Depuis la dématérialisation des démarches des demandes de titres de séjour en France, la vie de nombreux étrangers, pourtant en situation régulière, bascule complètement dans l’irrégularité et parfois dans la précarité.
Des bugs informatiques sur la plateforme numérique des demandes de titres de séjour, relevant de l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef), sont la principale cause des difficultés rencontrées par ces étrangers. C’est ce que dénonce une dizaine d’associations d’aide aux étrangers vivant et travaillant en France, dans une tribune parue jeudi 8 mai, évoquant des « dysfonctionnements kafkaïens de la plateforme numérique des demandes de titres de séjour ».
Des bugs informatiques
Ces dysfonctionnements, signalés à maintes reprises aux pouvoirs publics, « entravent l’accès des personnes étrangères au marché du travail, aggravent leur précarisation et pénalisent lourdement les associations et les entreprises qui les accompagnent ou les emploient », peut-on lire dans le document.
La plateforme, obligatoire depuis 2021 pour demander la plupart des titres de séjour, avait été mise en place pour simplifier les demandes de délivrance ou de renouvellement des titres de séjour. Or, ses dysfonctionnements « massifs et récurrents en ont fait un outil à fabriquer de la précarité », dénoncent les associations.
Pourtant, ces organisations signalent les bugs de la plateforme depuis trois ans aux autorités concernées. Mais ces problèmes continuent toujours d’empêcher des étrangers à renouveler leurs titres de séjour. Résultat : « des parcours de vie brisés, des personnes empêchées de travailler, des entreprises privées de salariés et des services préfectoraux qui peinent à débloquer des situations ».
Un téléconseiller qui travaille auprès de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), dont dépend l’Anef, cité ce samedi 10 mai par France 3, décrit une situation intolérable, affirmant « qu’il n’y a plus de contact direct (avec les demandeurs, NDLR) depuis la dématérialisation ».
« Six mois pour changer une adresse mail »
Selon lui, en plus des problèmes que rencontrent les demandeurs lors de la création de leurs comptes, pour le simple fait de changer une adresse mail, il faut patienter au minimum trois semaines. « Certaines personnes patientent plus de six mois ».
En attendant, il leur est impossible de demander ou renouveler un titre de séjour, même si le titre actuel risque d’expirer. Pis encore, « les attestations de prolongation ne sont pas forcément générées tout de suite », précise l’employé, s’exprimant sous couvert de l’anonymat.
Cela entraîne inévitablement une interruption des droits à la Sécurité sociale, mais aussi le risque de l’interdiction de poursuivre son travail, car il faut impérativement un titre de séjour pour pouvoir travailler dans les règles en France.
Un choix politique ?
Les dysfonctionnements relevés sur la plateforme et cette défaillance informatique viennent ainsi précariser des personnes qui sont pourtant en règle et qui contribuent activement à l’activité économique du pays. Certains ont même des enfants à leurs charges.
Au-delà de ces soucis informatiques, Médiapart avait rapporté en décembre dernier que le pourrissement actuel de la situation, en matière de délivrance des titres de séjours aux étrangers, serait voulu, voire un « choix politique ».