permettront d’épargner pourront être « vendus ou laissés aux générations futures », souligne Chems-Eddine Chitour.
« En clair, c’est comme si Sonelgaz, non seulement ne consommerait plus de gaz, mais au contraire mettait à la disposition du pays 1,8 milliard de m3 de gaz chaque année équivalent à un gisement de gaz pour lequel on investirait constamment », écrit-il.
En fait, avec le renouvelable, l’Algérie à tout à gagner. Le gaz ainsi épargné permettra de financer l’investissement initial dès la troisième année et l’électricité produite sera gratuite tout au long de la durée de vie des panneaux solaires installés, soit 25 ans.
Et ce n’est qu’un début puisqu’il faudra démultiplier tout cela lorsque l’objectif de 15 000 MW solaires sera atteint dans dix ans.
L’intérêt pour l’Algérie est aussi dans le transfert de technologie et la maîtrise du savoir-faire dans le domaine.
Lors de la cérémonie de signature des contrats, le ministre Arkab avait souligné que le projet constitue une opportunité pour les entreprises algériennes de nouer des partenariats avec des sociétés étrangères, ce qui permettra le « renforcement des capacités des ressources humaines et le transfert de technologie ».
Dans le même sens, le professeur Chitour explique que le gaz thésaurisé par l’Algérie sera vendu « au plus offrant, non pas contre des dollars, mais contre un savoir-faire ».
La devise de l’Algérie doit être d’exiger en contrepartie de chaque m3 la mise au point d’un kilowatt/heure d’électricité solaire ou d’un kilogramme d’hydrogène vert.